Generic - II Par quel bout empoigner ce nouvel album de Generic ? L'exercice est d'autant plus difficile qu'il s'agit là de ma dernière (si, si, pour de vrai cette fois) irruption 100% officielle et prévue de longue date sur le webzine aux grandes oreilles même si je ne fais plus du tout partie de l'équipe (si, si, pour de vrai cette fois - bis) et même si quelques escarmouches ne sont néanmoins pas totalement impossibles à l'avenir, histoire de continuer à cultiver le paradoxe. Gui de Champi aurait obligatoirement sorti tous les dossiers poussiéreux (et bien plus encore) autour de Second Rate, Cactus poursuivant son idylle avec son homologue végétal et Aurelio étant trop préoccupé à décortiquer le huitième album de Celeste (Suicide intégral & névrose intense) dans une étude comparative et raisonnée de 64 pages, c'est donc à votre serviteur que revient de s'atteler à la tâche, que dis-je, à l'Oeuvre. En plus du fait que le groupe me l'ait demandé si gentiment lors de notre dernière rencontre (cf Generic chez Monsieur +, acte II (oct. 2010)) en me fournissant le magnifique objet vinylique judicieusement accompagné d'une copie de son contenu sonore sur CD à l'issue de l'avant-première mondiale d'un duo sublimement métamorphosé en trio.
Impossible de garder la tête froide au déballage de l'objet bleuté (au passage, chapeau à TheGlint et à Bertrand Béal pour les photos et le concept de la ligne graphique), puisque l'histoire d'amour entre Generic et moi dure de date en date depuis plus de deux ans, un délai qui peut sembler court mais pourtant suffisamment long et intense pour savoir que cela n'est pas terminé entre nous. A ce sujet, je vous renverrai à la fournée de concerts reviewés dans nos pages, même si au final il n'a été très peu question de musique... La venue au monde il y a plusieurs semaines de II est l'occasion de remettre les pendules à l'heure, un service minimum au pays de l'horlogerie.
Après avoir usé et abusé durant plusieurs semaines de l'offre "triple-play" de Generic (écoute du 33 tours chez moi, du CD dans la voiture et, après leur conversion en horribles MP3, des fichiers dans un antique baladeur numérique), c'est la gorge serrée, des fourmis dans les doigts et une petite boule au ventre que je vais tenter de te faire adorer la nouvelle prouesse musicale des bisontins, présentée sur scène au fil des derniers mois de façon aussi diverse que variée. Action.

Coté similitudes, on est franchement à la peine d'en dénicher puisque Generic, une fois n'est pas coutume, semble n'avoir de dette envers personne. On repèrera peut-être une accointance avec Microfilm dans le choix d'extraits cinématographiques (et tirés d'un même genre de cinéma). Mais cela s'arrête pour ainsi dire là. Pour le reste, tu devrais comprendre que Generic, duo basse-batterie au cas où ta mémoire défaille, continue de faire voler en éclats les codes en se permettant le luxe d'inviter Seb de Stellardrive au piano... ainsi que d'immiscer de subtiles différences entre les versions CD et vinyl de son ouvrage.
Baroque et iconoclaste. Ce sont les termes qui conviennent le mieux pour synthétiser l'esprit de ce deuxième album. Du haut de ses six pistes étalées en trois quarts d'heure, II nous chahute et ses auteurs dévoilent leur aptitude à faire aussi bien montre d'une tendresse infinie que d'une bestialité sans faille... et parfois au creux d'un seul et même morceau ("Onze heures"). Pour être principalement confronté à la brutalité de nos protagonistes, il faut se prendre (dès l'ouverture des hostilités) "Mocushle" en pleine face alors qu'on fait le plein de mélancolie et d'introspection grâce au magnifique trajet effectué "Sur la route" (et en compagnie de Jack Kerouac ?). On est déjà abasourdi par ce qui est passé dans nos conduits auditifs, comprendre la frappe aussi colossale que millimétrée de Sylvain, le jeu monumental en toutes circonstances de Fred, les savoureuses apparitions de Seb et une multitude de sentiments associés, mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises puisque le summum est sans nul doute atteint entre "Pneumatic" et "Jeff". Les adeptes de bûcheronnage intensif et de dialogues cinématographiques auront une préférence pour le premier tandis que la froideur électronique des pads, la virtuosité du piano et ce vibrant virage post-rock aussi bouillonnant qu'étincelant attirera infailliblement tout mélomane digne de ce nom (et pas seulement les adeptes du grand Jacques Brel à qui ce titre semble se référer). Et c'est lorsque se boucle sur elle-même l'écoute de II, avec l'arrivée de la dernière piste, éponyme, que l'on prend pleinement conscience de pourquoi ce disque aurait pu s'appeler Vivre tue. Irrésistible et bouleversant.

P.S. : Pour les heureux détenteurs du maxi promo (Generic) sorti au printemps 2009, ils peuvent faire précéder son écoute à celle de II : ça se passe comme sur des roulettes.