Certains albums parlent d'eux-mêmes, d'autres ont un story telling très fort et quelques-uns combinent les deux, c'est le cas pour ce Sonars tapes dont il me semble compliqué d'éluder la "recette de fabrication". Pourtant, ce n'est pas tout à fait "un argument de vente", qui penserait qu'il est excitant d'aller écouter chanter des langoustes sur une rythmique d'instrument de sondage des fonds marins ? Dit comme ça, forcément, ça peut faire peur... François Joncour est allé passer beaucoup de temps dans un des laboratoires BeBest (une collaboration franco-québécoise qui réunit des chercheurs autour des écosystèmes marins) pour capter des sons et discuter avec les âmes qui œuvrent pour une meilleure connaissance de notre planète et sa sauvegarde. Un travail de longue haleine qui lui ont permis de créer des chansons, consacrées à ces hommes et femmes de l'ombre, avec comme matériel de base des sonorités organiques assez inattendues. Outre les coquilles St-Jacques et les icebergs qui se disloquent, François Joncour a convié quelques amis pour donner davantage de chaleur à ses titres, parmi eux, on peut citer Nicolas Courret (batteur chez Eiffel ou Laetitia Shériff), David Euverte (pianiste pour Daniel Paboeuf Unity), Ned Crowther (chanteur de The Fernweh) ou Mirabelle Gilis (violoniste et chanteuse auprès de Miossec qui a aussi répondu présent pour coécrire un texte), un vrai travail de groupe (puisque des concerts sont prévus) et un véritable album électro-pop abouti qui ne ressemble pas à un assemblage de sons venus de la mer mais bien à une petite pépite aussi brillante et douce que nécessaire car qui sait si on pourra encore enregistrer ces sons dans quelques années ?
Si on met de côté, l'aspect purement technique de l'origine des samples, Sonars tapes est une collection de chansons armées de mélodies, de petits rythmes, de beaux arrangements et de textes poignants qui ravissent l'auditeur inaverti. Tout à chacun peut se délecter des différentes pistes sans en connaître l'histoire, la découvrir ensuite pourrait d'ailleurs être un choc, comment est-il possible d'obtenir un tel résultat en s'enfermant dans un labo de recherches sur l'océan ? Parmi le très rock "Biology is food & sex", l'électro "Obsession & repetition", le contemplatif "Skarigañ a ra", le poétique "Tout s'en est allé", le post-rock "Ô Spitzberg !", le low-fi pop "Piling underwater", quel titre à ta préférence ? Personnellement, je ne saurais dire, à chaque fois, François Joncour et ses comparses me touchent, même les interludes ne sont pas uniquement là pour passer le temps, tout est beau, tout est indispensable. Comme quoi l'homme peut parfois se mettre au niveau de la nature...
Publié dans le Mag #49