Leur sobriquet fait rire, leurs titres aussi, mais la musique de Francky Goes To Pointe À Pitre sous ses faux airs de zouk 2.0 reste par dessus tout un rock enivrant et dansant. On a tenté de savoir ce qui se cachait derrière son plaisir coupable. C'est Pierre-Louis, l'ex-Headcases connu depuis sous le nom de Luis Francesco Arena et l'un des guitaristes de la formation, qui répondent à nos questions.
Monter un projet comme Francky Goes To Pointe À Pitre, c'était une manière de sortir un peu de la routine que vous entreteniez avec vos groupes respectifs (Pneu, Luis Francesco Arena, Mr Protector) ?
C'est pas vraiment une façon de sortir de la routine, mais c'est sûr que c'est toujours excitant de faire un nouveau projet avec de nouvelles personnes. On est plus sur une histoire de rencontre autour d'une envie commune à un moment qui le permet. On se connait tous depuis un moment maintenant, et on s'est un peu retrouvés d'accord sur l'importance de faire des incantations au soleil pour pouvoir trinquer nos mojitos dans des conditions dignes de ce nom.
À ce sujet, vous pouvez nous rappeler la genèse de ce groupe ?
On a commencé à balbutier quelques morceaux en 2012, en se cherchant un peu, avec différents essais, avec de la basse ou même du chant, on a même essayé des morceaux un peu surf au début. Puis la direction a commencé à se dessiner avec l'arrivée des premiers morceaux un peu "zouk" en mode 2 guitares - batterie, et de là, David (batteur) a eu cette merveilleuse idée de nom de groupe qui a mis tout le monde d'accord. On a donc continué sur cette lignée, fait nos premiers concerts, et on s'est rendu compte que c'était vraiment jouissif de faire une musique qui faisait danser les gens, chose pas forcément habituelle pour nous. Et comme on ne se prend pas trop au sérieux et qu'on adore l'humour, on s'est dit que mettre des chemises à fleurs et des palmiers gonflables ça donnerait une atmosphère plus décontractée, propice à la danse. De là, une vie de groupe a commencé, on a fait un disque puis des tournées et c'était parti !
Êtes-vous déjà allés au moins une fois à Pointe-à-Pitre, à la fois à titre personnel et pour y jouer ?
David y est allé en vacances oui, histoire de vérifier 2-3 trucs. Apparemment il y a bien des cocotiers, un volcan et des plages de rêve.
À votre avis, quelle réaction auraient les Pointois, si vous jouiez là bas ?
Aucune idée, sachant que notre musique est plutôt rock malgré tout, on ne sait pas comment les gens réagiraient. Faudrait aller voir !
Je vous ai découvert avec ce nouvel très bon album, quelle différence principale faites vous avec son prédécesseur ? C'est juste son prolongement ?
Oui c'est forcément un prolongement, on a essayé d'aller un peu plus loin dans les couleurs musicales et dans le son aussi. On s'est permis plus de choses, avec l'envie de faire un disque un peu moins "live" mais peut-être plus "produit". Et on a rajouté du chorus sur les parties de guitares en son clair ! C'est un de nos plaisirs coupables.
Ne pas intégrer de bassiste, c'était une nécessité dès le départ pour forger le son du groupe ? Ou aucun bassiste ne faisait l'affaire ?
On a bien essayé une formule guitare - basse - batterie au début, mais on a trouvé plus intéressant de jouer sur les complémentarités à deux guitares, sachant qu'avec des octaveurs on peut avoir de la basse facilement. Et c'est un projet qu'on a monté à trois, on est tous d'accord sur la direction du groupe, autant continuer comme ça. C'est vrai que c'est un retour qu'on nous fait souvent, le manque de basse, mais pour l'instant c'est comme ça, et pour tout un tas de raisons, ça nous arrange.
Est-ce que plaisir coupable fut un album pénible à réaliser en terme de compositions et d'enregistrement ?
Je crois que pénible c'est pas un mot qui rentre dans l'histoire du groupe. On a forcément été un peu charrette sur la fin car on s'était fixé une deadline pour l'enregistrement, et il a fallu pondre un ou deux morceaux sur la dernière ligne droite, mais l'urgence ça peut avoir du bon, et on est plutôt content de ces derniers morceaux. Pour le reste, on a pris le temps de chercher, d'essayer, de jeter certains morceaux même, mais ça nous a aidé à voir où on voulait aller.
De quoi est encore capable Francky Goes To Pointe À Pitre pour l'avenir ? Est-ce que le meilleur ne serait t-il pas dans le prochain album ? Avez-vous déjà des idées ?
Le meilleur est forcément dans le prochain ! On commence déjà à s'en parler, c'est bien, on a un peu de temps pour aborder ça de façon décontractée. Mais il va falloir qu'on essaye pas mal de choses avant de savoir comment sera le prochain disque.
N'avez-vous jamais cette crainte en tant que musicien d'être limité artistiquement par le style qu'imposent vos groupes, et par FGTPAP en particulier ?
Forcément, mais c'est aussi ce qui permet de se remettre en question et d'évoluer. Mais c'est quand même une grosse fraîcheur pour nous que de faire ce groupe, donc les perspectives sont encore très nombreuses. Il y a encore plein de choses à aborder, donc c'est plutôt excitant.
Est-ce qu'il faut obligatoirement se démarquer en portant un nom de groupe rigolo (ou pourri ça marche aussi, mais qu'on retient en tout cas), un mélange de styles avec des influences qui vont forcément fait sourire, pour "sauver" cette scène française de math rock foutraque qui est quand même représentée par une pelletée incalculable de groupes et qui n'apporte peut-être plus autant de bons groupes qu'avant ?
Ah oui, c'était mieux avant hein ? Je pense que c'est déjà hyper dur de se trouver un nom de groupe, alors si au moins ça te fait sourire c'est déjà ça de gagné. Et je ne pense pas qu'il y ait besoin de sauver quoi que ce soit, il faut juste chercher la fraîcheur là ou elle est, c'est peut être pas dans cette scène là. En tout cas le mélange ça apporte toujours de la diversité et ça peut ouvrir à de nouvelles curiosités, donc c'est plutôt une bonne chose. Mais pas tout le temps, je te l'accorde (rires).
Citez moi des groupes dans le genre "math rock foutraque" français dont on risque encore de parler dans plusieurs années ?
Alors là, ça voudrait dire citer plein de copains en prenant le risque d'en oublier. Non non non !
Qu'est-ce qui caractérise en premier lieu un mauvais musicien, selon vous ?
Les mauvais musiciens sont souvent les plus sincères, alors il faut continuer à être de mauvais musiciens et faire les choses sincèrement. Peut être qu'un mauvais musicien c'est quelqu'un qui veut se donner une posture qui ne lui correspond pas.
Est-ce que vous seriez capable, là comme ça, de me citer le nombre précis de concerts que vous avez réalisés depuis le début du groupe ? Lequel fut le meilleur et pourquoi ?
Je dirais 156 dates pour être approximativement exact. Alors il y a quelques concerts qui ont vraiment été dingues, mais ça ferait une bonne liste. Disons qu'à partir du moment où les organisateurs se prennent au jeu de faire une soirée dans une ambiance un peu tropicale, alors c'est gagné d'avance pour nous. On a aussi fait le constat que dès qu'il y avait du rhum au bar, ça se passait plutôt bien globalement. Comme quoi.
Pour terminer : Où est-ce qu'on peut vous voir jouer prochainement ?
À Laval au 3 Éléphants et sur quelques festoches cet été aussi.
Merci à Adrien de Brown Bunny et à FGTPAP
Photos : D.R.
Publié dans le Mag #33