Les Fragments de la Nuit est une formation née en 2005 à l'initiative de Michel Villar (piano) et d'Ombeline Chardes (violon). Compositeurs de création musicales destinées à la scène, les deux décident de monter un quintet composé de trois violons, d'un violoncelle et d'un piano et de présenter sous cette forme leurs bandes originales de films (court-métrages, moyen-métrages, films d'animation) au public. Entre musique contemporaine répétitive (Philip Glass et Steve Reich en tête) et le post-rock à cordes des canadiens de Godspeed You ! Black Emperor se pose comme une vraie curiosité et fascine l'auditeur comme les critiques qui ont eu la chance d'assister à leurs prestations. En 2008, le groupe signe chez Equilibrium Music, label portugais via lequel sort au printemps l'album Musique du crépuscule.
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Kokoon
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Les fragments de la nuit / Chronique LP > Musique de nuit
Il y avait eu les remarquables et remarqués Musique du crépuscule puis Demain, c'était hier, les Fragments de la Nuit auraient pu donc livrer un, forcément attendu, troisième album studio (à l'heure où sont rédigées ces quelques lignes, il semble que le groupe soit en train de plancher sur le sujet). En guise de nouvelle cuvée, le collectif a préféré exhumer ses tous premiers enregistrements, les remasteriser, puis ajouter quelques nouvelles compositions pour mieux les coucher sur une Musique de nuit dont le titre sonne comme une évidence. Même si on aurait aussi pu changer "nuit" par "film" tant l'oeuvre des Fragments... semble se nourrir des influences de compositeurs majeurs de l'histoire du cinéma, dans ses travaux comme de part les atmosphères, cinématiques et dramatiques, qu'elle instille dans l'esprit de l'auditeur.
Dès les premières pistes, l'évidence se fait jour d'elle-même : que ce soit sur "Toi le fou", "Des ombres" ou le bien nommé "Scène finale", l'enchaînement relève d'une trame scénaristique invisible qui s'immisce dans l'imaginaire par la voie des images qu'elle évoque. Un long-métrage imaginé, conceptualisé en quelques quinze chapitres musicaux et autant de séquences, de rebondissement et retournements de situation qui rendent cette Musique de nuit irrémédiablement captivante. Mais également portée par une maîtrise instrumentale absolue. Car aux débuts du groupe déjà, à côté de ses influences cinématographiques que l'on entrevoit régulièrement en filigrane, l'oeuvre de Les Fragments de la Nuit renvoyait déjà à celle des maîtres de la musique contemporaine, à l'image d'un Steve Reich, d'un Terry Riley ou du génial Arvo Pärt, que ce soit dans son écriture comme dans son interprétation.
Un paradoxe du reste, tant ces compositeurs sont les référents absolus en matière de musique minimaliste, ce qui n'est pas à proprement parler ce qui frappe le plus à l'écoute de Musique de nuit, comme des autres oeuvres des Fragments... ; mais une évidence quand on évoque Philip Glass qui a lui même été l'un des pionniers de ce courant et en même temps un compositeur de musique de film plus que respecté (The Truman Show, The Hours, Le Rêve de Cassandre...). "The gate", "Après le combat", "Plénitudes", "Les divinités"..., les pistes défilent au fur et à mesure que le groupe déroule le fil de sa bobine imaginaire. Des morceaux courts et concis, fugitifs et virtuoses comme autant de pépites suivant à la triple-croche près chaque mouvement d'un numéro de voltige néoclassique que le groupe exécute à la perfection. Qu'ils versent dans l'intimiste ("Petite rosée", "La proposition") ou dans quelque chose à l'intensité dramatique plus palpable ("Forêt violette", "Souviens-toi"), Les Fragments de la Nuit font naître l'émotion du plus infime quart de soupir à l'arpège enflammé en passant par ses constructions d'ambiance dont ils ont toujours eu le secret ("Et puis la pluie")... comme pour composer par eux-même les bandes-son des films qu'ils n'osaient jusqu'à alors ne serait-ce que fantasmer.
Les fragments de la nuit / Chronique LP > Musique du crépuscule
Musique du crépuscule, ce n'est pas du rock, ce n'est pas ni metal, ni de la pop, ni même du trip-hop, de l'électro, de la chanson française, du punk rock des familles, de l'ambient industriel ou du hip-hop expérimental... A priori, déjà cela peut surprendre, "qu'est-ce que ça peut bien être alors pour que ça figure ici ?" se diront sans doute beaucoup de lecteurs. La réponse est dans le titre ... Musique du crépuscule. Un songe fantasmagorique explorant les voies d'une musique contemporaine et post-classique à la cinégenie rare. Normal..., c'est un peu l'idée directrice du groupe. 3 violons qui voguent en toute indépendance, s'enchevêtrent, se faufilent dans les arrangements, se chevauchent pour ne former plus qu'un ensemble, qui, à l'image de nombre de trios pour cordes, joue les virtuoses et embrase la scène... Mais ici, Les Fragments de la Nuit se compose également d'un violoncelle apportant une touche romantique sombre et mélancolique à l'ensemble et d'un piano, lequel imprime le tempo et aiguille l'orientation mélodique. Eloge contemplative, envol atmosphérique, "Eveil des fées" nous plonge dans un univers musical lumineux, porté par des choeurs enchanteurs et une ambiance féérique cotonneuse dont l'apparente tranquilité dissimule en réalité des tourments plus profonds qui vont remonter à la surface dès le bien nommé"Assault".
Accords de piano assurant la rythmique et les trois violons se succèdent dans une partition de haute volée aux innombrables dégradés de couleurs musicales. Harmonies plus feutrées, les choeurs qui refont leur apparition, des arpèges qui courent sur le clavier, des violons plus en retrait, chaque morceau signé par Les Fragments de la Nuit, évoque une scène particulière d'une histoire à la dramaturgie affirmée. "Entre ciel et enfer" passe en mode mineur, évoquant tout particulièrement l'oeuvre de Philip Glass - compositeur contemporain connu pour son art de la musique répétitive, mais également auteur des B.O de The Truman Show, The Hours ou du Rêve de Cassandre -, l'appel du 7e art toujours. Des accords de claviers qui donnent de l'amplitude aux mélodies, un sens de la rythmique appuyé, des lumières tamisées mettant un scène des décors mouvants qui font frissonner autant qu'ils envoûtent... (le diptyque "Devenons demain I& II", "Le château enchanté"). Ce disque respire l'amour du cinéma... Si l'ombre d'un Arvo Pärt plane évidemment ici, l'influence de nombreux compositeurs de musiques de films se fait également ressentir à chaque instants. On pense notamment à Angelo Badalementi, fidèle parmi les fidèle de l'oeuvre de David Lynch (Lost Highway, Mulholland Drive), à Burkhard Dallwitz (The Truman Show), Clint Mansell (Requiem for a Dream) ou Howard Shore (Crash, Le Seigneur des Anneaux) pour l'intensité dramatique ou les harmonies évanescentes, mais avant tout, c'est dans les rêveries romantiques qu'évoquent des morceaux comme "La chambre des fées" ou "Soleil noir pour lune blanche" que l'on retrouve l'essence même de la musique du quintet. Musique qui va chercher du côté des grands maîtres qu'ont été Erik Satie ou Claude Debussy afin de donner ce sens de la nuance si particulier que l'on retrouve dans Musique du crépuscule. Quelques notes qui pleuvent sur un piano enjôleur, des violons qui tutoient les rivages d'un Eden musical fantasmé, les affres de la mélancolie qui tissent leur toile autours de l'auditeur, une mélodie subtilement dépouillée et Les Fragments de la Nuit mettent un point d'orgue à cette Musique du crépuscule, non sans avoir auparavant épilogué avec "Alpha du centaure". Ultime songe en forme d'étoile filante illuminant cette oeuvre précieuse et onirique, compagne idéale d'une longue nuit d'insomnies...