Alors qu'on attend depuis neuf ans son deuxième album solo, voilà que le costaud Forest Pooky nous balance au débotté un disque de reprises, le bien nommé Cover stories. Je vais être honnête, à la première écoute, le sentiment qui m'animait le plus était la circonspection.
À cause du choix des morceaux et groupes repris, à cause de certaines des versions... Quand la pochette avait été teasée, donnant quelques clés et indices pour tenter de deviner de quelles reprises il s'agissait (lisez l'interview par Gui de Champi pour toutes les infos...), j'avais immédiatement reconnu des bouts de pochette de Dear you de Jawbreaker et Clumsy de Samiam. On est clairement là dans ce que je kiffe et partageant pas mal d'affinités musicales avec Forest, je pensais très naïvement qu'il en serait de même sur tout l'album, avec une sorte de best of de ses morceaux préférés. Mais c'était aller un peu vite en besogne et oublier le "stories" dans Cover stories. Tout est heureusement bien expliqué dans le livret et chaque reprise a donc droit à sa petite histoire, parfois fun et parfois beaucoup moins, comme quand on lui demande de jouer "Mad world" à un enterrement... Parmi les covers on trouve certains classiques, que Forest avait l'habitude de jouer en concert, comme "Alison's starting to happen" des Lemonheads ou "Fruit fly" de Nada Surf. J'ai toujours cru que c'était un de ses morceaux, à la base, et qu'elle n'avait pas été ma surprise, en "révisant" pour leur concert en mars 2020 (dernier avant Covid) et découvrant qu'il était dans l'album Let go... Ahaha, shame on me ! Sinon il y a aussi du Bruce Springsteen, David Bowie (deux fois !), Elvis Presley... un autre type de classiques. Mais le concept de Cover stories ne s'arrête pas là. C'eût été trop simple. Forest a eu cette idée folle (non pas d'inventer l'école mais) de n'enregistrer que les parties guitares en bois et voix des douze chansons et filer les pistes à douze arrangeurs différents, amis, personnes croisées sur la route et qui touchaient un peu/beaucoup au son, en leur donnant carte blanche totale pour renvoyer un morceau fini. Et il a eu quelques surprises en récupérant tout ça.
D'où la circonspection dont je parlais au début, qu'il a dû éprouver lui aussi par moments. Mais avec le recul et quelques écoutes plus tard, je trouve finalement que ça fonctionne hyper bien. Certains sont restés assez fidèles aux versions originales et prises de Forest, rajoutant quelques batteries par ci, quelques petits arrangements par là et d'autres n'y sont pas allés de main morte, revisitant complètement les morceaux. Comme la version de "When I move" de Dag Nasty, réarrangée par Fred, compagnon de longue date de Forest et guitariste au sein des Pookies, avec tout plein de sons à la R2D2 ou encore "Atlantic City" du Boss, dans une version un peu dance 90's par Frank Turner. Ce dernier confessant - dans des podcasts que Forest réalise, invitant et interviewant chacun des arrangeurs, avec l'aide Olivier Portnoi - être allé encore plus loin dans l'excès mais s'étant au final légèrement ravisé. Je serais bien curieux d'entendre sa version "non-censurée". Et que dire du morceau le plus surprenant du disque, "You're welcome", extrait d'un Disney, si ce n'est qu'on a là la preuve que Forest peut chanter n'importe quoi, ça passe. Oui, bon, les dessins animés comédies musicales, c'est pas mon truc. Mais on ne va pas se mentir, ça passe encore mieux quand les chansons nous touchent davantage et l'intérêt de ce disque en mode compilation, c'est que tout le monde peut y trouver son compte. Les reprises peuvent-elles cependant supplanter les versions originales ? Certain.es ne goûteront peut être pas à l'arrangement audacieux de Blackie des Hard-Ons sur "Fireman" de Jawbreaker, avec guitares qui dégoulinent un peu, hand-claps et orgue mais même pour un puriste, le "Capsized" de Samiam revisité par Richie Buzz, avec quelques arpèges et gimmicks de grattes bien sentis, me hérisse au moins autant les poils que lorsqu'il est joué par les Californiens. Bravo !
On attend toujours la suite de Every key hole has an eye to be seen through mais on a de quoi patienter de fort belle manière.
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Forest Pooky :
Chronique LP / Cover stories
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