Jeudi 14 avril. Il est 15 heures quand je débarque à la Souris Verte, SMAC d'Epinal où les Flying ont donné un des premiers concerts rock pour la sortie de Still active, leur dernier LP en date. Pour ces deux jours, le groupe aura l'honneur de la grande salle pouvant accueillir quasi 500 personnes. Benjamin, le batteur, s'affaire déjà à monter son stand de merch, grand rituel devant l'éternel, tandis que Jérémie et Emmanuel répondent à quelques interviews. L'ambiance est bon enfant, un peu de stress se fait ressentir, mais il s'agit là d'un bon stress. Les copains arrivent au compte goutte, les copains qui ont joué un rôle plus ou moins important dans la vie du groupe, comme Dan Kérosène, Peg GPS Prod, Quentin, Vava et Jean Loose des Rebel Assholes. On se raconte de bonnes histoires et après une balance prometteuse, il est temps d'aller se restaurer et de saluer les $heriff qui jouent en tête d'affiche ce soir. Les $heriff, le trio vosgien les a pas mal côtoyés ces derniers temps sous l'impulsion de Mr Cu!, le manager du groupe montpelliérain et boss du label Kicking Records. En proposant ce plateau (et celui du lendemain avec Baby Chaos), Mr Cu! a tout simplement réalisé un des rêves des Flying : envoyer dans leur ville avec deux groupes qui les ont grandement influencé.

Une surprise de taille attend le public qui répondra massivement présent en ce jeudi soir. En effet, le trio Dirty Youth s'est reformé pour l'occasion. Dirty Youth, c'est tout simplement le premier groupe de Jérémie qui tenait alors la basse. Quand l'aventure a pris fin au milieu des années 90, Jérémie a commencé à jouer avec son frère et son pote pour créer ... Flying Donuts. Sacré clin d'œil que de retrouver ses amis de (plus de) 20 ans pour croiser le fer le temps de quelques covers pas piquées des hannetons. Therapy?, Mudhoney, Dinosaur Jr, Nirvana et les Melvins (avec deux batteries, Benjamin venant épauler Lolo) sont au programme pour un concert haut en émotion pour celles et ceux qui ont eu l'occasion de les voir à l'époque où le groupe donnait des concerts !

Les Flying emboîtent rapidement le pas, et proposent au public d'Epinal une set list améliorée et enrichie par rapport à celle qui tournait pendant le Still active Tour. Les classiques sont bien sûr au rendez-vous (« Back off », « I wanna rock », « Kick your ass ») et la puissance dégagée par le trio est infernale. Sur fond de backdrop numérique reprenant le visuel de leur dernier 45 tours « Loving it all » chroniqué dans ces pages, le groupe prend plaisir à envoyer des missiles qui sont bien plus efficaces qu'un détartrage chez le dentiste. Le son est massif, les riffs fusent dans tous les sens et le public semble ravi de trouver des Flying en pleine forme. Mêlant compositions mélodiques et morceaux high energy (l'un peut aller avec l'autre), le groupe délivre une prestation haute en couleur, ponctuée par l'intervention d'Olivier et Manu des $heriff sur la reprise de « Tic tac ».

Alors que le concert est terminé et que ça s'active sur scène pour le changement de plateau, je rejoins Mr Cu! sur les planches pour un blind test improvisé sur scène. Le trio, un peu surpris et ne savant pas à quelle sauce il va être mangé, ne réalise pas tout de suite que les morceaux qui défilent dans la sono sont des reprises de leur répertoire par 14 groupes : le tribute This machine pays tribute to Flying Donuts, édité en cd, vient d'être dévoilé (chronique dans ces pages et dispo sur blackoutprod666.com) !!! Le groupe est aux anges, complètement bluffé de ce qui s'est tramé pendant près d'un an sans qu'il ne le sache, le tout sous le regard complice du public qui a assisté à ce blind test en direct !

Une fois la surprise passée, il est temps aux $heriff de faire du... $heriff ! Et oui, ça peut sembler banal mais c'est ce que le public en feu attendait : des hymnes, des tubes et du punk rock à foison !!! Et c'est bien ce que va livrer pendant 90 minutes le quintet de Montpellier qui arrive sur la scène en terrain déjà conquis. Le groupe, qui propose à ce jour l'équivalent d'un ou deux concerts par mois, va balancer ses grands classiques tous repris par un auditoire qui se transforme vite en défouloir : « A la chaleur des missiles », « Condamné à brûler », « Les 2 doigts dans la prise » pour n'en citer que quelques uns. C'est massif, c'est percutant et surtout, c'est bien rôdé. Et même si le groupe n'enchaîne plus les titres pied au plancher comme il y a vingt ans, ça reste mastoc et complètement fédérateur. Epinal, qui avait accueilli le groupe alors à son apogée par l'intermédiaire de Rock Epine et de son boss Eric (qui travaille aujourd'hui au sein de l'équipe de La Souris Verte), a pris plaisir de saluer le retour d'un groupe qui croule sous les demandes et qui sélectionne les endroits dans lesquels il souhaite jouer. Un concert baston, certes quasiment identique pour ceux comme moi qui les ont vus à plusieurs reprises depuis leur reformation, mais toujours aussi entraînant et revigorant. Bravo !

La soirée musicale est terminée, mais en backstage, ça ricane un maximum et je vous passe les histoires à dormir debout qu'on racontera dans quelques années à nos enfants avec le sourire aux lèvres. En espérant que nous ne soyons pas devenus obsolètes d'ici là.

Vendredi 15 avril : après une courte nuit, le crew Flying se remet en route pour de nouvelle aventures qui commencent inévitablement par la case soundcheck. J'en profite pour ajuster l'éclairage et une fois les balances terminées, nous retrouvons avec plaisir la fine équipe de Napoleon Solo et Dead Pop Club, accompagnée pour l'occasion des Ecossais de Baby Chaos. Encore un groupe qui a influencé les Flying Donuts, tant dans le son que dans l'état d'esprit. Et entre nous, Baby Chaos envoyant sur une scène un vendredi soir à Epinal en 2016, qui aurait pu le croire ? C'est sans compter sur la détermination d'Olivier de Dead Pop et de Mr Cu! qui ont fait en sorte que le dernier album du quatuor écossais profite d'une sortie française. Encore une soirée qui s'annonce excitante !

Je débarque en début d'après-midi à la salle. Certaines mines paraissent fatiguées mais le sourire est tout de même de mise. Après un soundcheck bien envoyé par les Flying, je m'empresse d'aller saluer la triplette Dead Pop Club/Napoleon Solo/Baby Chaos qui vient d'arriver dans la cité de l'Image. Le plateau a joué la veille au Gibus à Paris, et enverra le bois le lendemain à Strasbourg. Je prends des nouvelles des copains pendant que Baby Chaos entame sa balance. J'assiste à ce soundcheck avec quelques membres du staff de la salle et profite dans le même temps de quelques extraits de Skulls. Skulls. Skulls. Show me the glory, dernier album en date du groupe écossais. Les stands de merch prennent forme et le repas partagé entre les musiciens et techniciens se déroulent dans la bonne humeur.

Le public est moins présent que la veille, mais 250 personnes ont fait le déplacement pour les concerts. Napoleon Solo, composé de la section rythmique de Dead Pop Club, de deux anciens Second Rate aux guitares et de Forest Pooky au chant, est chargé de déclencher les hostilités sonores. Je n'assisterai qu'à une petite partie du concert mais je profite toutefois de la retransmission sonore dans le bar de la grande salle de la SMAC vosgienne. Comme à son habitude, le quintet parisien alterne riffs tranchants et mélodiques, et ambiances sombres et dérangeantes pour délivrer un set parfaitement exécuté. Les cinq musiciens aguerris font le job durant les 30 minutes qui leur sont allouées et la restitution en live de leur premier album éponyme est efficace.

Le changement de plateau est rapide (en plus de partager la même section rythmique, Napoleon Solo et Dead Pop Club sont venus avec un ingé son commun) et Guillaume, Jérôme et les deux Olivier ne tardent pas à montrer le bout de leur nez pour enquiller avec le set de Dead Pop Club. J'ai beau voir le groupe en concert depuis plus de treize ans, je ne me lasse pas de retrouver le sympathique quatuor parisien sur les planches (ou le carrelage) de lieux plus ou moins adaptés à la musique live en France. Le public se retrouvant au bar entre deux concerts, les Dead Pop sont prêts à envoyer mais quasiment personne n'est présent dans la salle ! Le temps de discuter une minute avec la douzaine de personnes étant restée pour l'installation et de rameuter les autres que c'est devant une assistance garnie que les boys dévoilent leur jeu. Un peu fait de power pop et de punk rock, bien sûr. La set list pioche prioritairement dans les deux derniers disques, et les tubes s'enchaînent sans sourciller. Olivier Portnoi, tel un valeureux guerrier, use diaboliquement de sa Gibson, multiplie les cabrioles entre Charlie Chaplin et Jean-Claude Van Damme, tandis que le duo base/batt, pourtant avec un set dans les pattes, assure son précieux rôle et que la guitare de Guillaume riffe dans tous les sens. Les types sont heureux d'être là, de partager l'anniversaire des Flying Donuts (anniversaire dont ils feront souvent référence) et de croiser le fer avec leurs amis de Baby Chaos. Epinal réserve un bel accueil aux Parisiens , et je me répète certainement une nouvelle fois mais : I Love Dead Pop Club !

Changement de plateau pour le deuxième concert des Flying Donuts qui propose un set spécialement concocté pour ses vingt ans. Un gros boulot en amont a été nécessaire tant visuellement qu'artistiquement pour faire de cette soirée une réussite. Le principe est simple : balancer avec puissance et maîtrise un best of de leurs tubes, dans l'ordre chronologique (de Last straight line à Loving it all donc). Le backdrop numérique, qui représente les pochettes des différentes prod, défile en même temps que les titres s'enchaînent, et le public spinalien (mais pas que, un certain Yann s'étant déplacé dans la journée d'Orléans pour assister à cette soirée) a le privilège d'entendre des titres qui ont disparu des radars depuis quelques années (je pense au génial "Versatile" ou à "Passion and actions"). Le trio prend plaisir à dévoiler ce set spécial devant pas mal de copains mais aussi de fans qui sont absolument ravis d'être là. Le son est, comme d'habitude, massif, l'exécution des titres est quasi parfaite, et nous aurons même la primeur d'entendre en live deux « parties » de la « masterpiece » Loving it all. Dans le public, ça pogotte, ça chante et surtout ça ovationne comme il se doit cette référence locale (mais pas que) qui, mine de rien, a accompli une quantité de choses en deux décennies (pas mal de disques et énormément de concerts et de tournées). Le groupe déclare être honoré de jouer ce soir avec Baby Chaos dont il achetait les disques dans la rue principale d'Epinal il y a 20 piges ! La roue tourne en quelque sorte. 80 minutes plus tard, le groupe tire sa révérence sur un « Kick your ass » de folie sous les applaudissements nourris de l'assistance pleinement acquise à sa cause.

Il reste encore un groupe, et non des moindres : Baby Chaos. Comme je l'ai dit auparavant, et mon ami Oli, grand fan devant l'éternel, ne me contredira pas, voir le groupe en concert dans une petite préfecture de province semble complètement irréel. Autant te dire que les spectateurs présents ne vont pas bouder leur plaisir. Le quatuor, emmené par Chris Gordon, et agrémenté d'un troisième guitariste pour l'interprétation des titres issus de son dernier album, va caresser le sublime devant une assistance attentive, constitué d'amateurs de la première heure et de curieux. Le groupe pioche allégrement dans ses trois disques et les nombreux titres du dernier album en date (« Blackbirds », « PPP peaches », « Have faith in yourself »...) trouvent parfaitement leur place au milieu des classiques comme « She's in pain ». Chris remercie les trois groupes ayant partagé l'affiche avec eux ce soir, et invitera même Olivier, le chanteur guitariste de Dead Pop, à chanter avec lui les refrains de « You can't shut us up » comme sur le disque. Baby Chaos, qui fut un temps énorme en France, semble toujours bénéficier d'une notoriété, et chaque fin de morceau est ponctuée par de riches applaudissements. Les mélodies (notamment vocales) et la puissance développées par ces sympathiques Ecossais sont caractéristiques d'une époque pas si lointaine mais paradoxalement à des années lumières de ce qu'il se passe aujourd'hui, une époque où le Royaume-Uni était la capitale mondiale d'un rock teinté de punk et même de pop qui faisait mouche à tous les coups : Blur, Oasis, Therapy?, The Wildhearts, Terrorvision et bien d'autres. Parmi lesquels Baby Chaos. Au bout d'une heure, le groupe tire sa révérence de fort belle manière, sans excentricité mais avec classe... à l'écossaise !

Quel week-end ! (qui n'en fut pas un, mais ce n'est pas grave). Un groupe qui fête ses vingt ans et qui profite de l'occasion pour partager l'affiche avec deux de ses influences majeures, un public réceptif et de la bonne humeur à foison. Voilà comment fêter dignement un anniversaire !