Federico Albanese - The houseboat and the moon Compositeur italien (re)connu dans les milieux autorisés pour avoir travaillé avec la vocaliste Jessica Einaudi sur le projet dream-pop avant-gardiste La Blanche Alchimie (deux albums au compteur et pas mal d'éloges récoltés au passage), Federico Albanese a ressenti au fil des années le désir de se réapproprier son amour pour le piano le temps d'un album solo, tout en couchant sur la partition ses seuls envies musicales, sans compromis ni intervention extérieure d'un tiers. Un disque intitulé The houseboat and the moon qui voit le jour début 2014 par le biais de l'incontournable Denovali Records (Carlos Cipa, Greg Haines, Sebastian Plano.), affinités artistiques communes comme proximité géographique avec le label allemand obligent (natif de Milan, le musicien vit depuis plusieurs années à Berlin).

The houseboat and the moon est donc le premier album du pianiste (à noter au passage que sa "moitié" artistique travaille elle-aussi de son côté sur un disque solo) qui, dès les premières mesures de "Beyond the milk wood", affiche clairement ses penchants pour les œuvres de Philip Glass, Clint Mansell et autres Max Richter (on a vu pire héritage culturel). Soit une tendance certaine à écrire des pièces minimalistes parsemées de mélodies aussi fragiles que délicatement contrastées. Car à l'instar de nombre de ses voisins de label, le Milanais a le souci du détail parfaitement affiné, de l'harmonie bien construite comme de l'atmosphère finement ciselée, ce, sans pour autant oublier d'esquisser des panoramas sonores empreints d'une cinégénie flagrante. Un sens de l'esthétique musicale bien affirmé, de la beauté sonore à couper le souffle ("Disclosed", "Carousel 3", "Queen and Wonder"...), en l'espace de 3 ou 4 morceaux, Albanese met déjà le monde à ses pieds.

Il y a dans sa musique une rigueur formelle typiquement allemande, qui vient rompre avec les codes du romantisme italien, un aspect parfois mathématique ("Double vision"), d'autre fois plus feutré et versant exclusivement vers l'intimisme ("Kato") surtout lorsque l'italien cisèle des instrumentations au raffinement envoûtant ("Lichtung", "Beside you"), en toute simplicité et élégance satinée ("Secret room"). Mais surtout, emporté par une mélancolie fragile et sa douce amplitude harmonique, The houseboat and the moon est de ces albums à écouter en nocturne, seul face aux fantômes de son passé, l'âme déchirée par les regrets, remords, actes manqués ("The sudden sympathy"). Et force est de reconnaître que lorsque les premières lueurs d'une aube nouvelle se font jour, on se surprend à découvrir que Federico Albanese est parvenu à apaiser l'esprit et le cœur, l'air de ne pas y toucher et pourtant avec cette classe discrète qui, écoute après écoute, se dévoile à chaque fois un peu plus ("Sphere", "Space in between"). Pour nous inviter à y revenir encore et encore, sans jamais laisser le fil se rompre, la boucle se boucler.