Fat Supper

Biographie > La dose de gras

Rennes a été la capitale du rock en France dans les années 80 jusqu'au début des années 90, notamment grâce à ses TransMusicales et à ses innombrables groupes (citons Marquis de Sade, Frakture, End Of Data et Les Nus). Mais le temps ne s'est pas arrêté pour autant dans cette cité qui a vu grandir également des rejetons et valeurs sûres du rock hexagonale tels que Tagada Jones, Shane Cough, Candie Prune, Laetitia Shériff, Sloy - on continue ? OK ! - Percubaba, X-Makeena, Bikini Machine, TotorRo, Mein Sohn Williams et, depuis début 2012, une formation dénommée Fat Supper. C'est cette dernière qui nous intéresse ici.

Formé autour du duo lillois Leo88man, soit Léo Prud'homme (guitare et chant) et André Rubeillon (guitare et basse), le groupe est complété par Pierre Marolleau (un ex-Fordamage et My Name Is Nobody tenant le poste de batteur et chanteur) et Yoann Buffeteau (guitare, clavier et batterie) de Montgomery. Relocalisé à Rennes (ben oui, sinon mon intro ne servait à rien du tout), le quatuor assume ses influences multiples allant du noise rock à la pop en passant par le garage et le rock foutraque un brin math. Un premier album éponyme puis un EP (Flat supper) en 2013 permet au groupe d'écumer les salles de spectacles et de faire par la même occasion la première partie de Détroit à plusieurs reprises.

Fort de ces prestations scéniques, le groupe décide de rentrer en studio et d'enregistrer son deuxième album. Ainsi, Academic sausage sort le 5 février 2015 chez Les Disques Normal (We Only Said, Bumpkin Island, [kataplismik]) en collaboration avec l'association Patchrock qui organise le festival Les Embellies à Rennes.

Fat Supper / Chronique LP > Academic sausage

Fat Supper - Academic sausage Découvert sur le W-Fenec grâce à sa reprise façon crooning asthénique de "Monkey goes to heaven" sur Redoo, la compilation hommage aux Pixies sortie fin 2012, Fat Supper n'en demeure pas moins un groupe dont le vécu de chacun de ses membres parle de lui-même (suffit de jeter un coup d'œil à leur biographie pour s'en rendre compte). Et les choses avancent plutôt à grand pas avec ces énergumènes (expérience oblige) qui délivrent à l'orée 2015 un deuxième album qui démontre à son écoute le vif développement de ce projet débuté voilà 3 ans. Avec Academic sausage et son rock fourre-tout, les Rennais atteignent déjà des sommets en rendant une oeuvre solide totalement addictive.

Déjà, la pochette de cet opus attire : un photomontage représentant un personnage bleu à tête de cheval dégustant une saucisse sur le capot d'un bolide rouge dans un décor mêlant colline et désert séparé par une étendue d'eau. Pas très joli mais pertinent si cet artwork est utilisé comme allégorie de la musique du quatuor car, dans le genre influences, Fat Supper n'y va pas avec le dos de la cuillère. Si "Clutter" donne le feu vert à la "cool", sans complexe avec ses accents groovy et dansant, "Grotorro" certifie le caractère aventureux du quatuor grâce à sa structure faite de ruptures. Et l'album n'est pas en reste avec ses rythmes à la fois chaloupés et imprévisibles, quand la tempête chasse la quiétude, l'effet inverse n'est pas très loin. Enregistré live, Academic sausage emprunte beaucoup au rock indé US des années 90 (de la pop à la noise en passant par le math) un tantinet exigeant, on y décèle d'ailleurs des références évidentes comme Eels et Pavement. C'est autour de cet axe ambivalent où les mélodies ne manquent pas, de cette fusion des genres partagée vocalement à deux, que Fat Supper marque avec classe son empreinte sur la scène rock française. Et en parlant de chant, l'originalité est amplifiée par la voix rocailleuse de Léo et les phases semi-rappées de Pierre (sur "Smell" et "Odd box") qui peut tout aussi bien changer de registre en fonction du morceau.

Une complémentarité qui va plus loin que le chant car le choix du casting de Fat Supper semble réellement porter ses fruits avec ce nouvel album. On y ressent une véritable osmose entre chaque membre mais également une facilité déconcertante pour élaborer de belles pépites rock ("Surrogate", "Smell", "Narvana", "Butter end") qui ne manqueront pas d'éveiller l'esprit des mélomanes, de les inciter à se plonger dans les eaux profondes de cette galette et d'essayer de digérer ce souper gras.