"Summertime, I press rewind and go back to a simple place" ("I need some of that", Van Weezer, 2021)
C'est pénible pour moi de revenir sur 21 ans de fanatisme consacré à Weezer, petit groupe formé en Californie un jour de Saint-Valentin en 1992. C'est pénible, parce qu'en faisant appel à mes souvenirs, j'ai peur de moins y trouver Weezer que moi-même, et ça ne sera pas pénible que pour moi. J'ai des souvenirs très précis concernant beaucoup de choses et ça pèse un peu lourd à un moment où faire de la place est mon seul remède. Un petit reset est nécessaire pour faire sang neuf. Je suis bien conscient que c'est un comble alors que je m'apprête à parler de Weezer qui a usé de ce thème assez souvent : souvenirs d'enfance et d'adolescence dans un premier temps, souvenirs de jeunesse du groupe par la suite. Pourtant, quand Guillaume m'a demandé de parler de ce rapport de fan vis-à-vis du groupe qui l'anime, je me suis dit que j'allais me forcer un peu et que finalement, ça ne pourrait pas faire de mal. Parce qu'en même temps, je ne suis pas à une contradiction près, je trouve qu'on piétine trop la nostalgie. Elle ne mérite pas ça. Alors je ne vais pas la piétiner. Je vais remettre dans son contexte ma découverte du groupe et la façon dont je l'ai suivi et le suit encore. Avant de commencer, je voulais trouver quelques mots pour décrire ce qui se cache derrière celui de "fan" tel qu'il peut décrire le rapport que j'ai entretenu avec Weezer depuis 2001. Sans trop réfléchir, enfin un petit peu, mais assez spontanément quand même, je pense que c'est une obsession guidée par une certaine tendresse doublé d'une volonté ferme de ne conserver que des impressions sans trouver la moindre preuve. Ouf ! Vous me suivez ? Le plus dur, ça va être d'achever ce que je veux dire et de laisser les preuves où elles sont.
La vie sans musique n'existe pas.
Au moment, où j'écris, j'ai 38 ans, je suis exactement dans la même pièce où, à 17/18 ans en 2001/2002, j'ai découvert mes premiers disques de Weezer. Je suis là, au milieu de la campagne, au même endroit, mais il n'y a rien qui me fasse grande impression. La pièce est la même mais "The World has turned and left me here." comme dirait l'autre. Il y a des disques partout mais ce qui n'a pas changé, c'est que j'aime toujours écouter Weezer, le récent comme l'ancien. Si ça fait 20 ans que je les écoute, Weezer eux, ça fait trente ans qu'ils courent les chemins, bigarrés pour certains, toujours les mêmes pour d'autres. C'est pas un luxe de se le répéter à haute voix. Trente ans, quasiment le même groupe de quatre personnes qui a connu de maigres variations (20 ans pour la dernière formation en date).
On est en 2022. On est aussi loin des années 90 qu'elles-mêmes l'étaient des années 60. Et au milieu de ces années 90, les années 60 étaient enfouies dans un passé lointain dont la réalité me passait à des kilomètres. Au milieu des années 90, donc, j'avais dix ans et pas de lecteur CD à la maison. On avait un tourne-disque mais il prenait la poussière, et aucun disque de rock à l'horizon. Mais la musique est présente tout le temps : les membres de la famille qui chantent sans arrêt, les chansons à la radio, dans les magasins. Histoire classique en milieu rural. Toute la musique que j'aime de ces années 90 où j'ai 10 ans, c'est-à-dire grosso-modo le rock indé, je ne l'ai découvert qu'après coup, et Weezer en est le déclic. Mais je me rappelle avoir entendu quelques trucs qui me faisaient me sentir fébrile et me faisait respirer un air pour le moins rafraîchissant. Je retiens deux moments qui ne sont que des souvenirs à moitié embrumés, à moitié solides comme un roc : la pub du Live from the Muddy Banks of the Wishkah de Nirvana qui m'ouvrait les oreilles au sens propre et figuré et "You and me song" des Wannadies qui donnait envie de fredonner. Ce qui me fait penser, avec le recul, que j'avais des prédispositions naturelles pour la pop à guitare. Mais ça n'allait pas plus loin.
Sinon, j'étais contre tout ce que j'entendais à la radio sans savoir exactement si on pouvait trouver mieux. Je trouvais que le goût de la mélodie se perdait par rapport aux chansons que je connaissais des années 60 ou 70. Aujourd'hui, forcément, je me rends compte que l'omniprésence de la variété française de cette époque s'est bien profondément enfoncée dans mon crâne et que tout n'était pas nul comme je le pensais à 10 ans. Il y a bien Souchon toutefois, qui contredit ce que je viens de dire. J'aimais déjà à l'époque. A croire que le mash-up d'"Island in the sun" et de "Foule sentimentale" sorti l'année dernière s'adresse à moi personnellement, comme un pied de nez à ces deux mondes que j'ai longtemps tenus à l'écart l'un de l'autre.
Une ritournelle entendue sur NRJ, un CD 2 titres et un tournant à prendre
En 2001, je vais au lycée à Montauban. C'est ma voisine qui m'y conduit tous les matins. Et ma voisine écoute NRJ dans la voiture. Et sur NRJ, à ce moment-là passe une chanson qui se démarque des autres. Une bonne journée commence inexorablement par un "roulez jeunesse, petit pignon grande vitesse" que lance le père de ladite voisine quand on monte en voiture et puis plus tard, pendant le trajet, la diffusion de cette chanson que j'aime à la radio. Ce qui me frappe quand je l'entends, c'est les harmonies, mais je lui trouve des défauts. Franchement aujourd'hui, je ne sais plus qu'est-ce qui me déplaisait. Je pense qu'il s'agissait de détails infimes. En tous cas, ça tranche avec le reste de la programmation d'NRJ et je respire. Je l'attends et j'en profite. Je n'entends pas les "hip, hip" au début, qui m'apprendront un nouveau mot : gimmick, je n'entends qu'un flot harmonieux qui pourrait être plus harmonieux. Je n'entends pas le passage où les guitares se déploient, je crois que ça ne s'entend jamais bien à la radio. J'entends une mélodie qui me plaît et une voix qui me plaît, dont j'ai encore aujourd'hui un peu de mal à me déscotcher. C'est une voix qui n'en fait pas des caisses, pas complètement banale, mais pas techniquement exceptionnelle. Une voix d'outsider. J'aime bien quand elle passe, cette chanson. Et puis elle finit par passer souvent. Mais je ne peux pas dire que j'y prête non plus une attention démesurée. Il se trame que les paroles ne volent pas haut, mais c'est tout ce qui se dit d'"Island in the sun" dans mon lycée. Les paroles, aussi simples soient-elles, raison pour laquelle Rivers Cuomo ne les a pas incluses dans le livret, je ne les comprends pas. Et ne pas les comprendre, ça laisse les portes grandes ouvertes. Je pense que l'histoire se terminerait là si mes sœurs ne m'avaient pas acheté le CD 2 titres de cette chanson.
La face B de ce CD 2 titres, c'est "Oh Lisa", une super chanson power pop-punk. Les guitares sont compressées mais je n'ai aucun point de comparaison à ce moment-là et contrairement à la critique redondante de l'époque, je ne pense pas que ce soit un défaut, mais il faut se mettre à la place de quelqu'un qui n'avait pas entendu Weezer depuis Pinkerton l'abrasif, de son deuxième prénom, qui lui-même avait dérouté son monde après le Blue album. En tous cas, ces guitares sur "Oh Lisa", elles remplissent le moindre recoin pendant toute la durée du morceau : TOUTE. Le solo reprend la mélodie, autre critique qui sera souvent faite au Green album, incompréhensible pour moi. C'est puissant et concis. Je n'avais jamais entendu ça et c'est là, je pense, que les choses prennent une tournure différente. Je suis complètement mordu. Je ne sais pas encore ce qu'est la power pop, mais je peux vous dire que j'aime ça ! Donc en fait, c'est purement et simplement un choc esthétique et musical. Ça aurait pu tomber sur un autre groupe, un autre morceau, mais non c'était "Oh Lisa", un truc que j'avais jamais entendu, ce qui me fait bien marrer quand je l'écoute aujourd'hui. Et pourtant, elle a une saveur particulière. C'est ce morceau que j'ai le plus réécouté en écrivant ce texte pour me rappeler de tout ça. Il sent bon ce morceau. Il sent mes 18 ans.
En tous cas, une chose est sûre, il va me falloir le Green album pour en écouter davantage. Comme "Island in the sun" est un de leurs plus grands succès en France, super, je le trouve facilement au Centre Culturel Leclerc. Montauban étant pauvre en disquaires, il n'y avait que ça et Tempo, mais je n'en étais pas encore au stade d'aller chez Tempo. Et là, j'écoute tout avec la plus grande attention, je retourne le livret dans tous les sens. "Torniamo all antico e sarà un progresso", paraît-il. Je me familiarise avec le nom de Ric Ocasek, avant de tomber amoureux de la reprise (très lo-fi) qu'a faite Weezer de "Just what I needed" et d'acheter Candy-O, premier album des Cars que je trouverai (c'est pas sur celui-là qu'il y a "Just what I needed", non). Je me familiarise aussi avec les membres du groupe. Je ne sais pas encore qu'il y a eu un autre bassiste très cool avant le très cool Mikey Welsh, ni que ce Mikey Welsh, il vient de Boston et qu'il a joué avec Juliana Hatfield. Ni qu'il sera remplacé par Scott Shriner très rapidement. Ni qu'il mourra en 2011 après avoir arrêté la musique et dédié les dernières années de sa vie à la peinture. Et puis les autres qui sont toujours là : Brian Bell à la guitare (qui a remplacé Jason Cropper au tout début), Pat Wilson et son jeu de batterie poum-tchaka-poum personnel et détendu, et puis Rivers Cuomo, le cerveau, l'homme aux mille looks, l'électron libre qui me fascinera et m'agacera de mille manières.
C'est le CD du Green album que j'ai entre les mains mais je vois instantanément une séparation en 2 faces. La première est plus bariolée. "Hash pipe" tranche par son chant aigu et sa bizarrerie qui ne laissera pas Todd Rundgren indifférent au point qu'il en fera une reprise. Celui qu'il a laissé indifférent par contre, c'est Ozzy, à qui Cuomo avait proposé la chanson sans qu'il y eut de retour. "Island In the sun" fait rentrer un peu d'air par sa légèreté plus tangible. Ces deux morceaux cassent le schéma power pop grosse guitare / gros refrain entraînant à la "Don't let go" ou "Photograph". La face B, qui commence par un "Knock-down drag out" des grands jours, c'est le contraire, elle file comme si c'était un seul morceau, ce qui lui sera souvent reproché. Et encore une fois, je vois pas le problème. L'homogénéité de cette face B, je l'aimerai tellement qu'elle me manquera fort sur certains albums par la suite. Et puis sur cette face B, j'aime la mélancolie douce-amère toute légère mais bien là qui culmine sur "O'girlfriend", la plus Posies des chansons de Weezer, dont on ne connaît hélas qu'une seule version jouée en concert. Autre point noir soulevé par la critique de l'époque : l'album est court. Il fait moins d'une demi-heure je crois. Ce point noir est pour moi un soleil. J'aime les albums courts, je chante les albums courts, je veux juste des albums concis, rien de plus. L'assouvissement de cette passion pour les albums concis connaîtra un autre point culminant en 2006 quand je découvrirai l'album des Lemonheads sorti cette année-là (mais lui dépasse un peu la demi-heure je crois). Je vais conclure sur le Green par l'évocation de Bob Mould qui, en 2014, pour The Quietus, sélectionne quelques-uns de ses albums favoris parmi lesquels figure le Green album et voilà ce qu'il en dit : "'Island in the sun', 'Hash pipe' not so much, but it's more like 'Don't let go', 'Knock-down drag-out', 'Simple pages' - those mid-tempo, really heavy ones, like the ones that have the Copper Blue feel, and that's Ric Ocasek that produced that one, so it's got that super compressed modern everything-up-front sound, it's really cool." Merci Bob !
Ce mini-événement de l'année 2001 marquera un tournant déterminant dans la forme que prendront les 20 prochaines années.
1) Je ne découvrirai plus aucun groupe sur NRJ (mais à la radio, oui, quand même).
2) La musique, je ne la découvrirai plus que rarement par hasard, dorénavant, c'est moi qui vais aller la chercher et provoquer les découvertes.
3) Cela implique que je ne ferai pas attention aux dates, aux sorties et aux actualités. Je vais tout imbiber sans souci de contemporanéité, aucune date limite.
Toutes les vieilles choses ont-elles une âme ? Oui. Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un maladroit et un triangle rose sur l'épaule
J'ai déjà passé beaucoup de temps à décortiquer le doux album de verdure, sans pour autant que ce soit mon album favori. D'ailleurs, je ne sais plus ce que ça veut dire aujourd'hui un album favori mais imaginons que quelqu'un vienne me voir et qu'il me demande de garder un seul album de Weezer - imaginons un peu cette situation tout à fait vraisemblable - peut-être alors que ma vraisemblable réponse serait Pinkerton, à n'en point douter. Fin du terrible suspense. Toujours est-il que pour pas faire un livre de 200 pages, on va accélérer un peu. Après le Green album, Maladroit arrive sans prévenir. Et là c'est autre chose. Un album assez varié, une pochette cool, un titre cool, de la pop aux grosses guitares mélodiques 70's, plus heavy que le Green album, plus mid-tempo. Je l'aime de suite. Je saignerai aussi toutes les démos de cet album où on voit tantôt un Weezer plus heavy ("Serendipity"), tantôt un Weezer aux mélodies moins instantanées et plus 70's ("Acapulco"). Pour moi jusque-là tout est parfait.
Je continue mes investigations. A la médiathèque, je tombe nez-à-nez avec Pinkerton, ils n'ont pas le bleu. Je dirais qu'on est en 2002, peut-être l'été après le bac, je ne sais plus. Et là, c'est le bouleversement sidéral qui me décroche une droite. Je ne vais pas refaire toute l'histoire du disque, le Cuomo qui se confie avec une sincérité qu'il regrettera par la suite, comme au lendemain d'une cuite. Moi, tout ça, ça me dépasse au début, ce que j'entends, c'est un album bruyant, une voix sur le fil (à la fin de "Getchoo", c'est terrible) et malgré tout, des mélodies, et encore des mélodies tenues par une batterie solide et rebondie. Mais surtout, j'entends des structures de morceaux souvent coupées par des ponts et si je retrouverai cette construction sur certains morceaux du Blue album, c'est un truc qui me manquera bien souvent par la suite, autant que la fantaisie de Matt Sharp et ses secondes voix. Encore aujourd'hui, plus que n'importe quelle autre chanson, je prends toujours énormément de plaisir à écouter "Pink triangle" (pour l'anecdote, la fille de "Pink triangle" était une bonne amie de Fat Mike de NOFX).
Un torrent de démos et une nuit blanche
Il n'y avait pas de lecteur CD à la maison, mais vers 2000/2001, on venait d'avoir un ordinateur tout beau tout neuf, grâce au tonton qui s'intéresse à l'informatique. Donc, à ce niveau, on est un peu en avance (il deviendra obsolète six mois après et on le gardera environ 6 ans !). C'est là-dessus que j'écoute des disques aux casques. J'achète déjà la presse et je commence à voir les spécificités des uns et des autres (Rock and Folk, Rock Sound, Punk Rawk...), mais je reste un peu sur ma faim. Et c'est là que la magie opère, l'apparition de la connexion internet 56k et son doux crouic-crouic qui coupe la ligne téléphonique quand on se connecte. De l'autre côté, le monde de Weezer m'attend. Il se matérialise d'une part par le site officiel américain tenu de main de maître par le fidèle Karl Koch (le même que je verrai scotcher les setlists avant le concert d'Amsterdam en 2016), d'autre part par le site français Weezer France, tenu de main de maître par Sophie que je rencontrerai plus tard, et avec qui j'irai voir ce concert à Amsterdam, mais à ce moment-là je ne le savais pas encore. Il en reste des ruines ici-même (du site, pas de Sophie). Tout ça pour dire qu'un nouveau monde s'ouvre à moi, un monde de démos et de faces B. Car, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que jusqu'à Maladroit inclus, Weezer ne sera jamais avare en démos et faces B. Et ça, ça forge un fan ! Dans une interview, Ben Fox Smith, chanteur de Serafin, n'oublie pas de rappeler que le fan, c'est celui qui commence à aller fouiner du côté des faces B. Il n'a pas tort le coco. Je deviens encore plus mordu qu'il y a de chansons à découvrir. Au début, je passe du temps à les écouter au format MIDI sur le site officiel du groupe. C'est une musique faite avec l'ordinateur, qui sonne comme un synthétiseur. Ca donne un côté très enfantin comme des comptines jouées sur un jouet. Je tombe encore et toujours amoureux des mélodies. Je me souviens très bien avoir écouté plusieurs fois "Teenage victory song" et "Jamie" sous ce format. Plus tard, à la résidence étudiante, où l'ADSL coule à flot, je tombe sur le filon, j'ai des frissons : un torrent de chansons classées de périodes en périodes, d'avant le Blue album jusqu'aux futures chansons prévues pour un cinquième album. Je n'en dormirai pas de la nuit. C'est à peu près à ce moment-là aussi que j'achète le Blue album au feu Virgin Capitole. Je mets un peu plus de temps à l'apprivoiser que Pinkerton, je ne sais pas pourquoi. Aujourd'hui quand je l'écoute, je repasse au moins deux fois "The world has turned and left me here", et son savant mélange de guitares électriques et acoustiques, à l'instar d'autres chansons de pleins de groupes que j'aime désormais (Lemonheads, Posies, Buffalo Tom, Guided By Voices, Bob Mould...).
Puis en 2004 sort le DVD : Video capture device. On suit le groupe dans son quotidien, en tournée, en studio, en concert. C'était quelque chose ce DVD. De tous les looks de Cuomo, celui qui me touche le plus, c'est celui qu'il arbore sur la vidéo d'un concert hommage à Mikel and Karli, les deux sœurs qui ont monté le fan club, décédées dans un accident de voiture. La chanson "Hear you me" de Jimmy Eat World leur est également dédiée. C'est ce Cuomo romantique qu'on y voit, cheveux longs, vêtements larges, fils de hippie, qui serait bon pote avec Evan Dando (dans mes rêves !).
Le fan esseulé trouve soudain de la compagnie
Il n'échappera à personne que tout ça se joue en solitaire. Je ne connais pas de fans du groupe à ce moment-là. Y'a bien quelques gars un peu snobs dans mon horrible école d'ingé qui tiltent quand ils entendent "El Scorcho" dans ma bagnole : "Pinkerton, non je connais pas. Ouais l'album bleu, il est bien". C'est à ce moment où je me rends compte que c'est un groupe cool mais l'incruste de Weezer dans la réalité de mon quotidien s'arrête là. Internet va changer cette perception. Des groupes de tous horizons parlent d'eux, les communautés de fans sont solides, mais il faudra attendre quelques années avant que je me fasse de bons potes parmi les fans de toute la France. Des bons potes avec qui j'irai voir beaucoup de concerts. Et avec certains, j'irai même voir mon premier concert du groupe, ce qui n'a jamais été une fin en soi en ce qui me concerne. Malgré tout, le concert à Amsterdam en 2016, à la sortie du White album, reste un souvenir important avec l'impression marquée d'avoir visité les lieux de tournage d'un film que j'avais vu et revu.
Attente de l'étape suivante ou la complainte du fan déçu
Je me rappelle d'un article de Thomas VDB qui décrivait l'annonce d'un album de Weezer comme un moment où on commençait à avoir les jambes qui flageolent. C'est ce qui va m'arriver en attendant Make believe qui sort en mai 2005. Jusque-là tout allait bien mais, hélas, cet album va changer la donne. Grande déception. J'avais rien trouvé de nunuche avant, même pas "I do", une face B du Green album, qui essaye de son mieux de faire tirer une larme à l'auditeur, mais là, ça passe pas. Ça m'empêche pas de l'écouter en boucle, car je me rendrai vite compte que quelques morceaux sont quand même pas mal. Et ce sera ainsi, pour tous les albums qu'ils sortiront ensuite. J'y trouverai toujours des trucs que j'aime, en proportion variable, mais à chaque fois, je voudrais qu'ils soient tout à la fois : le Weezer qui en doit aux Pixies, le Weezer heavy, le Weezer power pop à trois accords, le Weezer qui sonne comme sur Pinkerton, le Weezer qui joue de l'acoustique, le Weezer qui en doit aux Beach Boys, le Weezer qui jouerait dans la cour du Grand prix de Teenage Fanclub comme sur "The organ player". J'attends. Souvent je suis déçu. Je les écoute en boucle. Je commence à les aimer. Et c'est des albums qui se feront patiner par la nostalgie. Je suis même nostalgique du temps où j'écoutais Make believe à l'hôpital après une lourde opération en mai 2005.
Fin 2020, toutes les démos de chansons que Cuomo avait retenues jusque-là sont lâchées sur un petit site qu'il a construit lui-même. C'est la débandade comme en 2004 quand le torrent que j'avais téléchargé débordait de mes oreilles. Mais, à l'instar de la discographie de Guided By Voices, y'a beaucoup de tri à faire. Surtout, je suis beaucoup moins mordu. Néanmoins, en se forçant un peu, on se rend compte d'un nouvel âge d'or aux alentours du White album et d'Everything will be alrtight in the end où l'effort de composition est redoublé. On a toujours l'impression d'un vivier de chansons extraordinaires qui contrastent avec les chansons retenues sur des albums finalement en demi-teinte. Les morceaux laissés de côté de cette période font ressurgir le plaisir que j'avais eu à découvrir les raretés de l'époque du Blue album et de Pinkerton ("The rule of life", "Bless the whole wide world", "She's just a girl", "Pacific sunset"...).
Cette année, ils sortent un EP pour chaque saison. Celui du printemps m'a laissé de marbre, jusqu'à nouvel ordre. Pas plus tard qu'hier, je lis la description que Rivers Cuomo donne des EP prévus pour l'été et l'hiver. Celui de l'été doit sonner comme du "Beach Boys crunchy" et celui de l'hiver comme Elliott Smith. Il ne m'en faut pas plus, j'attends l'étape suivante avec impatience.
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Publié dans le Mag #51