Explosions in the Sky - Take care, take care, take care C'est toujours difficile pour un groupe, pourtant excessivement doué, d'être coincé entre des "monstres" incontournables du genre. Explosions in the Sky en est un peu l'exemple type. D'un côté, on a Godspeed You! Black Emperor, sorte d'icône intouchable de la scène post-rock très indie (même s'il est parfois pertinent d'emporter sa couette aux concerts...), de l'autre Mogwai, qui est un peu LE groupe qui a popularisé/vulgarisé le genre auprès des masses. Et au milieu, une foultitude de groupes plus ou moins talentueux parmi lesquels Explosions in the Sky est certainement l'un des plus doués. Intrinsèquement. Une poignée d'albums magistraux, un label de référence outre-Atlantique, un public toujours plus fidèle... en clair du velour pour un collectif qui n'a désormais plus rien à prouver et peut donc tout se permettre. Même livrer un album au titre curieux et au visuel pas franchement inspiré.

Peu importe, malgré ses réserves de façade, Explosions in the Sky, ça reste quand même la grosse classe, qui éclabousse l'auditeur dès "Last known surroundings", véritable merveille de post-rock à haute teneur émotionnelle. Des guitares qui ondulent autours d'une trame harmonique veloutée, des arpèges qui cajolent les sens de l'assistance, les Texans affinent un peu plus leur songwriting ("Human qualities") et délivrent une musique en prise directe avec les cieux, des cimes instrumentales au-dessus desquelles ils semblent pouvoir planer à l'infini. EITS est toujours au sommet de son art, mais comme s'ils sentaient s'approcher d'eux le risque, subreptice de la redite, les américains délaissent un temps les horizons les plus éthérées pour proposer quelques chose de plus foncièrement rock, toujours instrumental et nappé de quelques fulgurances pop étincellantes ("Trembling hands"). Mais le naturel du groupe revient vite au programme de la suite des réjouissances, qui, avec "Be comfortable, creature", puis "Postcard from 1952" transporte comme à chaque fois le mélomane dans une autre dimension. Presque trop facile, même si on a pu déceler régulièrement sur cet album, une volonté clairement affirmée d'évoluer hors des sentiers balisés d'un post-rock classieux et codifié.

Les années passent, les albums se suivent et Explosions in the Sky continuent d'éblouir son monde, ne serait-ici qu'en concluant leur Take care, take care, take care sur le très beau "Let me back in", histoire de démontrer que quatre ans après le magnifique All of a sudden I miss everyone, ils peuvent rester au sommet de leur art en livrant un enregistrement bien différent de ce qu'ils avaient pu faire jusqu'alors. Varier les plaisirs pour évoluer tout en gardant une constance dans l'excellence. Si ce n'est pas avoir la classe...