A seulement quelques heures de son départ pour une aventure à vélo (et à guitare) à travers l'Europe, Damien revient sur le nouvel album d'Ending Satellites, sur son travail de photographe et nous explique sa conception de la musique.
En post rock, les références des chroniqueurs sont souvent les mêmes, parmi celles que tu annonces, j'ai vu les Doors mais j'ai du mal à faire la connexion, tu peux m'en dire plus ?
Oui, ça peut surprendre ! Mais, mes influences ne se bornent pas à la seule mouvance du post-rock. A dire vrai, j'écoute pas mal d'autres types de musique : de l'electronica, du rock, un peu de soul, de la folk, du jazz, du flamenco. J'aime les musiques qui me racontent quelque chose. Une histoire. Celles qui sont inspirées et qui partent d'un point A pour ne plus y revenir. Les mélodies des Doors ont quelque chose de vivant, que je ne retrouve pas forcément dans d'autres groupes de l'époque. Un morceau comme "The end" te balade au gré d'émotions diverses, de recoins à la fois obscurs et lumineux, sans fioriture. Des titres comme celui-ci sont des pierres angulaires aux contours desquelles tu peux vraiment vivre quelque chose, même si cela ne dure que quelques minutes.
Qu'est-ce qui te procure le plus d'inspiration ?
Réponse facile, mais la vie en général m'inspire. Les personnes qui j'y croise, les émotions que j'y ressens, les paysages qui m'y coupent le souffle, les rencontres exceptionnelles que j'y fais, les musiques ou les images que j'y découvre, etc. Le plus souvent, ce sont les choses qui sortent de l'ordinaire qui font une impression telle qu'elle se ressent dans ma musique.
Pourquoi avoir "perdu" ces bandes par le passé ?
C'est une bonne question. Sortir des musiques est pour moi un processus souvent très long et prenant. Certaines pistes passent parfois à la trappe, sous l'étiquette « plus tard ». En fait, le processus de création du dernier album (ndlr : The lost tapes | Vol. B) a été un peu biaisé à son départ par le Volume A : je souhaitais juste sortir 3 titres de plus, pour faire suite à ce premier volet. Mais rapidement, certaines musiques se sont imposées d'elles-mêmes, comme une évidence. Je les ai donc totalement retravaillées et elles sont sorties de l'ombre de mes vieux tiroirs, en parallèle de pistes beaucoup plus récentes, comme "1969" ou "While you are here".
Penses-tu aux photographies qu'il faudrait faire pour accompagner un titre ou les choisis-tu parmi celles qui sont disponibles ?
Je ne suis pas un adepte de la composition photographique à tout prix. Je ne réfléchis pas mes clichés, que je prends le plus souvent à la volée. Je choisis ensuite ceux qui correspondent aux émotions de mes musiques.
La montagne, le soleil, la mer... ces sujets reviennent régulièrement, le post rock est-il forcément lié à la nature ?
Je pense que le post-rock est une musique contemplative qui demeure en partie liée à l'évasion et de manière plus générale, au monde. Cette évasion passe souvent par les voyages, les rencontres et le partage, la découverte d'autres horizons, d'autres panoramas. Forcément, la nature y est très présente et joue - à mon sens - un rôle particulier : celui de condensateur d'émotions et d'ailleurs, de possibles et d'impossibles. Alors forcément, il y a là un parallèle quasi immédiat entre ce type de musiques et cette nature qui nous entoure.
Les photographies sont presque monochromatiques, en tout cas, le spectre est toujours assez étroit, en tout cas plus limité que les émotions qui passent par la musique, tu pourrais présenter des photos plus "dynamiques" ?
Par nature, je n'apprécie pas vraiment ce qui tape à l'œil. Dans quelque chose de trop exubérant, je cherche le défaut dissimulé, le vice caché. Dans les photos monochromatiques, j'ai la sensation d'aller à l'essentiel, de me jouer des subterfuges. C'est vrai que cela tend à aller à l'inverse de mes musiques, mais les photographies en sont juste un voile : il appartient à chacun de le soulever pour se faire ses propres images.
Comment choisis-tu les titres des morceaux ? Les photographies jouent-elles un rôle dans ce titre, je pense par exemple à "Children@seas"...
Il n'y pas vraiment de corrélation entre les titres et les photographies. Certains coulent de source, d'autres me demandent un effort d'imagination plus conséquent. La plupart s'expliquent par la nécessité de devoir nommer les choses mais si cela ne tenait qu'à moi, beaucoup de mes musiques n'auraient pas de titre.
Le clip de "216 BPM on a highway" semble représenter "peu" de travail, qu'en est-il en réalité ?
J'ai toujours imaginé écouter cette musique dans une voiture, les fenêtres grandes ouvertes, comme sur un roadtrip, au beau milieu d'une route déserte et poussiéreuse, avec l'horizon comme seul point de mire. Alors, un soir de long trajet, quand l'occasion s'est présentée de filmer dans le rétroviseur de la voiture un décor à la fois fixé et furtif, sur une toile de fond crépusculaire, on a saisi l'occasion et réalisé cette vidéo. Cela peut paraître simpliste, mais ce type de séquences n'oblige pas l'auditeur à fixer son attention sur la vidéo et lui octroie la liberté de fermer les yeux tout en s'inspirant du décor pour s'imaginer ailleurs qu'il n'est réellement.
Tu investis beaucoup de temps et d'argent dans Ending Satellites, pourquoi offrir ton travail ?
C'est vrai : sortir un album me demande beaucoup de temps, d'énergie et bien entendu, d'argent. Mais, j'ai toujours chéri l'idée que l'Art, la musique et la Culture devaient être accessibles à tous, sans limite de moyens, qu'ils soient financiers ou autres. Cela fait partie des raisons qui font que jusque-là, j'ai offert mes musiques. Maintenant, je vois que j'arrive un peu aux limites de ce système. Pour autant, je n'adhère pas aux valeurs traditionnelles de l'industrie du disque. J'imagine qu'il va me falloir chercher un peu au milieu, entre ces deux extrêmes.
Pourrais-tu signer sur un label et devenir "dépendant" d'autres personnes ?
Cela dépendrait du label en question et de la liberté artistique qui me serait octroyée : à condition qu'elle soit totale, j'y réfléchirai. C'est d'ailleurs une idée qui me trotte dans l'esprit depuis quelques temps, sans pour autant être une priorité. Quand j'étais plus jeune, c'était presque un rêve de se faire signer sur un label, pour une partie de ceux avec qui je faisais de la musique ; puis, en grandissant et en apprenant à discerner le vrai du faux, j'en suis largement revenu. Aujourd'hui, c'est une éventualité que je considère et à laquelle je suis ouvert, sans qu'elle soit pour autant une priorité.
Ending Satellites est un projet quasi solo, pourrais-tu collaborer avec d'autres artistes ? Que ce soient des chanteurs, des réalisateurs, des dessinateurs...
Je l'ai déjà fait par le passé, notamment sur le premier album avec mon ami François, Londres de Redlight, Milka de Psykup, Frédéric de Host, etc. Je pense que j'ai eu besoin de me recentrer sur les deux albums suivants. Maintenant, l'idée de travailler à nouveau sur certains morceaux avec d'autres artistes me plaît assez. Parallèlement, la perspective de composer de la musique de film, en étroite collaboration avec un réalisateur, m'attire de plus en plus : ce serait assurément une belle aventure. A bon entendeur !
Et maintenant ? Quelle est la suite ? Jouer en "live" électrique est possible ?
La suite, elle prend en partie forme dès aujourd'hui : on s'apprête à partir - avec ma compagne - sur les routes d'Europe en vélo, avec une guitare de voyage sur le porte-bagages, afin d'aller à la rencontre de nouvelles personnes, de celles et ceux qui connaissent Ending Satellites comme celles et ceux qui n'en ont jamais entendu parler. Et de jouer un peu partout, au gré des envies, pour partager cette musique. Ce projet se nomme d'ailleurs "L'Échappée" et toutes les informations sont disponibles sur le site du projet.
Parallèlement, l'idée d'un quatrième album se profile. Tout comme des lives acoustiques, avant de peut-être s'orienter progressivement vers de l'électrique. Les idées et l'envie ne manquent pas !
Dans tous les cas et pour terminer cet interview, merci à toi Oli pour ces chouettes questions et surtout, pour ton soutien et celui de W-Fenec depuis maintenant plus de 4 ans !
Merci Damien et Ending Satellites, bonne route !
Photos : Damien / Ending Satellites