Eksi Ekso - Brown shark red lion Au rayon des curiosités directement importées depuis l'autre côté de l'Atlantique, cette année Eksi Ekso figurera assurément en bonne place. Non pas que sa musique soit complètement révolutionnaire, ni-même fondamentalement hors-cadre et anticonformiste, mais le mélange art-rock/indie/post-jazz/cold-wave/synthé-pop ici pratiqué a quand même de quoi désarçonner quelque peu lorsque l'on découvre les onze pistes que recèle ce Brown shark red lion. Un disque par ailleurs livré dans un très beau digibook, ce qui soit dit en passant, est ici une jolie preuve de bon goût. Les collectionneurs apprécieront d'autant plus que cet album met quand même un certain temps à être apprivoisé.

"Kills of the flood tide" / "Carte de visite", deux titres qui n'auraient pas pu être plus ambivalents. On pense ainsi d'un morceau à la structure post-pop complexe mais mâtiné d'une mélodie dont la modernité de l'écriture sied parfaitement à son aspect organique, à un titre purement typé 80's et agrémenté de synthés qui confèrent à l'ensemble un côté retro kitchissime parfaitement atroce. Les mêmes synthés qui lorsqu'ils s'effacent laissent entrevoir toute l'élégance d'un songwriting encore une fois très finement aiguisé. Dommage qu'il soit noyé sous un océan de mauvais goût. Point commun entre ces deux morceaux, une certaine tendance à l'emphase qui peut agacer à la longue. Mais que l'on ne retrouvera pas trop sur la suite, qui, avec des titres à l'image de "Rein, white sun" et ses arrangements à cordes qui pleuvent sur une partition savamment noircie pour accentuer l'intensité épique et ténébreuse de la musique d'Eksi Ekso.

Un groupe qui, entre l'éponyme "Brown shark red lion", le grandiloquent "Traitor traitor" et le solennel "Bellows to brass lens" tente beaucoup de choses différentes, tout en ayant l'impression d'avoir trop souvent dix ans de retard sur tout ce qu'il fait ("14 for 3"). Tant dans ses ornements pop ("West of rize") que ses expérimentations synthétiques ("A dead light"), certes traversées par de jolies fulgurances sur son final, ou encore ses velléités art-rock auteurisantes bien trop égocentriques pour y faire réellement adhérer l'auditeur ("The pilot and the pod"). Et finalement, c'est le onzième et ultime morceau de l'album qui va envisager l'impossible, à savoir sauver l'album avec un "Black sea accomplice" absolument brillant de maîtrise tant du point de vue de la composition que l'interprétation parfaitement équilibrée. Deux morceaux sur onze, c'est quand même très peu... reste un bien joli objet malheureusement un peu vide de sens.