Eels - Wonderful, glorious Un peu éreinté artistiquement après son épisode de boulimie créative ayant marqué le terme de la première décennies des années 2000, Eels et son omnipotent leader Mark Oliver Everett, qui avait entre 2009 et 2010 sorti pas moins de trois albums en à peu près six mois, a cette fois pris un peu son temps pour sortir son dixième opus long-format. Et s'est offert une liberté artistique nouvelle après avoir pressé son inspiration comme un citron, afin de passer cette fois à l'orange avec ce Wonderful, glorious aussi hétérogène que racé, paradoxalement collectif comme jamais (il a été composé à dix mains) et pourtant très "personnel" dans le songwriting. Malheureusement, ce n'est pas avec ce disque là qu'Eels va définitivement quitter le costume du groupe le plus mésestimé de la scène indie nord-américaine. Tant mieux?

La question mérite d'être posée. Parce que le statut d'outsider, en fait, il sied parfaitement à ce groupe capable d'ouvrir un album avec un titre du calibre de "Bombs away", ténébreux et chargé en nostalgie brisée en même temps qu'en intensité électrique. Difficile de ne pas se laisser tenter par les charmes vénéneux d'un morceau inaugural lesté en émotions brutes avant que le plus léger "Kinda fuzzy" ne vienne lui répondre avec une décontraction non feinte. On sent alors Eels capable de changer de tonalité comme de chemise, de registre aussi... comme de niveau de qualité. Quitte à devoir se farcir un "Accident prone" neurasthénique et franchement somnifère pour voir les enceintes subir les coups de reins et la fougue indie-rock fracassante de "Peach blossom" quelques instant plus tard. L'avantage, c'est de pouvoir être surpris agréablement, l'inconvénient, d'être inversement déçu et ce, sans prévenir. Mais au final, cela permet de retrouver le groupe en grande forme au moment où on l'attend le moins.

Par exemple avec un "On the ropes" chaleureux ou sur le très beau "The turnaround", quand Eels se fait le chantre d'un folk habité, parfois à la limite du crépusculaire mais constamment d'une classe folle ; avant de prendre d'assaut les enceintes en envoyant du gros rock bien cinglant dont les riffs ardents giclent sur la platine comme des geysers brûlants ("New alphabet"). Quand il s'agit de se payer une petite dose de gimmick-rock song bien pêchue ("Stick together"), Eels assure, quand vient le moment de faire succomber la plus glaciales des âmes congelées, les californiens font des miracles (le sublime "True original"). Sous-estimés les natifs de la Cité des Anges? Certainement, mais cela ne les empêche pas de savoir tout faire, comme servir un "Open my present" sauvagement bluesy porté par un groove de cramé, un "You're my friend" anecdotique ou de terminer un peu facilement en roue libre sur une note très lumineuse ("I am building a shrine", "Wonderful, glorious"). Mais on ne leur en veut pas vraiment parce qu'au fond, on sait bien que les vrais bons groupes ne sont pas toujours ceux que l'on veut nous faire croire. Et que ceux-là, ne déçoivent jamais.