Après un premier EP encensé et un premier album congratulé un peu partout dans la sphère des musiques indés, il était plus que temps que l'on s'interesse de près aux protagonistes du fameux groupe lillois Ed Wood Jr : ni plus ni moins ce que l'on fait de mieux en matière de math-rock hybride dans l'hexagone...
Ed Wood Jr - Live
Je sais qu'on vous pose la question à chaque fois mais nous n'y couperez pas... Pourquoi ce nom d'Ed Wood Jr connu comme un réalisateur de très mauvais films ? Histoire de ne pas trop se mettre la pression avec un nom de réalisateur genre Kiarostami ou Terry Gilliam ?
Thibault : Simplement parce qu'Ed Wood Jr était un personnage atypique, convaincu que son "art" serait reconnu un jour. Il a toujours persévéré malgré les obstacles, les soucis financiers etc. Il est finalement assez représentatif de l'acharnement et des concessions qu'il faut mettre en œuvre pour parvenir à se réaliser via une pratique artistique. Il a malgré lui inventé les films de série Z.
Quelques mois après la sortie de Ruban de Möbius, êtes-vous toujours satisfait de votre boulot sur l'album (NdR : moi, oui...) ? Les retours ont été plutôt bons ?
Thibault : Personnellement je n'aime pas trop parler de ce que fais, même si j'ai beaucoup de plaisir à jouer les morceaux de Ruban de Möbius. Je pense que cet album correspond à une étape de l'évolution du groupe, à une "couleur" particulière. Les chroniques ont été dans l'ensemble positives, ce qui nous fait plaisir et nous motive pour la suite. Mais nous tenons à garder à l'esprit que la composition doit rester indépendante de l'extérieur. C'est ce qui caractérise l'intégrité d'un groupe.
Olivier : Je ne suis pas totalement satisfait de cet album mais j'ai énormément de difficultés à prendre du recul sur mon travail. Les retours ont été très positifs, c'est plutôt bon signe ! Comme le dit Thibault, Ruban de Möbius correspond à une étape de l'évolution du duo, nous travaillons actuellement sur la compo du second album et essayons de ne pas nous répéter.
Comment se déroule le boulot de composition chez Ed Wood Jr ? Un album excellent comme Ruban de Möbius, c'est combien de temps enfermés dans la salle de répét' ?
Thibault : On a travaillé différemment selon les albums, ce qui donne ces multiples facettes. Sur l'EP, les morceaux ont été composés en 1 mois, ce qui fait ressortir l'urgence et le côté très brut. Pour Ruban de Möbius, on a eu le temps de travailler beaucoup plus les différents morceaux. Cela fut un travail de plusieurs mois, autant en répète que sur scène. Le prochain album sera un mix de ces méthodes de compos.
Olivier : Depuis Ruban de Möbius, nous avons intégré le laptop dans le processus de composition. Cela nous permet d'écouter instantanément les différentes idées, de voir où l'on va . parfois même de faire des collages pour voir si les différentes parties fonctionnement entre elles. Nous utilisons davantage de samples ou de sons préparés, l'apport électronique permet d'avoir une vision plus large et d'explorer d'autres types de sonorités.
Comment s'est fait la connexion avec Swarm Records, le label qui a publié vos dernières sorties ?
Olivier : Séb de Swarm records nous a contactés pour nous faire jouer sur Paris en Mai 2010. Il s'est montré intéressé par la sortie de cet album, je lui ai donc envoyé un master, qui l'a convaincu et voilà ! Depuis, il a sorti Feats en septembre 2010 et s'est même occupé de l'art work. Il nous a invité à jouer au festival Swarm en Novembre 2010, à Paris. Séb est une personne très investie, il donne les moyens, bosse avec une agence de comm' musicale (NdR : Domino Media, la boîte de pub& marketing musical d'un certain AureliO) et ne fait pas les choses à moitié !
Quels étaient vos objectifs avec L'EP Feats sorti assez peu de temps après Ruban de Möbius ?
Thibault : Nous avions l'idée de donner une touche particulière à la release party de Ruban de Möbius à la malterie (avec Marvin). Proposer à des amis jouant dans différents groupes (Cercueil, Tang, Woodish et Klang) était à la base un concept ponctuel, qui a muri, et à débouché sur ce 3 titres. Nous sommes très fiers du résultat, qui fait ressortir des orientations éphémères du groupe.
Olivier : En effet, depuis les débuts du groupe, en février 2008, nous souhaitions inviter ponctuellement des amis à jouer avec nous. Faire un Ed Wood Jr big band en quelques sortes. Ce sera d'ailleurs le cas pour l'un des titres du prochain album.
Je vous ai vu lors de la soirée d'inauguration de votre album à la malterie et quelques mois plus tard en première partie de Disappears : les progrès scéniques et l'impact de votre show me semblent colossaux en quelques mois, c'est un aspect que vous avez particulièrement bossé ces derniers temps, le live ?
Thibault : Tout d'abord un grand merci. Nous n'avons pas l'impression de progresser, mais juste faire les choses comme elles nous viennent. Nous essayons de mettre en œuvre tous les moyens à notre disposition pour faire évoluer le groupe. Nous avons eu l'occasion de travailler 2 jours aux 4 écluses afin de préparer le concert au Grand Mix (pour les présélections du printemps de Bourges). Ceci nous à permis de nous focaliser sur des aspects scéniques du concert, comme la disposition des éléments par exemple.
Olivier : Nous allons bosser de plus en plus en résidence, avec notre ingé' son pour développer l'aspect scénique. Pas question de faire des chorégraphies mais juste d'apprendre à se détacher des sampleur, clavier et autres machines pour vivre plus intensément notre musique.
La scène indé' lilloise me semble en pleine ébullition actuellement avec une foultitude de groupes excellents (Cercueil, Tang, Ed Wood Jr, Berline0.33, Drive With A Dead Girl) et de l'extérieur, on a l'impression d'une sorte d'émulation qui vous tire tous vers le haut en terme de qualité, j'ai tout bon ?
Thibault : Oui je pense. Les groupes se rendent compte que faire évoluer une entité artistique est un véritable travail. Cela se traduit par un engagement et une démarche beaucoup plus recherchée.
Olivier : Effectivement, côtoyer des personnes qui ont le même rapport que toi avec la musique te permet de relativiser, de réajuster certaines choses et d'échanger sur nos pratiques .
Dans la lignée de cette question, peux-tu me parler des Forest Sessions auxquelles vous avez participé ?
Olivier : En fait, j'y ai participé seul car l'objectif des Forest Sessions est d'être un collectif éphémère où les musiciens se retrouvent en dehors de leur groupe pour composer avec d'autres personnes. C'était donc en Septembre 2010, nous nous sommes retrouvés 4 jours dans une superbe propriété du côté du Touquet et nous avons joué quasiment tout le temps, pour composer 25 titres. Un chalet était à notre disposition avec tout le matos nécessaire pour jouer et enregistrer. C'était une superbe expérience, Pascal et Sophie nous ont mis à l'aise, tout simplement ! Ce qui était propice à la bonne humeur et à la composition, forcément ! Nous avons joué l'intégralité des morceaux à l'Aéronef en février dernier.
Dans les chroniques, ce sont toujours les mêmes références qui reviennent (Shellac, Don Caballero), mais au final, les Ed Wood Jr, ils écoutent quoi ? Vous pouvez me citer vos dernières claques ?
Thibault : Personnellement je prends très fréquemment des claques quand je vais voir des concerts. Cependant, la dernière en date s'appelle Mouse On The Keys, un groupe japonais que j'écoutais depuis longtemps et qui est passé par La Malterie. Russian Circles au De Kreun a fait très mal également en ce qui me concerne.
Olivier : Pour Don Caballero, je peux comprendre mais je n'aime pas (ou plus) je trouve ça trop indigeste . Et pour Shellac, je me suis arrêté à l'album Action Park. J'écoute beaucoup de choses différentes : dans le désordre : PVT, Gang Gang Dance, 31 knots, Thavius Beck, Art ensemble of Chicago, Battles, Tyondai Braxton (NdR : ancien Battles en solo), Captain Beefheart, Redneck Manifesto, Sleeping people, Steve Reich et des centaines d'autres !
Les projets d'Ed Wood Jr dans les futurs mois ? Avez-vous d'autres projets en parallèle ?
Thibault : Une résidence à La Malterie en avril pour préparer la tournée du 5 au 14 mai 2011. L'enregistrement du prochain album est prévu courant juin 2011. Sortie prévue en novembre 2011. En septembre, nous allons faire une résidence de trois semaines (aux 4 Ecluses, Dunkerque et au De Kreun à Courtrai) afin de mettre en place le prochain set. Une tournée en novembre est prévue en Europe, puis peut être plus tard aux Etats-Unis. Nous allons beaucoup tourner pour ce second album !
Olivier : Je joue actuellement avec Nico (Green Vaughan, NdR : chronique à suivre) et Bastien (Tang), nous n'allons pas tarder à faire quelques concerts. Ce projet n'a absolument rien en commun avec nos projets respectifs ! Surprise ! Et puis, depuis le temps que j'en ai envie, je vais enfin jouer en solo dans le cadre d'une expo à la Galerie d'Art Raison d'Art pour l'expo de James Cochran.
Je vous laisse le mot de la fin en vous remerciant de votre disponibilité :
Un grand merci et à très bientôt !
Credit photo live : Nicolas Djavanshir