Initié en 2009 par Patrick Hagmann, ex-guitariste au sein de Fear My Thoughts, oeuvrant parallèlement dans le groupe Pigeon Toe, Earthlimb est un side-project au long cours dont la conception s'est étendue sur près de deux années, avec notamment le concours de Norman Lonhard, ex-Fear My Thoughts et membre de Pigeon Toe lui aussi, mais surtout connu pour sa participation à Triptykon (le projet du fameux Thomas Gabriel Fischer - Celtic Frost). Près de vingt-quatre mois pendant lesquels Hagmann fera finalement un peu tout (ou quasiment) tout seul et qui, après une nouvelle période d'attente et un petit report de sortie, s'est vu concrétisé, par l'intermédiaire du label Golden Antenna (Kerretta, Maserati, Tephra...), sous la forme d'un album sobrement baptisé Origin.

On ne va pas tourner cent sept ans autours de la question qui brûle les lèvres : non Earthlimb n'est pas un projet metal. Malgré le pedigree de ses membres, Origin s'éloigne résolument des sphères les plus brutales de la musique alternative pour s'en aller caresser des récifs post-rock/pop/émo-rock/progressifs qui ne sont pas sans évoquer les compositions de Dredg (quand le groupe était encore crédible, soit jusqu'à Catch without arms), Mogwai ou Oceansize. Autant de références de choix sur lesquelles viennent se greffer des textures prog' flirtant avec les travaux de Genesis, King Crimson, Pink Floyd, Yes ou pour citer quelque chose de plus récent : Porcupine Tree. Soit une huitaine de titres qui gravitent entre les sphères musicales de son inspirateur principal pour proposer une oeuvre oscillant entre old-school ténu et modernité élégante.

Les morceaux sont autant de tableaux composant une trame gardée secrète mais dont chacun pourra se faire sa propre représentation imagée, et "Origin" puis "Hiding" emmènent l'auditeur parcourir un univers narratif aux mélodies panoramiques et vibrantes. Si Patrick Hagmann pouvait laisser parler ses goûts pour l'équarrissage sonore dans ses autres projets musicaux, il se mue ici en esthète du songwriting, revendiquant et assumant parfaitement un statut de compositeur à mille lieux de ce que l'on s'était attendu de sa part. Et comme son talent ne pouvait suffire à faire de cet Origin jusqu'à au bout, il s'est également adjoint les services d'Alex Bleiziffer (The Hellcall) au chant, pour un résultat aussi classe qu'ébouriffant. Mais également assez imprévisible, comme sur "Pulsar" ou Earthlimb noue la joue 65daysofstatic new-wave 80's pour un résultat qui vire finalement assez rapidement au rock alternatif exclusivement instrumental certes, mais méchamment catchy. Et aussi volubile qu'inspiré... comme l'est du reste, mais dans un tout autre esprit cette fois, "Oceans of astate", qui marque le retour aux effluves progressives sur un socle mélodique alliant à merveille rock alternatif mouvant et post-rock velouté de premier choix.

On a beau commencer à bien cerner le projet, Origin continue de se montrer là où on ne l'attend pas nécessairement et "The red tide", dans un registre très pop bien qu'un peu grandiloquent parfois, se montre clairement à son avantage même si c'est sur Bloom of light (moins sur "Virtue" ou l'utilisation du vocoder apparaît quelque peu exagérée) qu'Earthlimb envoie l'auditeur dans une dimension parallèle. Envoûtant. Le final arrive et une fois encore, c'est avec ce "Waves" conclusif que Patrick Hagmann va quelque peu surprendre en musclant ses riffs et les mêlant a des nappes post-rock aux éclairs métalliques surgissant de nulle part, sous une apparente quiétude en surface. On ne se méfie jamais assez de l'eau qui dort...