Dredg : Catch without arms Intensité mélodique hors du commun, sonorités vaporeuses et expérimentations rock progressives, El cielo regorgeait de titres sublimissimes et avait offert à Dredg le statut envié de groupe incontournable de la scène indie rock actuelle. Au moment de se pencher sur Catch without arms, la nouvelle offrande des natifs de Los Gatos (USA), il conviendrait de se poser une petite question, qu'attendons-nous au juste de ce troisième opus ? Un El cielo 2? Un disque qui reprendrait ce qui avait fait le succès de son prédécesseur, ou un album qui nous montrerait une autre facette de ce dont Gavin Hayes et sa bande sont capables ?
Evidemment, dès les premières écoutes de Catch without arms, nombreux sont ceux qui pourraient être surpris, déroutés, voire déçus par ce nouvel effort, assez différent de ce qu'avait pu proposer Dredg avec El cielo ou Leitmotif, ses deux premiers albums. Mais n'est-ce pas justement l'intérêt d'un groupe tel que celui-ci, à l'heure où un album qui fait exploser les ventes est cloné à l'infini par le combo qui en est l'auteur ou tout une vague de formations dites "suiveuses" ? Quoiqu'on dise, objectivement ou non, de Catch without arms, on ne peut qu'admettre l'évidence, Dredg a cherché avec ce disque à se réinventer, à explorer les limites de sa musique, à se mettre en danger en prenant le risque de déplaire à ceux-là même qui avaient encensés leurs précédents efforts jusqu'à plus soif.
Le rock poétique et intense de Dredg fait des ravages dès les premiers titres avec les sublimes "Ode to the sun", "Bug eyes" ou "Not that simple". C'est simple, à l'écoute de ces morceaux, on se rend compte que seul le post-rock céleste de Sigur Ros parvient à nous transporter de la sorte. Le combo s'amuse avec les variations de rythme et se lâche sur le vibrant et éponyme "Catch without arms" aux parties de clavier qui frise la perfection. Si ça se trouve, on est peut-être en train d'écouter l'un des chefs-d'oeuvre de l'année. Mais on s'en doutait un peu, à force de se mettre à nu, de se livrer sans retenue, Dredg prenait également le risque de se rater sur quelques titres.
C'est chose faite avec le désespérant "Zebra skin", sorte de pop-song insipide sur fond d'influences tendance, osons le terme, hip-hop... Un véritable supplice en regard du reste de l'album. Parce que, et c'est là le plus étonnant, c'est que le groupe se remet de suite en selle avec le puissant et très saturé "Tanbark". Vite oublié le raté de "Zebra skin". Surtout que s'avance sur la platine le chef d'oeuvre de cet album concept fondé sur la confrontation des opposés : "Sang real". Anges et démons, vie et mort, Yin et Yang, entre sensiblerie assumée et poésie sonique, Dredg nous offre une merveilleuse pépite émo-rock.
Vous en voulez encore, alors le groupe nous gratifie de quelques autres morceaux d'anthologie tels que "Planting seeds" ou "Jamais vu". Etincelant et ennivrant. En principe, lorsqu'il s'agit d'aborder un album, le travail du chroniqueur est de décrire la musique d'un groupe et les émotions qu'elle procure en usant d'images, de métaphores et autres euphémismes. Dans le cas de cet album, sans doute moins complaisant, moins progressif, plus "calibré pop" et accessible que El cielo, difficile de faire un choix. Poésie rock, émotion à fleur de peau, c'est tout simplement beau et ça force le respect.