La Drache. Je ne sais pas si l'univers m'envoie des signes, mais je me pose la question... La drache, c'est une forte pluie pour les ch'ti, un terme régional qu'on peut entendre aussi en Wallonie ou dans les Ardennes. Soit qu'elle te tombe dessus comme des hallebardes comme dans l'expression "qu'est-ce qu'il drache !", soit qu'elle semble infinie comme dans "il n'arrête pas de dracher". C'est cette saloperie de flotte qui a inondé "mon coin" pendant plusieurs semaines, toute une zone sinistrée, des déplacés, des commerces qui vont disparaître, un sale coup pour toute une région pourtant bien habituée à la pluie. Les politiques ont beau défiler et serrer des mains, ça ne redonnera pas sa perméabilité aux sols transformés en parking ou en zones commerciales.
La drache, c'est aussi un équivalent des "drêches", les résidus formés après la transformation de l'orge en malt quand on fabrique de la bière. Du coup, quand tu réclames une pression, tu peux aussi demander "une drache"... Ou depuis quelques temps, si tu te trouves dans le bassin minier, tu peux vouloir une "Drache" en bouteille puisque c'est le nom pris par une brasserie de Carvin qui ne travaille qu'avec des produits locaux et issus de l'agriculture biologique. Une brasserie rock qui fait une excellente bière, voilà de quoi remonter un peu le moral. J'ai découvert cette petite entreprise au concert de Mass Hysteria puisqu'ils ont sorti une cuvée spéciale "La furieuse" pour la vendre au profit d'une association caritative lors d'un concert où le groupe a rappelé que "La Nature nous montre des signes"...
Et donc La Drache. Un quatuor post-rock qu'on imagine bien être originaire des Hauts-de-France ou de Belgique, mais qui se trouve être bordelais. Un de ses membres, ayant été confronté par deux fois au terme "Drache" (qui lui était alors inconnu) le jour de la naissance du groupe, a jugé que c'était un signe du destin. Depuis, ils enregistrent et composent sans se donner de limite et avec des idées malgré l'absence de textes. Ils nous invitent à écouter Le bruit des nuages comme celui des pluies acides et militent pour un environnement plus sain et apaisé. Les Girondins revendiquent l'influence de Mogwai et Mono, je valide ! Dans le soin apporté aux distorsions comme dans les attaques assez franches (on n'attend pas dix plombes que le morceau commence vraiment), on sent que les mecs veulent en découdre et aiment le rock plus que le post. Si c'est pour le bien du titre, ils peuvent user jusque la corde un gimmick ("L'aurore"), ralentir le rythme comme si le morceau disparaissait ("Hapan sade"), hacher les coups de médiator et de baguettes ("Yudachi) ou étirer une ambiance déchirante ("Ether"). En 25 minutes, on connaît de nombreuses émotions et je retrouve tout ce que j'aime dans le post-rock, merci l'univers.
Publié dans le Mag #59