Devianz s'est prêté, malgré un ordinateur en réparation, à un jeu de questions-réponses, où ils répondent en toute franchise, avec humilité et intelligence. Feu !
Alors devianz, en quelques mots, c'est quoi ?
Benoît : devianz, c'est quatre mecs qui se sont trouvés et réunis pour faire la meilleure musique possible. C'est également un concept, que l'on retrouve à travers le visuel et le nom de l'album, qui traite de notre façon de voir et de vouloir faire les choses différemment.
Votre chant est plutôt particulier, comment le décririez-vous ?
Guyom : mélodique ! ... à vrai dire, à part ça, je ne sais pas très bien. C'est parfois planant, parfois presque strident. la question est rude. C'est souvent le point de discorde pour les gens qui écoutent devianz. Certains le trouvent magnifique, transcendant, d'autres ont l'impression qu'on leur écorche les oreilles. en tout cas, ce qu'il en sort généralement, c'est qu'il est une source mélodique importante. Je me fous de savoir si je chante comme untel ou untel, c'est, comme le reste du travail du groupe, très instinctif. donc, pour nous, je crois que le chant semble naturel. Les mots qu'il transporte sont vecteurs d'émotions et les auditeurs qui nous en parlent le confirment. N'en déplaise à certains "emo boys" qui trouvent ma voix plate et sans âme, désolé, on ne fait pas dans les pleurnicheries et autres larmes faciles. Ici, il n'est pas question de rupture ou de dépression chronique, mais bien de sentiments humains, de la façon dont on gère sa vie aussi.
L'aventure devianz a plutôt démarré sur les chapeaux de roues, passage en studio après sept mois, et là un album autoproduit dans les bacs. A quoi attribuer ce dynamisme ?
Beu(noît) : uniquement à une volonté d'avancer. Quand on a monté le groupe, on avait déjà quelques idées en tête, ce qui fait qu'au bout de la première répète, fin septembre 2004, on avait déjà "Epistophane", "Des parallèles" et "Innocente petite chose" qui tournaient, et pourtant, aucune structure de morceau n'avait été pensée à l'avance. Il faut aussi dire qu'au moment de la création de devianz, je jouais déjà dans un autre groupe avec Max et Manu, donc, à part pour Guyom, on connaissait déjà la façon de travailler de chacun et le feeling est passé tout de suite. Ensuite, en voyant que les choses avançaient à grands pas, on s'est vite dit qu'on allait pouvoir enregistrer un six titres pour commencer à faire parler de nous. Puis, vu l'évolution rapide des choses, l'idée a rapidement dévié vers la volonté de produire un véritable album. Il est à noter qu'on ne voulait pas passer par le stade des démos car on a tous déjà vécu ça dans d'autres groupes et on s'est dit que ça allait être une perte de temps. Nos morceaux étaient bons, il ne fallait pas les laisser prendre la poussière dans un coin.
Max : Beu a raison. En plus, attendre davantage aurait eu pour conséquence malheureuse de laisser des morceaux de côté. On en aurait composé d'autres et du coup on aurait dû se résoudre à faire un choix parmi nos compositions. Pour cet album, à l'exception d'un titre, tous nos morceaux composés à l'époque se sont retrouvés sur le disque. C'est une satisfaction.
Alors, balancer des chansons sous la houlette de Stéphane Buriez, ça se passe comment ? Plutôt satisfait ?
B : Pour continuer dans notre optique de produire un disque de qualité, il nous fallait quelqu'un qui puisse répondre à nos attentes au niveau son. On a rencontré Stéphane qui nous a fait savoir qu'il était intéressé par un groupe de notre registre car il voulait faire quelque chose de nouveau. Ça correspondait tout à fait à notre vision des choses donc on a dit "banco !" et avec le recul, on voit bien qu'on ne s'est pas trompé.
Pour parler de l'enregistrement en lui-même, je peux te dire que ça a été une sacrée expérience. Stéphane est vraiment quelqu'un de bien avec qui travailler et qui te met à l'aise. C'était la première fois, pour chacun de nous, qu'on allait dans un studio vraiment pro pour mettre sur bandes nos compositions et je ne te cache pas qu'on avait vraiment les boules à l'idée de tout ça. On connaissait parfaitement nos morceaux mais on voulait tellement bien faire qu'au moment de s'y mettre, on pensait tout foirer, et en fait non et ce, en partie, grâce à Stéphane.
Pour résumer, ça a été un challenge pour tout le monde, autant pour lui qui n'a pas l'habitude d'enregistrer ce genre de groupe, que pour nous.
M : malgré le fait que ce soit une expérience nouvelle pour tout le monde, ça s'est relativement bien passé. On avait beaucoup travaillé au préalable, notamment un travail collectif "au clic", ça nous a permis d'être assez à l'aise tout au long de l'enregistrement. pour ma part, à part quelques passage que Stéph m'a demandé de rejouer parfois vingt fois (je sais...), c'était super.
Una duna in mezzo all'oceano... euh... c'est vos influences italiennes ? Pourquoi ce titre un peu étrange ?
B : Alors ce titre, c'est une belle image pour décrire ce qu'on souhaite et pense être avec devianz. La dune, c'est nous et l'océan, tout le reste. Sans vouloir jouer les moralisateurs de bas étage, je pense que si tu veux vraiment t'en sortir dans la vie (je veux dire, en ayant une vie passionnante), il faut savoir se démarquer et aller à contre-courant. Le titre, en lui-même, comme je disais dans la première question, fait partie d'un tout qui caractérise le groupe, son univers et les personnalités de ses protagonistes. On a décidé de mettre ce titre en italien, car on voulait embellir une image déjà magnifique. Pour moi, cette langue est vraiment très agréable à l'écoute (et pourtant, je n'en parle pas un mot) donc c'est dans cette optique qu'on l'a utilisée. De plus, on s'est dit que c'était assez original d'appeler notre disque ainsi alors que quasiment tous les titres sont chantés en français.
M : et l'italien c'est pour emballer les groupies après les concerts. c'est dingue ce qu'on peut faire avec quatre mots de vocabulaire italien !
On peut lire un peu partout sur le web, "metal progressif", c'est une étiquette qui vous plaît ou qui vous correspond ça ?
B : Il faut que je t'explique d'où ça vient. Quand on a fait notre premier concert pour la fête de la musique l'été dernier, il a été diffusé comme information qu'on faisait du métal progressif sur les différents médias qui indiquaient la programmation, et depuis lors, c'est resté, sans que je ne sache vraiment pourquoi. Pour répondre à la question, cette étiquette ne nous plaît pas vraiment, car on n'est pas du tout un groupe de métal. Le côté progressif pourrait correspondre sur certains titres mais ça en reste là. Il faut dire aussi que la mention Stéphane Buriez a contribué à une certaine incompréhension de la part des auditeurs qui, de ce fait, ne savaient pas trop comment nous décrire, mais il faut savoir ouvrir ses oreilles aussi.
M : On peut dire à l'extrême rigueur "rock progressif" sur certains titres.
Moi, je vous ai mis en rock, vous en pensez quoi ? D'ailleurs c'est quoi vos influences ? Et vers quoi tendez-vous musicalement ?
B : Rock, c'est ce qui nous convient le plus. Rock au sens large, c'est très bien. Mais c'est toujours difficile quand on est musicien de décrire sa propre musique, on écoute tellement de choses, rock, métal, trip-hop, musique classique, jazz, bandes originales de film et j'en passe qu'on pourrait en un sens coller à tous ces styles à la fois. Mais pour résumer et éclairer les gens qui en ont besoin, on fait du rock. On n'a pas vraiment d'influences conscientes dans le sens où tout le monde dans ce groupe participe à la composition et que chaque membre écoute des trucs vraiment différents. De ce fait, on ne peut pas parler en terme de groupes influents mais plutôt de styles musicaux. Mais à côté de ça, rien que notre environnement, un film, un mot, une pensée, une émotion nous influence. Quelque chose de ridicule peut me donner envie d'écrire une chanson, on ne sait jamais à quoi s'attendre. Tout ça n'est qu'une question d'instinct. Musicalement, on ne tend vers rien de très précis, en ce moment, on sonne rock mais si à l'avenir, d'autres éléments viennent s'ajouter, on pourra nous coller dans un autre rayon, on s'en fout un peu en fait.
L'avenir pour devianz, c'est quoi ? Un label, une tournée en vue ? Un retour en studio ?
B : Dans un avenir proche, on espère tourner un maximum car, pour moi, un groupe prend toute sa dimension en live et, aux dires de certains, on ne se débrouille pas trop mal. Les émotions que tu peux faire transparaître sur scène peuvent être tellement différentes du disque que c'est ça qui est vraiment intéressant. On va bien sûr continuer à composer dans l'optique d'un deuxième album mais je pense qu'il ne faudra pas attendre celui-là avant un an et demi, voire plus. On a été rapides pour le premier car on avait déjà des idées avant le commencent du projet. Là, on ne part de rien et il faut évoluer donc on va travailler plus longuement et réfléchir plus intensément à notre musique. On ne peut pas se permettre de sortir un deuxième album qui sonne comme de la soupe, beaucoup trop de groupes le font déjà.
Pour les labels, on commence à avoir des contacts mais rien de signé pour l'instant donc on vous tiendra au courant quand on en saura un peu plus.
Vous avez fait un concert avec Sheeduz dernièrement, c'était comment ?
B : Effectivement, on a joué avec elles à la maroquinerie à Paris le 15 janvier dernier et tout ce que je peux te dire, c'est que ça a été une soirée mémorable. On était en tête d'affiche, il y avait pas mal de monde pour chacun des groupes et quand on est monté sur scène, l'accueil a été grandiose ! On est assez contents de nous quant à notre prestation, on était vraiment à l'aise. C'était la première fois qu'on travaillait avec un ingé son et un ingé lumière avec lesquels on avait préparé le show et ça a vraiment bien rendu. On commence à se former une équipe autour de nous, j'espère qu'on va pouvoir montrer ça le plus possible.
Comment est l'accueil du public ?
B : Aux dires des chroniques et des gens avec qui on discute en concert ou autre, l'accueil est globalement bon, voire très bon. On sent qu'un grand nombre de gens ont compris où on voulait en venir et ça, c'est vraiment appréciable. Maintenant, il y en a toujours qui pensent qu'on est un sous-ceci ou un sous-cela après avoir écouté la moitié d'un morceau. De même pour certaines chroniques, je pense que si certains avaient écouté le disque plus d'une fois, les avis auraient été différents. Mais dans ce monde où il y a de plus en plus de groupes, de plus en plus de disques à chroniquer, je ne peux pas en vouloir aux critiques de vouloir augmenter leur discothèque à l'oeil pour servir un avis non construit après avoir écouté un disque une seule et unique fois [NdP : certains aimeraient beaucoup recevoir moins de disques justement...]. Si on avait voulu que des bonnes chroniques, on aurait fait quelque chose de moins compliqué. Par contre, en concert, c'est à peu près unanime, on ne laisse personne indifférent, même des novices en la matière. Et quand on vient nous voir à la fin de notre prestation et qu'on nous dit que c'était tout simplement génial, notre ego en prend un sacré coup, ça fait du bien.
En septembre dernier, au Gambetta, votre concert s'est terminé un peu plus tôt que prévu, tu peux revenir sur les circonstances ?
G : ben euh. joker ! Non, je vais répondre, même si je vois déjà les regards inquisiteurs se pencher sur moi. On revenait d'une résidence de trois jours dans le Berry pour enchaîner directement sur le concert. On a donc passé ces trois jours à bosser comme des fous, à jouer différents sets, à se préparer physiquement et mentalement pour les futurs concerts. Sauf qu'on est sortis de là exténués, et surtout moi d'ailleurs. Je me suis pété la voix au bout du deuxième jour alors j'y allais mollo afin d'être au top pour la date. On a enchaîné avec une journée bien chargée, passée en grande partie sur la route, complètement crevés, pour finir par le concert. Et je crois que ça a été une grande leçon de conneries à ne pas faire. Je n'ai pas réussi à manger de la journée, le patron du lieu n'a pas été foutu de nous donner de quoi boire, bref, les conditions ont été misérables. Du coup, on a commencé à jouer et j'ai fait ce que j'ai pu pour assurer le plus longtemps possible sur scène, mais au bout de quarante minutes, je ne tenais plus sur mes jambes. Alors, au lieu de m'étaler sur le matos, j'ai préféré m'excuser auprès du public et arrêter là. On se donne à cent pour cent sur scène, on fait en sorte de ne pas relâcher la tension durant tout le set, comme si on jouait notre vie à ce moment-là. Et ça demande tellement d'énergie que mon corps n'a pas suivi. Ça a été super dur parce qu'on voulait faire un concert impeccable. Pour moi, ça a été une grande déception.
Votre bassiste est plutôt sage sur les morceaux, et puis là sur "Solstice du premier âge", à la fin du refrain il nous sort une ligne de basse hallucinante, l'inspiration du moment ?
Emmanuel : on peut dire ça comme ça.
Bon, soyons franc, la PRS et toi Benoît, c'est une histoire d'amour ?
B : Tu as vu juste. depuis que j'ai vu Daniel Johns de Silverchair sur le plateau de nulle part ailleurs quand j'avais seize ans, je suis tombé amoureux de l'esthétique de ces guitares. J'ai attendu quelques années et après avoir économisé mon argent de poche, j'ai pu m'en prendre une d'occasion. C'était une sorte de quête du Graal pour moi, j'étais un peu comme Wayne Campbell avec sa strat. Maintenant, c'est plus le son que j'aime dans ces guitares car il faut le dire, ces grattes sonnent du tonnerre.
Comment marche le travail de composition au sein du groupe ?
B : Ca varie d'un morceau à l'autre. certaines fois, quelqu'un arrive avec un morceau terminé, d'autres fois, on travaille sur quelques idées de base pour construire un tout. Mais tout le monde touche à tout et c'est le principal. Ça nous est aussi déjà arrivé, avec "El silencio es muerto" notamment, de partir de rien en début de répète et d'avoir un morceau totalement terminé en fin de séance. C'est dans ces moments que je pense qu'on s'est vraiment bien trouvés. Si quelqu'un doit quitter devianz, je pense que le groupe n'y survivra pas.
Le mot de la fin ?
B : Ouvrez vos oreilles !
G : Let there be rock !
M : Je quitte devianz (rires) !
Merci aux Devianz !