deus_in_a_bar_under_the_sea.jpg Avant d'appréhender un disque de dEUS, il est plus que nécessaire de s'intéresser au mouvement du line- up qui a entouré l'indéboulonable et génial Tom Barman. Exit donc Rudy Trouvé (auteur de la pochette), welcome le guitariste écossais Craig Ward. Exit également les murs de distorsion pour un son d'ensemble plus aéré et épuré où les guitares et justement les distorsions sont utilisées avec beaucoup plus de parcimonie, d'ingéniosité et de variété dans leurs interventions. Le son de dEUS a évolué. L'EP My sister = my clock avait été un sacré avertissement sur la trajectoire qu'allait prendre le groupe anversois sur l'album à venir : celle de l'expérimentation et la fuite des normes établies. In a bar, under the sea est une invitation au voyage, un de ceux duquel on ne ressort pas totalement indemne. Un voyage à travers les contrées mais également à travers les époques. Bienveillant avec les repères de son auditeur, dEUS n'hésite pas à laisser quelques indices jalonnant ici et là l'album, à l'instar d'une voix-off signalant chaque escales lors d'un trip en locomotive à vapeur : l'intro de l'opus "I don't mind what ever happens" évoque le blues noir et nous immerge dans l'ambiance des rives du Mississipi, "Theme from turnpike" dont certains samples semblent inspirés par l'oeuvre d'Ennio Morricone et les percussions amérindiennes hypnotiques sentent bon la pluie invoquée par la danse rituelle et le Far-West. Certaines sonorités de "Serpentine" pourraient illustrer un reportage sur les quartiers de China Town tandis que la trompette et le piano langoureux de "Nine threads" nous ramènent à la belle époque des bars de jazz enfumés de la Nouvelle-orléans. Enfin, "Wake me up before I sleep" et sa guitar slide "hawaiisante" nous laissent à penser que la plage d'Honolulu n'est pas si lointaine que ça. En cela, le groupe semble célébrer les différentes facettes et la diversité des cultures de ce melting-pot que sont les Etats-Unis. Diversité dans les ambiances donc, mais diversité également de par les styles abordés par le groupe : In a bar under the sea est un album caméléon qui flirte tour à tour avec le blues, la pop, le jazz, le rock, le punk. dEUS ne se prive pas pour développer également un goût très prononcé pour une musique aux orientations progressives (cinq morceaux au dessus de la barre des 5 minutes). Le mot "compromis" n'existe pas dans le vocabulaire de Tom Barman et de sa bande, ils font ce qui leur chante et c'est tant mieux pour nous parce ça fonctionne à merveille. Dès lors, difficile de ne pas penser à un savant mélange de tout un tas de groupes ou de personnalités qui ont marqué le petit-monde de la musique rock : David Bowie pour le coté caméléon insatiable de découvertes, Frank Zappa pour cette addiction aux prises de risques et la "je fais ce que je veux de ma musique" attitude, le Velvet Underground pour cette propension à produire des morceaux de pop classieuse où l'électricité reste toujours présente. Jamais indigeste (quinze titres s'étalent pourtant sur une heure de musique), souvent passionnant, ce In a bar under the sea se savoure avec une délectation croissante. Grâce à sa richesse, l'excitation et la curiosité de l'auditeur semblent vouées à un éternel renouvellement. En 2005 est sorti Pocket revolution mais rétrospectivement, c'est réellement sur ce In a bar, under the sea sorti en 1996 que dEUS a entamé sa petite révolution. Elégant et brillant, racé et inspiré : pas très loin du chef d'oeuvre.