Tom Barman (dEUS) à l'Elysée Montmartre, mars 2023 Tom Barman (dEUS) à l'Elysée Montmartre, mars 2023 Arrivés tôt avec JC, notre photographe, pour récupérer nos pass/accréd' à l'entrée de la salle, le commis au guichet des invits (un type d'Alias, l'organisateur de la soirée) m'indique que notre média n'a qu'un seul pass photo, rien d'autre. Les coups de fils et les messages au label et à l'équipe de dEUS n'ont rien donné jusqu'à ce que, une demi-heure après, au moment même où Meltheads attaque ses premières notes, un brave monsieur surgisse et vienne régler cette déconvenue en m'expliquant qu'il s'agissait probablement d'une erreur de communication avec le label au moment de lister les invités.

Le soulagement et la tension passés, je file rapidement devant la prestation des Anversois de Meltheads, un quatuor alliant garage-punk et post-punk qui a de l'énergie à revendre. On ne les connaissait pas du tout, mais on retiendra d'eux leur rage juvénile qui nous rappelle l'ardeur de notre vingtaine, ou celle des Stooges, pour parler musique. Leur chanteur aux cheveux ébouriffés tiendra son rang de frontman/showman avec brio (le gars a trouvé le temps de chanter sur un titre dans un vieux téléphone) durant la trentaine de minutes qu'ils auront eu pour chauffer une salle qui se remplit de plus en plus vite au fur et à mesure que les chansons défilent. Au sujet de ces dernières, celles qui ont un penchant plutôt "punk" tels que "I wanna be a girl" ou "Vegan leather boots" ont su retenir davantage notre attention. Découverte agréable, très loin de l'univers de dEUS, mais c'est dans ce genre de soirée qu'on tombe régulièrement sur des premières parties intéressantes à voir jouer avec une belle énergie communicative et qu'on recroise plus tard sur d'autres dates ou en festival. Je retrouve JC au fond de la salle qui, tout en validant le show, est en train de faire son pré-éditing des photos fraîchement prises. Il a, comme moi j'imagine, déjà la tête au show qui va suivre.

Acclamée et entourée d'un décor sobre et lumineux, la bande de Tom Barman débarque sur les planches de l'Élysée Montmartre pour interpréter le titre éponyme et introductif de leur nouveau bébé. Stefan (le batteur) débute le morceau aux timbales/toms tandis qu'Alan (le bassiste) prend place sur la batterie pour enrichir la section rythmique de ce morceau un peu épique tout en crescendo dans lequel chacun des membres, s'installant progressivement, appuie en chœur le chant de Tom. Le show est bel et bien commencé. S'enchaîne alors "Must have been new", le tube pop issu du dernier album, prenant une ampleur intéressante et massive sur scène, même s'il faut noter que le groupe ajuste ses morceaux en fonction des éléments non jouables en live (tels que des chœurs féminins remplacés par les musiciens ou divers sons et orchestrations samplés et déclenchés par des pads frappés à la baguette de batterie par Tom, Klaas et Stefan). Le son n'est pas du tout décevant ce soir, peu fort et supportable, il permet même de déceler aisément les petits défauts des musiciens grâce à un mix parfaitement maîtrisé par l'équipe technique du groupe. Deux titres plus tard, qui ne marqueront pas vraiment les esprits mais auront le mérite de permettre d'équilibrer cette set-list en termes d'albums (il y avait pourtant des morceaux bien meilleurs de Keep you close et Following sea à faire valoir sur scène), le groupe poursuit son spectacle avec le hit "The architect" issu de Vantage point. Le public est réactif au jeu des voix qui se répondent dans cette œuvre très chaloupée et qui fait toujours son petit effet dans le show des Belges. Un petit détour sur le dernier album avec la pesante "Man of the house" pour redonner de la chaleur rock à l'ensemble, puis dEUS déclame les textes de "W.C.S. (First draft)" et part dans une superbe et énergique interprétation de ce vieux titre datant de 1994, qu'il n'avait d'ailleurs pas été joué depuis très longtemps. C'est un vrai bonheur de profiter de ça, surtout que ce ne sera pas le seul. How to replace it est à l'honneur ce soir (8 morceaux sur 18), si bien que la formation fait succéder la sensualité de "1989", avec Stefan en soutien vocal en lieu et place de Lies Lorquet, la faussement détendue "Pirates" et la dispensable "Faux bamboo" qui permet à Tom de déclarer au public l'admiration qu'il porte à Stefan dans son rôle de batteur/chanteur.

Meltheads ouvre pour dEUS à l'Elysée Montmartre Meltheads ouvre pour dEUS à l'Elysée Montmartre En tout honnêteté, la sur-représentation du dernier album atteint à ce moment-là ses limites, la succession de ces trois titres sont clairement le ventre mou du spectacle. Nos cœurs de rockeurs désirent un peu plus de folie, et tout tombe à point nommé puisque le leader de dEUS annonce avec humour qu'ils vont interpréter un morceau qu'ils joueront probablement jusqu'à 64 ans. Ce dernier est le plus connu du groupe : "Instant street". Inévitable, et pourtant toujours aussi jouissif, ce titre fleuve nous laisse une belle chair de poule, notamment grâce à son final d'anthologie. Pas le temps de nous remettre de nos émotions, que "Fell off the floor, man" enchaîne, un sacré beau cadeau aux plus vieux fans du groupe. Cette version 2023 est, de plus, une vraie réussite. À ce moment précis, le côté le plus fougueux des Belges s'exprime et relance l'élan de ce spectacle qui continue avec l'un des meilleurs morceaux de son dernier disque, le percutant "Simple pleasures". On s'approche petit à petit de la fin du show, "Quatre mains" et "Sun Ra", deux chansons de bonne facture, à la fois mystérieuses et haletantes (dont l'une est en français), viennent boucler le set. Le groupe quitte la scène sous les applaudissements puis revient pour un rappel varié, d'abord avec l'éternelle et toujours marquante "Roses", qui éclaire par sa puissance émotionnelle, puis par le slow passionné de "Love breaks down", et enfin avec "Bad timing" qui vient boucler la boucle. Ce morceau qui inaugure Pocket revolution présente des similitudes avec "How to replace it" en ce sens qu'il est progressif et intense. dEUS présente alors quelques signes de fatigue, le chant n'est pas toujours juste et le sustain de la guitare de Mauro semble carrément déconner, c'est sûrement le signe qu'il est grand temps de mettre un terme à ce concert. Ce n'est pas ces quelques défauts futiles qui ont déprécié la qualité de cette prestation d'1h40 des Anversois ce soir. Au contraire, les Belges semblent même se bonifier sur scène avec le temps.