Derya Yildirim & Grup Şimşek Petit retour en arrière. Début 2020, comme je le fais très souvent avec les festivals qui m'attirent, j'exécute un travail de repérage et d'écoutes des artistes présents à l'affiche de La Villette Sonique afin de préparer au mieux mon "planning de visite" (avant de constater avec désarroi un peu plus tard l'annulation de cette édition). Comme à l'accoutumée, pas mal de formations me sont déjà familières mais certaines m'ont échappées dont Derya Yildirim & Grup Şimşek. J'avais un bon pressentiment sur ce nom étrange d'origine turque car je me doutais que derrière tout ça se cacherait très probablement une création à base de sons orientaux accompagnés d'un petit je-ne-sais-quoi. Au bout de quelques secondes d'écoutes de leur premier disque Kar yagar, ce petit je-ne-sais-quoi se livrait naturellement à mes oreilles : le psychédélisme sous différents formats (rock, pop, funk, folk...). Comme si les Doors étaient turcs (le nom de la référence est interchangeable en fonction du titre joué) ! J'étais davantage frustré de ne pas pouvoir découvrir cette formation berlinoise menée par la chanteuse et joueuse de bağlama (luth turc) Derya Yıldırım, accompagnée de musiciens européens, dont un français, tous liés au label stéphano-londonien Catapulte Records (Guess What, L'Orchestre du Montplaisant, Phat Dat).

La bande a sorti l'année dernière son deuxième album, le premier volet d'un diptyque appelé Dost ("ami" en turc), le suivant étant attendu prochainement car le groupe est sorti du studio en décembre dernier. Dost 1 continue sur la lancée de Kar yagar, en tout cas dans les grandes lignes puisque Derya Yildirim & Grup Şimşek continue son exploration psyché-pop à la fois dans des reprises de chansons folkloriques traditionnelles anatolienne ("Hop cerkez", "Deniz dalgasız olmaz") mais également à travers des morceaux originaux tous plus aboutis les uns que les autres. Au menu de ce Dost 1 : "The trip", morceau inaugural instrumental, dévoile un univers psychédélique inspiré des BO de films turcs classiques des années 70 ; "Haydar haydar" est une ballade soyeuse dont les textes sont issus d'un poème alévi d'Anatolie traitant de philosophie et de spiritualité ; "Deniz dalgasız olmaz", quant à elle, est une chanson joviale et dansante qui se trouve être une version personnalisée par Derya d'une chanson folklorique traditionnelle mettant en valeur la beauté du saz ; sur la sensible "Hastane önü", Derya évoque avec passion la maladie d'après un poème autobiographique de sa tante ; "Hop cerkez", chanson folklorique anatolienne d'Ankara, est dépaysante notamment avec son solo final d'orgue et de flute et invite inévitablement au voyage ; enfin "Sunrise" conclue le disque de manière cosmique en laissant notamment s'exprimer un clavier aux sons mystérieux.

Vous l'aurez compris, Dost 1 est une œuvre riche et unique, et sa réussite n'est pas le seul fait de son écriture ou bien de ses instruments. En effet, la somptueuse et vibrante voix de Derya est un marqueur fort de la personnalité de cette formation, si bien que quand vous aurez découvert Derya Yildirim & Grup Şimşek et cette façon astucieuse de se réapproprier le passé, nul doute que vous constaterez in fine qu'il n'existe pas deux groupes comme ça.