Del Rey - Immemorial Il y a des villes comme ça, où il se passe toujours quelque chose dans une sphère musicale donnée. C'est curieux, mais sans doute qu'une saine émulation doit être la source de cet état de fait. La preuve avec, Chicago, qui abrite en matière de post-metal sans doute ce qu'il se fait de mieux depuis quinze ans, à savoir Pelican, Russian Circles... et Del Rey. Moins connus que leurs illustres "compatriotes", ces américains pratiquent un mélange dense et volcanique de post-rock et de metal instrumental à haute intensité émotionnelle cher au label Golden Antenna Records qui s'est fait depuis quelques années une spécialité de mettre en lumière les plus talentueux représentants du genre (on pense notamment ici à Daturah, From Monument to Masses ou Kerretta), et qui sort aujourd'hui leur quatrième abum sur le vieux continent.
Avec Immemorial, s'il n'invente rien dans l'absolu, respectant à la virgule près les codes d'un genre hyper balisé, Del Rey propose une série de compositions aux vibrations instrumentales affirmées et aux constructions amples, parfaitement sculptées entre rock et post-metal sensoriel, des morceaux où les membres du groupe communient entre eux pour parfaire leur art et parvenir à proposer un alliage sonore des plus ciselés ("Return of the son of fog rider", "E pluribus unicorn"). Science rythmique et mécanique de haute précision, arrangements subtils au service d'une architecture musicale en évolution perpétuelle et mélodies aux résonances pop, l'album est le fruit d'un savant distillat de tous ces éléments et d'un vrai talent d'écriture ("Innumeracy", "Ancestral") un peu à la manière d'un Red Sparowes, le minimalisme en plus, l'intensité en moins. Pour l'instant tout du moins.
Car peu à peu, au fur et à mesure que le groupe déroule la bobine d'Immemorial, sa musique gagne en saveur, notamment sur le long mais envoûtant "Silent weapons for quiet wars", petite merveille post-rock évanescente et satinée aux poussées de fièvre rock ; ou "These children that come at you with knives" sur lequel le groupe utilise des instruments peu communs (des tambours japonais en fait) pour insuffler un soupçon d'exotisme à un ensemble qui aurait pu se révéler trop classieux et finalement ennuyeux. Il le fait également sur le très court "Ouisch" sans parvenir à réellement capter l'attention cette fois, mais pour le reste, Del Rey livre ici un album sans la moindre faute de goût sinon celle de manquer d'un soupçon de mise en danger.