Pour certains groupes américains, obtenir une interview est assez complexe, il faut passer par le chargé de promo en France qui transfère (ou pas) au chargé de promo américain qui transfère (ou pas) au manager qui transfert (ou pas) au groupe. Avec Death Valley High, c'était plus simple puisqu'on est directement entré en contact avec son chanteur Reyka Osburn, ultra sympa et ultra dispo.
Au départ tu étais avec Eric Stenman dans Tinfed, groupe plutôt pop/rock électro, comment se retrouve t-on à mettre en place Death Valley High avec des membres de Will Haven ?
Je suis un hyperactif et je sentais que Tinfed prenait une direction à laquelle je n'avais pas pensé. Je voulais retourner aux origines, avec quelque chose de plus noisy, de plus abrasif alors on a mis fin à Tinfed et j'ai cherché à me réinventer en fondant Death Valley High. A cette époque, je bossais aussi avec les gars de Will Haven sur un autre groupe appelé Ghostride. J'ai passé un accord avec Jeff Irwin le guitariste et Mitch Wheeler le batteur : Que je chante dans Ghostride mais qu'ils m'aident à finir l'album de Death Valley High. J'ai appelé Eric Stenman pour qu'il me file un coup de main à la production et écrire quelques lignes de basse.
Eric Stenman, Ulrich wild et Alex Newport sont comme des membres "invisibles" du groupe vu leur travail en production. Comment faire les bons choix ?
Je suis content que tu penses que ce sont de bons choix. J'ai travaillé avec Eric depuis si longtemps qu'aujourd'hui, quand on discute musique, on a une sorte de perception extrasensorielle, on a une vraie connexion sonique. Pour Alex, j'adorais ce qu'il a fait avec Theory of Ruin, on s'est rencontré après un concert et depuis on s'entend super bien. Je voulais avoir le son le plus brut possible et il a prouvé qu'il était l'homme idéal pour cet objectif, c'est brut et lourd.
C'était différent avec Ulrich Wild pour CVLT[AS FVK] ?
Pour Ulrich, on était confronté à une deadline pour enregistrer nos nouveaux titres et il est passé pour demander où on en était. Comme si les planètes s'alignaient, c'était le timing parfait. On a bu un verre ensemble et en discutant d'Astro-Creep: 2000 de White Zombie, j'ai su qu'il allait parfaitement comprendre le son et la direction qu'on voulait prendre pour ces nouvelles chansons.
Vous êtes chez Minus Head Records depuis 2010, 7 ans sur le même label, c'est plutôt long de nos jours, quel est le secret ?
On est très chanceux d'avoir un label qui nous soutient autant que Minus Head Records depuis autant d'années. Brad Hardie, le créateur et responsable du label bosse pour nous comme s'il était membre du groupe. De nombreuses manières, il a une place dans le groupe comme une entité non musicienne. C'est lui qui nous arbitre quand on n'est pas d'accord.
CVLT[FVK] est plus homogène, compact et massif... comment s'est déroulé le processus créatif ?
On est entré en studio avec l'intention d'éliminer les excès. C'est cool de mettre tout ce que tu aimes mais ça demande beaucoup de discipline pour savoir quand tu vas trop loin. On voulait être sûr que le pendule n'aille pas trop se balancer d'un côté ou de l'autre. On a aussi viré quelques titres qui étaient soit trop bordéliques soit pouvaient sembler pas terminés. Il y a de grandes chances que ces morceaux refassent surface sur le prochain album.
Quelles sont vos principales sources d'inspiration ?
Tous les jours, il y a des histoires horribles à écrire à partir de la réalité. Cette gueule de bois permanente peut amener des émotions qui vont de la colère au néant. J'aime l'idée qu'on peut voir les choses de deux façons différentes : les accepter à contrecœur ou les déformer avec de l'ironie. J'aime penser qu'on offre les deux visions de ces cauchemars à travers notre musique et nos textes. A la fois le calme et le chaos.
DVH est influencé par des courants musicaux aussi divers que variés mais pas que, le cinéma semble être une source d'inspiration, quels films t'on inspiré ?
Tu peux faire un lien depuis "Zombie" pour la musique jusqu'à "Battle Royale" pour l'énergie, mais aussi "Uzumaki", la série des "Mad Max" ou récemment "Neon Demon" pour l'inspiration visuelle.
Vivre à San Francisco, une ville très ouverte et multi-culturelle ça doit jouer également ?
J'ai été attiré par San Francisco en grande partie par son esthétique et sa façade assez bohème. Son revers poussiéreux, c'est le cadeau surprise parce que malheureusement San Francisco ce n'est plus vraiment ça. La culture a été largement influencé par le marché des hautes technologies et l'industrie, réduisant la créativité à un seul scénario : "deviens riche vite". Je pense que la ville a perdu une partie de son tranchant et de son sens de l'humour. Si tu réponds "rejoindre un culte satanique" à la question "que feras-tu dans 5 ans", tu n'obtiendras pas même un sourire et encore moins du boulot...
En observant l'artwork de vos albums, trois d'entre eux représentent un double ou des jumeaux... il y a un message caché ?
Le nom du groupe est un dérivé d'une série de bouquins d'ados intitulé "Sweet Valley High" qui traite des problèmes d'identité des soeurs jumelles. Elles se ressemblent mais sous leur peau, elles sont fondamentalement différentes. Ça nous décrit assez bien autant dans notre son que nos visuels, une sorte de personnalité partagée, un côté provocateur et ironique mais un autre attentionné et réfléchi.
The similarities of the loveless and the undead et Positive euth sont plus versatiles et montrent davantage votre ouverture musicale que Doom, in full bloom plus rock/métal et CVLT[AS FVK] plus métal/industriel, était-ce une orientation voulue ou simplement le résultat de l'alchimie du moment ?
Similarities a été écrit sur une longue période et on y trouve de nombreuses influences apportées individuellement par chaque titre. Pour CVLT [AS FVK], c'est une décision délibéré d'intégrer certaines influences particulières dans chaques titres. C'est une progression régulière, pas forcément une ambition folle mais un objectif qu'on espère atteindre. On y est presque...
En gardant votre rythme, le prochain album devrait sortir en 2019, tu bosses déjà dessus ? Tu as des idées de collaborations ?
Ouais, je suis en train d'écrire l'album suivant parce qu'on ne veut pas attendre trop longtemps après CVLT [AS FVK]. On espère le sortir en 2018. Avec un peu de chance, on sera encore meilleur et on pourra enchaîner d'autres albums. Dans l'immédiat, il n'y aucune collaboration de prévue mais pourquoi pas...
Il y a deux ans il était question d'un EP Duel avec notamment Chino Moreno des Deftones, Chris Connelly des Revolting Cocks et Mark Osegueda de Death Angel, c'est tombé à l'eau !?
En fait, c'est toujours d'actualité... On n'a jamais pensé que ce serait aussi difficile à sortir une fois que nos potes avaient donné leur feu vert. On a les prises de Chris, on a aussi celles de Hanin Elias d'Atari Teenage Riot et de Rykarda Parasol. Chino doit encore enregistrer ses parties, je le relance tout le temps. On a dû lâcher l'affaire pour Mark qui est trop occupé avec Metal Allegiance et par un nouvel opus de Death Angel. On avait pensé ajouter Dennis de Refused pour un titre mais finalement, ça ne se fera pas, il est trop pris avec INVSN.
Quand Will Haven est en studio, Death Valley High est en pause ?
On est désormais deux entités complètement séparés. Pour autant, je suis toujours très friand d'écouter ce que fait WHVN et ils soutiennent toujours DVH.
Une question un peu plus personnelle, qu'en est-il de Ghostride? Il était question d'un nouvel album en 2010...
Ça va, ça vient... Il y a eu un peu de remous entre nous. Honnêtement, depuis Cobra sunrise,on ne s'entend pas trop sur la direction de Ghostride. Cayle qui joue désormais avec Armed For Apocalypse et moi avons travaillé sur des titres dans le style de Ghostride, presque une "version2.0". Peut-être qu'on les présentera aux autres et qu'ils remonteront à bord, on verra bien.
Tu te rappelles du moment où tu as su que Trump était élu ? Tu étais en France, non ?
Je dirais que le réveil fut difficile mais on était "au courant" (en français), on savait que ça arriverait. On était avec Killing Joke à Utrecht et quand on a quitté la salle du Tivoli, je suis resté collé aux infos. Le tourbus roulait vers Paris et des potes aux Etats-Unis envoyaient des emails, des sms. Je n'ai pas dormi de la nuit et vers 5h du mat', quelque part après la frontière française, on était dans une station service, on se tenait devant un immense écran de télé et on regardait les résultats avec d'autres personnes... Quand on a discuté entre nous, les gens ont compris qu'on était américains... J'ai pu sentir le poids de leurs regards attristés, il y a un silence de mort quand l'annonce officielle a été donnée. On a reçu beaucoup d'aide morale ce soir-là à Paris, l'accueil a été exceptionnel, le concert fut un moment de catharsis pour nous comme pour le public. "Merci !" (encore en français.)
Sans langue de bois, que penses-tu de la France ?
Je ne comprends pas pourquoi il devrait y avoir des problèmes entre les pays. Les gens sont des gens. Parfois ils sont biens, parfois il ne le sont pas. Laissons les mauvais se complaire dans leur misère ! Excuse moi pour le jeu de mot mais "Oui love France !". Je pense que vivre à San Francisco accentue le fait qu'on soit comme connectés avec la France.
Dernière question, DVH est assez actif sur les réseaux sociaux, c'est une obligation pour un groupe ?
En ce moment, je trouve qu'on est plutôt inactifs... Pas que je veuille changer ton jugement là-dessus, mais on ne fait pas grand chose en comparaison d'autres groupes, on est presque inexistant par rapport à certains. On ressent le besoin de partager davantage sur les réseaux sociaux parce qu'il est tellement facile de passer inaperçu ou de tomber dans l'oubli. On est sur un fil du rasoir, soit tu passes dans la lumières, soit tu glisses dans l'ombre...
Merci Reyka et merci Pooly & Oli pour les traductions.
Photo : Paul Harries
Publié dans le Mag #29