Death Cab For Cutie - Asphalt meadows Si j'ai bien un point commun musical avec le dernier de mes petits frères, c'est Death Cab For Cutie. C'est un fan invétéré de la bande de Ben Gibbard, beaucoup plus que moi en réalité. C'est d'ailleurs lui qui a rédigé la seule chronique des américains présente sur nos pages, avant celle-ci bien entendu, et qui m'a accompagné sur le live report du Bataclan en juin 2015. Depuis le départ en 2014 de son co-fondateur, Chris Walla, Death Cab For Cutie n'a pas réduit sa cadence en matière d'album, la formation délivre en moyenne un album tous les 3-4 ans, et a même ces dernières années gâté son public de 2 EPs (The blue EP et The Georgia EP comportant des reprises insoupçonnées et dont la recette était destinée à une ONG œuvrant pour le vote et la démocratie) suivi d'une très belle reprise de "Waiting for the sunrise" de Yoko Ono. En mai de l'année dernière, le groupe annonçait l'arrivée de son dixième album en lâchant par la même occasion son tube entêtant : "Roman candles". Deux nouveaux singles, "Here to forever" et "Foxglove through the clearcut", ont suivi pendant l'été pour aboutir en septembre à la sortie d'Asphalt meadows.

Composé à distance pendant l'épidémie de COVID-19, en utilisant l'outil Dropbox pour échanger les dossiers (comme le fait également l'équipe du W-Fenec), ce nouvel album contient 11 titres des 90 pistes plus ou moins achevées lors de ces sessions de travail un peu particulières organisées par Ben Gibbard. En effet, chaque lundi, un membre envoyait une idée de chanson à un musicien, qui avait un jour pour la faire évoluer en toute liberté, qui lui-même la renvoyait à son tour au troisième pour un jour, et ainsi de suite jusqu'à ce que la chanson soit finie le vendredi. Une manière d'éviter la redite et de sortir de sa zone de confort ? Oui, il y a un tout petit peu de ça, même si le son très lissé et propre de Death Cab For Cutie reste largement familier à nos oreilles. Notez au passage que c'est John Congleton (Alvvays, Explosions In The Sky, Chelsea Wolfe) qui s'est chargé de la production de ce disque. On sent bien en effet que le groupe a tenté de trouver d'autres angles d'écritures comme ce "Foxglove through the clearcut" doucereux, spatial et parlé/chanté, ou bien l'introductive "I don't know how I survive" qui joue sur le pondéré/agité. Mais la majorité des titres ne s'égare pas trop de ce à quoi les Américains nous ont habitués depuis le départ de Chris Walla.

Il faut être réaliste, depuis Codes and keys, Death Cab For Cutie n'écrit plus d'albums exceptionnels, sous-entendu des albums marquant sa discographie. Cela ne veut pour autant pas dire qu'ils sont mauvais, bien au contraire. L'écriture de la formation évolue, de nouveaux membres sont arrivés (Dave Depper à la guitare et Zac Rae aux claviers), et ça change les perspectives aussi. Asphalt meadows contient de beaux bijoux aux refrains puissants comme "Roman candles", "Here to forever", "I don't know how I survive" ou "I miss strangers", mais également des ballades magiques tels que "Rand Mc Nally" et "Wheat like waves" qui nous rappellent ce pourquoi on aime encore tant Death Cab For Cutie. Évidemment, certains morceaux ont moins nos faveurs, et sont peut-être dispensables à l'ensemble ("Pepper", "Fragments from the decade") mais ce disque ne manque pas de brillantes intentions à l'instar de ce final ("I'll never give up on you") aux sonorités disparates balancées par une lourdeur rythmique. Quoi qu'il en soit, Death Cab For Cutie fait du Death Cab For Cutie, et confirme son rang de maître en l'art de la pop-song mélancolique.