La sortie de Koda, le troisième album des Dätcha Mandala, en avril dernier nous a donné l'occasion de discuter un peu avec ce trio bordelais qui sait honorer le rock et toutes ses variations.
Comment s'est passé le processus de création pour Koda ?
JB : Comme à chaque fois finalement, les idées s'amoncellent et lorsque plusieurs riffs, mélodies et ou carrément des morceaux entiers semblent être cohérents ensemble, on décide de les rassembler sur un même album. On passe donc du temps à faire des démos dans le home studio pour travailler, arriver à écrire 10-12 morceaux qui nous plaisent à tous les 3 pour décider qu'il est temps d'aller en studio.
Comment s'est faite la collaboration avec Charles de Schutter (studio ICP et Rec'n'Roll à Bruxelles) pour l'enregistrement et le mix et Jett Galindo (Bakery studio à Los Angeles) pour le mastering ?
JB : C'est le régisseur de la salle de concert le Krakatoa, Marco, qui a conseillé à Jérémy (guitariste du groupe) d'aller écouter le dernier No One Is Innocent, car il trouvait le son super. C'est en se penchant sur les crédits qu'on a vu qu'il avait été produit par Charles de Schutter et après plusieurs investigations sur son travail, on s'est dit qu'on aimerait bien enregistrer avec lui ce troisième album. On lui a donc tout simplement envoyé un mail, auquel il a répondu positivement, et les dés étaient jetés. C'est ensuite lui qui nous a aiguillés vers Jett Galindo, donc nous avons tout simplement suivi ses conseils, et on est très contents du résultat.
Dans chacun de vos albums, vous aimez traverser toutes les époques et variations du rock. Pour Koda, on sent que vous avez voulu explorer le côté plus heavy, presque metal ?
JB : Oui, mais c'est rarement une volonté conscientisée. Disons que les morceaux de Koda ont sonné naturellement plus heavy, avec des thèmes assez sombres ou graves dans les textes, notamment parce qu'il a été écrit en majorité durant les confinements. C'est d'ailleurs pour cela qu'on a eu envie d'avoir une production résolument plus moderne, pour coller à cet univers plus lourd, et en même temps avec des mélodies plus pop que d'habitude.
"Julietta", en revanche, est un beau retour aux ballades 70's, et vient à contretemps du reste de Koda. Vous souhaitez toujours alterner les ambiances ?
JB : C'est vrai qu'on aime bien passer du pianissimo au forte, les contrastes donnent du relief aux choses. Et c'est aussi un moyen de faire une pause dans l'écoute entre toutes ces grosses guitares, la batterie puissante, etc.. Ça permet de prendre un break et rend l'écoute plus agréable. C'est important pour nous de ne pas se contenter d'écrire 10 fois le même morceau, c'est pour ça que nos albums ont souvent une large palette sonore, on aime à la fois Jeff Buckley et Gojira, ça rend le tri des idées difficile parfois, mais on finit toujours par tomber d'accord.
Le morceau 100 % batterie "Syndrome of laborious optimism", au milieu de l'album, c'est venu comment ?
JB : L'idée de base était de finir le morceau qui le précède dans l'album, "Om namah shivaya", par ce solo de batterie. Jérémy et Nicolas m'ont poussé à en écrire un, car c'est quelque chose que l'on n'entend plus dans les albums, à part dans le dernier Tool, qui a d'ailleurs inspiré l'idée. Et puis, au moment du mixage, on trouvait que ça rallongeait "Om namah shivaya" de façon conséquente, et on a préféré le séparer afin qu'il ait sa piste à lui tout seul. Et pour le nom, il nous fallait un acronyme de "Solo", d'où ce nom, car on rigole souvent de mon optimisme laborieux.
Pour l'écriture, quels sont les thèmes qui vous inspirent ?
Nico : La liste est longue, mais globalement la réponse pourrait se résumer à : la vie et toutes les expériences et réflexions que celle-ci nous fait avoir à son sujet. La vie, l'amour, la mort, notre place d'être spirituel dans cette expérience terrestre et humaine, la présence croissante du numérique dans nos vies concrètes, les algorithmes qui dictent de plus en plus nos vies... et la magie de l'existence en elle-même !
Il y a des groupes qui vous ont influencé pour la création de cet album ?
Jeremy : Ghost , Royal Blood, The Black Keys...
Nico : Je rajouterais volontiers Sting, Muse et Gojira !
Justement comme chacun de vos albums nous fait voyager dans la grande histoire du rock, quels albums, selon vous, sont incontournables dans l'anthologie du rock'n'roll ?
Jeremy : Are you experienced de Jimi Hendrix, Nevermind de Nirvana, Song for the deaf des Queens Of The Stone Age...
JB : Vaste question ! Pour ma part, je citerais Back in black d'AC/DC, Led Zeppelin II, mais bon, on peut continuer cette liste sans fin. Sur Google, cherchez top albums rock, tout le monde tombera d'accord sur celle-ci, à peu de chose près.
Hormis le sympathique clip animé pour "Mojoy" (EP Anâhata en 2016), vos clips sont plutôt limités à une capture du groupe. C'est par manque de temps, de moyen ou d'envie ?
Jérémy : C'est un peu tout ça en même temps. Aussi, nous n'avons jamais réussi à collaborer avec un réalisateur qui arriverait avec une idée de scénario convaincante. On attend toujours l'idée qui sera mieux que celle de nous voir jouer !
Nico : Et tout ça, c'est sans parler du clip de "Stick it out" qui ouvre notre précédent album où il y a tout de même une personne habillée en full cuir et tenue en laisse, par un homme en costard et qui lui fait faire des choses ... discutables ! On en parle moins souvent que le clip animé, mais c'est un de mes clips préférés personnellement et qui sort un peu de juste nous qui jouons pour le coup.
Dätcha Mandala
Parlons de l'artwork de l'album qui me fait penser aux dessins de Moebius ou Druillet, ce sont des auteurs que vous appréciez ?
Nico : Whouah, excellentes comme références ! En effet, ça nous parle et je pense que ça doit aussi beaucoup parler à notre graphiste avec qui on a la chance de travailler depuis 10 ans maintenant ! Il se nomme Markel Urrutia, mais plus connu sous son nom d'artiste "Smoke signal Studio" ! Cette fois ci on a voulu le sortir un petit peu de sa zone de confort, une iconographie très typée 70's "psyché", et de l'amener vers une esthétique plus moderne, presque "2001 l'odyssée de l'espace".
Vous avez un paquet de concerts à votre actif, avec notamment un passage au Stade De France en 2017 et au Hellfest en 2022, et entre ces deux derniers, lequel vous avez préféré ?
Jérémy : Le Stade de France pour moi. Le fait que Les Insus nous aient choisi rajoute une certaine fierté, le tout dans un cadre vraiment exceptionnel !
JB : Pareil que Jeremy, le Stade de France reste quand même un concert hors du temps dans des circonstances improbables, tout s'est bien enchaîné, de la rencontre avec Les Insus à ce concert, ça n'arrive qu'une fois !
Nico : S'il fallait choisir entre les deux, évidement ce serait le même que les copains ... mais sinon je dirais le prochain Stade de France à la tombée de la nuit cette fois et en deuxième partie, quitte à rêver grand !
Comme il faut venir vous voir en concert, comment va se dérouler la tournée ? Vous tournez dans quels pays ?
Jérémy : Elle va s'étaler sur toute l'année 2024, principalement en France mais il y aura en effet quelques pays européens : Allemagne, Suède, Danemark ... Vous pouvez trouver toutes nos dates de la tournée sur notre site.
Et sinon, Bordeaux est toujours une ville rock'n'roll ?
Jérémy : Il y a des groupes de rock à Bordeaux. Beaucoup restent underground et dans des styles précis, garage, post-rock, shoegaze, metal... peu arrivent à s'exporter ailleurs. Il y a surtout un manque d'endroits pour faire jouer cette scène locale, il ne reste que des petites caves ou des grandes SMAC, ce qui limite l'exposition de ces groupes.
Et enfin, Dätcha Mandala ne serait-il pas là pour sauver, voire ressusciter le rock ?
Jérémy : Nous n'avons pas cette prétention là... Il y a eu beaucoup de monde avant nous ! Ils ont fait de grandes choses dans le rock n' roll . Et ce n'est pas facile du tout de réinventer la roue ! Cependant, on a toujours été sincères dans notre façon de faire notre musique et selon moi, la sincérité prévaut sur tout.
Merci à JB, Jeremy et Nico des Dätcha Mandala pour leur disponibilité et merci à Floriane de Shake Promotion.
Photos : Jessica Calvo et Julien Dupeyron.
Publié dans le Mag #61