Monté en 2008 par les membres de Brice Et Sa Pute, le collectif lyonnais Dur et doux est aujourd'hui un fervent défenseur de la musique consanguine sauvage et subtile, à travers ses activités de label et de booking (PoiL, Ni, Ukandanz, ICSIS, Herr Geisha & the Boobs, Chromb!...). Nous avons donné la parole à Clément, chargé de production de cette aventureuse entreprise qui mériterait qu'on parle plus d'elle.
Quelle est ta formation ?
Je suis diplômé de Sciences Po Lyon, j'ai un master de gestion de projets culturels avec une spécialisation sur l'Asie. Autant dire que c'est passablement éloigné du métier que je pratique aujourd'hui et pour lequel le gros de la formation s'appelle "terrain", des kilomètres et des kilomètres dans des vans et des heures et des heures de concerts.
Quel est ton métier ?
Excellente question, il change un peu tout le temps. Pour le Pôle Emploi je suis chargé de production, ça fait sympa d'être dans la prod', personne comprend vraiment ce qu'on fout mais en général les gens respectent. Dans Dur et doux, je coordonne la structure, mon métier consiste à passer beaucoup de temps avec les musiciens que l'on entoure et à faire des choix sur les projets pour leur donner les moyens de se réaliser. Ça veut dire faire énormément de tableaux Excel aux formules douteuses, de budgets, de réunions avec des groupes, des salles de concerts, des financeurs et de boire des seaux de café.
Dans un autre style, mon métier consiste à être routier et conduire des vans remplis de musiciens et de matériel à travers la France et l'Europe. C'est une joie sans cesse renouvelée de découvrir de nouvelles aires d'autoroutes et de nouveaux produits du terroir. Conduire devient un peu un art zen à partir d'un certain nombre de kilomètres, l'avantage c'est que c'est sans doute le meilleur moment pour débrancher son cerveau et écouter de la musique.
Enfin, je dirais que mon métier est infini, qu'il ne s'arrête jamais le soir ou le week-end et qu'il est fait de pas mal de bon moment et bonnes ricanades entre potes.
Quelles sont tes activités dans le monde de la musique ?
L'activité principale consiste à accompagner des musiciens et leurs groupes dans le musique business. C'est un peu une contre-organisation au service de projets musicaux indéfendables par ledit musique business.
Le gros de mon activité consiste donc à trouver les moyens financiers, humains, logistiques pour que les projets puissent exister. Cette activité s'accompagne bien entendu d'énormément de cafés en journée et de bières dès que le soleil est planqué. Depuis quelques années l'activité de label me prend plus de temps, c'est assez chouette de se consacrer à la réalisation des disques, on apprend des nouvelles choses et on s'améliore sur la manière de faire et défendre des disques.... enfin j'espère !
Ça rapporte ?
La gloire principalement. Mais bon, je ne vais pas me plaindre, je suis intermittent depuis des années, je fais un métier que j'aime, sans patron et avec énormément de gens extraordinaires !
Comment es-tu entré dans le monde du rock ?
Un peu par hasard. J'étais déjà bien à fond de disques et de concerts et un jour une amie à moi sortait avec le bassiste de Brice Et Sa Pute, un groupe lyonnais glorieux, elle m'a dit qu'ils cherchaient quelqu'un pour s'occuper de leur projet. C'est comme ça qu'a commencé la grosse aventure de Dur et doux.
Une anecdote sympa à nous raconter ?
Je passerai sur les mille anecdotes de tournée, de sleepings crapuleux, de vans pliés, de douaniers français, suisses ou serbes, de types bourrés plongeant dans un canal de 40 centimètres de profondeur, de chambres d'hôtels redécorées au vin rouge, de concerts devant une personne...
Non, je crois que le meilleur moment qui soit arrivé dans mon travail est sans doute le jour où le tour manager de Rihanna m'a demandé de lui ramener deux menus Big Mac avec supplément cornichon, là tu te dis que ton travail et ta vie on un sens pour toi et l'humanité.
Ton coup de cœur musical du moment ?
J'ai fait un blocage sur la compilation Space echoes from Capo Verde parue sur l'excellent label Analog Africa. S'il fallait te dire ce que j'écoute en ce moment, c'est assez vaste, pas mal de compil' de musique africaine, du raï mais quand même surtout du rock : Enablers, Converge, Psyopus, Neurosis, Melt Banana, Swans, Xiu Xiu.... Ah, et j'ai bien aimé le dernier album des Norvégiens de Moe. Et pour être honnête, je passe pas mal de temps avec les projets de Dur et doux dans les oreilles, ma seule frustration est que la plupart du temps quand les disques sortent, je les ai déjà tellement limés que je ne les écoute plus très souvent.
Es-tu accro au web ?
Pas vraiment non, je passe pas mal de temps à fouiller les catalogues de labels sur les internets pour découvrir de la musique et évidemment pas mal de temps face à un écran pour le boulot, mais je n'ai pas vraiment la sensation d'être accro au web, je ne panne rien à la plupart des applications et réseausauceries post an 2000.
A part le rock, tu as d'autres passions ?
Oui plein heureusement, je voyage énormément, entre autre grâce au rock il faut avouer. Je pense pouvoir dire que j'ai deux autres grandes passions : la bouffe qui arrive d'ailleurs sans doute haut la main devant tout le monde, ça me fascine, je peux passer des heures à cuisiner et surtout autour d'une table à manger, boire du vin et tchatcher. Et l'autre c'est l'escalade, j'y consacre le gros de mon temps libre, ça me vide le cerveau comme rien d'autre.
Tu t'imagines dans 15 ans ?
Assez mal, je dois dire que vu comme les choses bougent vite, c'est dur de s'imaginer dans quinze ans. Mais tu me diras, ça fait déjà six ans que je brasse et j'ai l'impression de rien avoir vu venir donc la même chose mais en mieux ce serait déjà super. J'imagine que si tout se passe bien, je serai devenu sourd vu tout ce qu'on s'envoie dans les tympans.
Merci à Clément pour sa bonne humeur !