Si tu as été lecteur de rock sound, de punk rawk, de fanzine indé ou si tu écoutes des groupes de punk rock formés dans les années 2000, le nom de Franck Freijnik ne t'est pas inconnu. Discret mais efficace, rencontre avec un activiste pur et dur...
Frank Frejnik
Quelle est ta formation ?
Il y a longtemps de cela, j'ai obtenu un BEP Comptabilité, puis un BAC Pro Vente-représentation, mais aucun de ces diplômes ne m'a servi par la suite. En revanche, lors de mon service civil... j'ai opté pour l'objection de conscience à l'époque où le service militaire existait encore, j'ai découvert la Publication Assistée par Ordinateur, ce qui a confirmé et développé mon attirance pour la mise en page, la création d'images, les magazines, la presse. J'ai donc suivi une formation P.A.O., ce qui m'a amené au journalisme !
Quel est ton métier ?
Durant dix ans, j'ai travaillé dans la presse musicale où j'ai porté plusieurs casquettes : journaliste et secrétaire de rédaction chez Groove (mensuel hip hop) ; journaliste et secrétaire de rédaction chez Rock Sound (mensuel de rock) et Hard 'n' Heavy (mensuel de metal) ; rédacteur en chef de Punk Rawk (trimestriel punk). Ensuite, journaliste-pigiste-maquettiste freelance pour ces mêmes magazines et quelques autres de la même sphère culturelle. Puis, j'ai été éditeur délégué aux Éditions A.O.S.P. (Rock Sound, Hard 'n' Heavy et Punk Rawk again) ; rédacteur en chef et maquettiste pour Addictif (un gratuit édité par Le Goéland). Aujourd'hui, je n'ai plus de métier, je chôme.
Quelles sont tes activités dans le monde de la musique ?
J'ai arrêté de gratter pour la presse musicale, mais je continue d'œuvrer, souvent dans l'ombre et de manière anonyme, dans le monde de la musique. Depuis 10 ans, je m'occupe d'un (micro) label, Slow Death, qui a sorti une quarantaine de disques parmi lesquels certains de Dead Pop Club, Les Thugs, Time To Burn, Maladroit, The Helltons, Adolescents, Jack And The Bearded Fishermen, Red Gloves, Greedy Guts, Protex Blue, Crippled Old Farts, Slice Of Life... La liste complète est sur le site de Slow Death.
Slow Death, c'est aussi le nom d'un fanzine à parution très aléatoire dans lequel je cause de ma vie trépidante d'amateur de rock underground. J'ai pas sorti de numéro solo depuis longtemps, mais un split zine à trois (Mickson de Shot Down, Thierry de Rotten Eggs Smell Terrible) vient de paraître. Toujours sous le nom de Slow Death, j'organise parfois des concerts à Paris (Teenage Bottlerocket, Stupids, Napoleon Solo par exemples), et je donne, plus fréquemment, des coups de main à des associations comme Horca et Guerilla Asso. Je gère également Panic At The Distro, un bazar composé de distros et labels DIY qui se tient généralement en parallèle de festoches organisés par Guerilla Asso.
Graphiquement parlant, je prête main forte à des groupes et des labels pour leur pochette de disque (Dead Pop Club, Maladroit, Helltons, Les Shériff, Guerilla Poubelle, Napoleon Solo...), leur affiche, leur flyer, des motifs de t-shirts ou de stickers. Il m'arrive de créer des goodies comme des figurines papier pour Dead Pop Club, l'album Panini de la compilation Emo Glam 666, et récemment une église en papier à monter et à brûler pour Guérilla Poubelle. J'accompagne aussi des groupes en tournée (Dead Pop Club, Maladroit, Guerilla Poubelle) en tant que roadie / chauffeur / merch guy.
Tout récemment, j'ai monté Nineteen Something en compagnie d'Eric Sourice (Les Thugs), "label indépendant et distributeur numérique de rock souterrain", dont le but est de rendre disponible, en digital mais pas que, les enregistrements de groupes français disparus avant l'arrivée internet. Des formations des décennies 80 et 90 comme Dirty Hands, Scuba Drivers, Shaking Dolls, Thompson Rollets, Parkinson Square, Drive Blind, Real Cool Killers, Les Rats, etc... (la liste est interminable). On trouvait dommage que ces groupes, qui ont constitué une part importante de la scène rock indépendante hexagonale, soient absents du web, en tout cas sur les sites légaux de streaming ou de téléchargement. Ce ne sont peut-être pas des groupes très connus ou qui étaient fortement médiatisés à leur époque, ils n'étaient probablement pas de gros vendeurs ou des référents du rock en France, mais pour moi, ils constituent indéniablement un pan de l'histoire du (punk) rock français et à ce titre, ils méritent d'être accessible à tous.
On vient de rééditer en vinyle deux albums des Thugs (IABF et Still hungry). On a sorti les albums des Thugs en numérique. Prochainement ce sera le tour, en numérique également, de Casbah Club, Dirty Hands et Thompson Rollets. Suivront probablement des groupes comme Scuba Drivers, Sixpack, Garlic Frog Diet.
Ça rapporte ?
Ça eut payé, comme disait Fernand Reynaud. Notamment lorsque j'étais salarié dans la presse professionnelle. Mais aujourd'hui, je fais pratiquement tout à titre bénévole (ou en cassant les prix lorsqu'il y a rétribution).
Comment es-tu entré dans le monde du rock ?
Vers 12/13 ans, Iron Maiden et le heavy metal m'ont fait découvrir un autre rock que celui que mes parents écoutaient. Avec lui, je suis devenu un consommateur actif plus qu'un auditeur. Quelques années plus tard, j'ai découvert le punk rock. C'est avec lui que je suis passé de consommateur à acteur. De 1990 à 1995, j'ai publié un fanzine, Violence, qui a non seulement occupé une partie de ma folle jeunesse mais aussi préfiguré ce que je ferais, professionnellement parlant, un peu plus tard. En éditant un zine, tu apprends plein de choses : écrire des chroniques, traiter de l'information, conduire des interviews, concevoir une mise en page, entretenir des relations "professionnelles", etc. Et ce, sous couvert de débrouillardise et d'auto-gestion totales. C'est justement ce que cherchaient les Éditions Freeway, à l'époque éditeur de Rock Sound et Groove, qui m'ont embauché après ma formation de metteur en page, fin 1996.
Une anecdote sympa à nous raconter ?
Dans le numéro de décembre 1998 de Hard 'n' Heavy, j'ai mis le EP autoproduit de Pleymo en "Démo du Mois" ! Sympa, non ?
Ton coup de coeur musical du moment ?
Allez, trois pour le prix d'un ! Run, Forever (Pittsburgh, USA) : Découvert live dans un rade à Orlando, Floride. Pour moi, la plus grande découverte depuis Jawbreaker. California X (Amherst, USA) : Leur second album vient de paraître, mais je conseille le premier (self titled), le meilleur revival grunge de ces dernières années. Campaign (Atlanta, USA) : Groupe quasi inconnu. Pourtant son punk rock est d'une efficacité redoutable.
Es-tu accro au web ?
Pas vraiment. Je m'en sers uniquement pour des choses précises. Jamais de vagabondage de site en site. Je dois même avouer que lorsque je me retrouve, l'âme en peine, devant la page Google, je ne sais pas quoi taper dans l'espace de recherche. Du coup, je ferme le navigateur et je vais regarder ce qui se passe dans la vraie vie.
A part le rock, tu as d'autres passions ?
Probablement. Mais rien d'aussi prenant que la musique. C'est dommage, oui. Mais c'est comme ça.
Tu t'imagines dans 15 ans ?
Probablement, pareil qu'aujourd'hui. Ou éventuellement mort si je continue de me déplacer en vélo à Paris.
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Photo : Maxence Torillioux