Martingale Quelle est ta formation ?
J'ai fait Sciences-Po à Rennes à cause d'une vague vocation journalistique abandonnée en cours de route, avec une année à Manchester au milieu, et j'ai terminé par un DESS de marketing à Aix-en-Provence. Dans ce que j'ai appris, je crois que c'est surtout l'anglais qui me sert, en pratique ! Puis j'ai fait mon stage de fin d'études chez BMG (alors major fusionnée depuis avec Sony), comme analyste des ventes à bouffer du tableau Excel.

Quel est ton métier ?
Attaché de presse indépendant. En gros, mon rôle est d'obtenir de la visibilité médiatique pour des artistes : interviews, chroniques et autres live reports dans la presse ou sur le web, passages de clips en TV, playlists et émissions de radios, etc... A l'exception des grosses maisons de disques qui font pourtant ponctuellement appel à des gens comme moi, les labels n'ont peu ou pas de gens en interne pour faire la promo de leurs artistes. Et a fortiori, les autoprods.
En gros, je suis un intermédiaire : je suis là pour faire le lien entre ce que proposent et apportent les artistes et leurs oeuvres, et ce que veulent ou aiment les médias en face. Donc je dois bien connaître à la fois les artistes et les médias. Pas évident car tout cela est à la fois très riche de part et d'autres, et extrêmement mouvant. Mais c'est aussi ça qui est passionnant et motivant : on est jamais vraiment dans la routine car on travaille sur des nouveautés permanentes, chaque disque est différent, et le paysage médiatique ne cesse d'évoluer.

Quelles sont tes activités dans le monde de la musique ?
J'ai monté ma société avec un double objectif, label d'un côté, boite de prestation de l'autre. La partie label j'ai dû la mettre en sommeil pendant un moment (entre 2007 et 2012) : difficile de se développer en partant de rien dans un marché qui se divise par trois. Du coup, je me suis concentré sur la partie promo indé, et j'y ai bien trouvé mon compte. Je m'occupe désormais de la promo de toutes les sorties du label Ici d'Ailleurs (Ez3kiel, Chapelier Fou, Thomas Belhom, Michel Cloup Duo & Diabologum, GaBlé, Mein Sohn William, Mendelson, Matt Elliott entre autres), j'ai beaucoup travaillé avec Volvox Music (Kill The Young, Liesa Van der Aa, Psycho Mutants...), je bosse de plus en plus avec Yotanka Productions (Laetitia Shériff, Zenzile, Kid Francescoli, Versari, Ropoporose...), et je fais aussi pas mal de projets plus ponctuels avec d'autres labels (MLCD chez At(h)ome...) ou autoproduits (Xavier Plumas de Tue-Loup), ainsi que celle du festival This Is Not a Love Song à Nîmes.
J'ai réactivté le label pour sortir le 3ème album de Verone (j'avais publié le premier), et je fais aussi un peu d'éditions avec deux auteurs, dont Alain Gibert qui fait de la chanson-pop et va bientôt publier son premier album. Tu ajoutes un peu de conseil ou de représentation en France pour un partenaire belge, un peu de formation, et au total je suis pas mal occupé. C'est bien, on ne s'ennuie pas !

Ca rapporte ?
Un instant, je reviens, je crois que des types sont en train de traîner un peu trop près de ma Porsche rose... Bon, clairement, non. C'est un choix difficile et je ne suis sans doute pas très doué pour me vendre, mais c'est aussi une question de cohérence : j'avais les diplômes pour aller faire un job différent qui crache du fric, j'ai préféré un métier passion. Après, autant il faut faire bouillir la marmite, autant prendre tout et n'importe quoi comme projet pour gagner un peu plus mais en faisant des choses qu'on n'aime pas, c'est un mauvais calcul, on perd des deux côtés. A ce moment-là, autant mettre une cravate et aller toucher un gros chèque en se faisant chier dans une tour de la Défense. J'ai la chance maintenant de défendre des artistes et labels de qualité, d'avoir en permanence pas mal de propositions, la difficulté étant de garder le plaisir tout en trouvant et en améliorant la rentabilité. Pas évident, si les artistes qui vendent le plus étaient les plus euh... recommandables artistiquement, ça se saurait. Mais il n'y a pas de fatalité, je crois que l'intégrité, le travail, ça finit par payer, quelle que soit l'échelle.

Verone Comment es-tu entré dans le monde du rock ?
Au lycée et un peu après, j'organisais des concerts avec des potes, genre 8 groupes qui savent à peine jouer (bonjour les changements de plateau), mais 250 personnes qui payent pour venir les voir. Eh oui, c'était une autre époque ! A la fin de mes études, j'ai eu envie de bosser sur quelque chose d'un peu plus "impliquant" que des boîtes de petits pois, et à l'époque le disque était encore en croissance (si si). Donc j'ai cherché un stage mais comme c'était mon premier dans le secteur, je suis entré par la petite porte, l'administration des ventes, ce qui n'est pas le truc le plus sexy. J'ai pu néanmoins être embauché à l'issue de ça, mais au bout de 3 ans j'en avais marre et comme on voulait que je reste à mon poste où j'étais un bon petit soldat, je me suis barré. Après un intermède de quelques mois dans un autre secteur, j'ai monté Martingale en racketant honteusement famille et amis.

Une anecdote sympa à nous raconter ?
Il y a deux ans au bar pro des Transmusicales à une heure avancée, on m'a présenté le responsable d'un label, a priori intéressé pour faire appel à mes services. Après une bonne discussion et un peu trop de picole, je lui ai dit : "de toute façon, tu sais, si tes artistes me plaisent, c'est que ça marchera pas" ! Il doit être maso et moi menteur, parce que depuis c'est devenu un de mes principaux clients...

Ton coup de coeur musical du moment ?
Je vois énormément de concerts mais finalement je manque terriblement de temps pour écouter des albums, donc je n'ai vraiment pas la prétention de connaître l'actualité au delà de quelques titres. Donc je vais parler de The Notwist qui m'ont vraiment impressionné lors de leur passage aux Rockomotives (super festival)... en revanche, je n'ai toujours pas écouté leur album !

Es-tu accro au web ?
Le ouèbe ? Le minitel américain là ? Oui c'est clair, et j'ai un peu de mal à imaginer comment pouvait fonctionner ce métier avant tout cela. On a du recul maintenant : il y a certains webzines avec qui je travaillais déjà il y a une dizaine d'années, c'est le cas de W-Fenec d'ailleurs ! On prend un coup de vieux, non ?

A part le rock, tu as d'autres passions ?
Je ne limiterais pas au rock, mais à la musique en général, même si je suis loin de connaître ou même d'apprécier tous les styles. A part ça, je m'intéresse pas mal au sport (foot) et à la politique : de bons sujets de conversation autour d'un verre ou deux après les concerts !

Tu t'imagines dans 15 ans ?
Pas facile. Version pessimiste : en train d'essayer de survivre après la montée des eaux, la prise de pouvoir des fachos, l'écroulement des économies surendettées, et quelques holocaustes nucléaires... Version optimiste : toujours aux commandes de Martingale après avoir réussi à y créer quelques emplois, pour une boite à taille humaine qui défend bien ses artistes et où il fait bon travailler.