Patrick par Yann Cabello Quelle est ta formation ?
Voulant faire l'école du rock'n'roll et non pas suivre le schéma classique, à seize ans, à l'âge du choix, en 1978, j'ai tiré à pile ou face une formation délivrant un BEP, ce qu'il y avait de plus court comme études. C'est tombé sur un BEP menuisier que je n'ai pas eu évidemment, n'étant absolument pas manuel. Le rock'n'roll a été une révélation pour moi en 1973. J'étais en centre aéré à côté de Clermont-Ferrand, à Manson, les moniteurs et les monitrices avaient fait mai 68. Les mecs avaient les cheveux longs, certains portaient des lunettes rondes, des vestes côtelées et des pataugas. J'avais onze ans. À partir de là, je n'envisageais la vie qu'à travers le prisme du rock'n'roll, d'où, au moment où j'ai dû choisir quelles études suivre, pour moi, c'était évident, des études de rock'n'roll ; mais ça n'existait pas... À ma façon et en persévérant, j'ai suivi cette voie.

Quel est ton métier ?
Après en avoir exercé de nombreux, depuis 2004, je suis journaliste à plein temps. Et je suis également auteur. Je suis directeur éditorial et rédacteur en chef d'un magazine semestriel gratuit appelé Horizon Saint-Jacques. C'est un magazine de territoire traitant uniquement du quartier Saint-Jacques à Clermont-Ferrand. On parle de culture, de social, de sport, d'économie et principalement, de mémoire. Saint-Jacques étant un quartier prioritaire, j'ai répondu à un appel à projet et j'ai obtenu une subvention de Clermont Auvergne Métropole. Nous en sommes à la sixième année d'existence. Je suis arrivé à un âge où j'ai envie de transmettre, d'où les livres sur Les Thugs, Black & Noir - Enragez-vous !, Hache tendre & gueules de bois ou Une histoire du rock à Clermont.

Quelles sont tes activités dans le monde de la musique ?
Aujourd'hui, plus rien, si ce n'est encore un peu journaliste pour la presse musicale, en dilettante. Pour les magazines Plugged et My Rock, et épisodiquement pour d'autres publications. Et je suis auteur de livres axés musique principalement. Mais j'ai exercé de nombreuses activités bénévoles : (piètre) musicien, labels (Spliff et Pyromane Records), tourneur, organisateur de concert, président de festival (Volcaniques de Mars) et rédacteur pour de nombreux fanzines, celui qui compte le plus à mon cœur étant Violence de mon ami Frank Frejnik.

Ça rapporte ?
La musique ne rapporte pas si tu n'as pas une certaine notoriété, et je n'ai jamais couru après la notoriété non plus. Sinon, j'écrirais des livres sur Johnny Hallyday au lieu d'écrire la biographie des Thugs ou l'histoire de Black & Noir. Et en tant qu'auteur, et ça vaut aussi pour les sculpteurs ou les peintres, nous n'appartenons pas au monde du "spectacle vivant", nous ne bénéficions donc pas d'un statut équivalent à celui du statut d'intermittent qui permet aux musiciens, aux danseurs ou aux comédiens de percevoir des allocations durant leur temps de création. Le temps d'écriture, de peinture ou de sculpture est pris sur le temps libre. Et je ne parle même pas des droits d'auteur...

Il vient d'où ton pseudo "Tad" ?
J'étais chanteur-guitariste des Waterguns. À l'occasion d'une fête de la musique, en 89 ou 90, j'étais en photo, en grand, dans le quotidien régional. J'avais un peu d'embonpoint. Pascal "Buck" Roussel, le chanteur des Real Cool Killers était jaloux parce qu'il n'avait jamais bénéficié d'une si belle exposition dans La Montagne malgré son statut. On n'arrêtait pas de se chambrer. Il me disait : "Les gros, ça passe pas dans la presse !" Et vu qu'en 1989, il y a eu la tournée européenne de Tad avec Nirvana comme support-band, je lui répondais : "Regarde Tad, on le voit partout dans les fanzines." Je lui avais donné le bâton pour me faire battre. Buck m'a surnommé ainsi à partir de là. On aimait bien se charrier. Lui-même avait surnommé les Real Cool Killers : les Ridicule Killers. Il a rebaptisé un autre de mes groupes, Sorry Wrong Number, en Souris Rondes d'Ambert par exemple.

Green Day en France Une autre anecdote sympa à nous raconter ?
Je devais organiser le tout premier concert de Green Day à Clermont-Ferrand, pour 1500 francs (environ 250 €). Je travaillais avec un tourneur qui m'a appelé un jour pour me demander si je pouvais héberger le groupe comme je le faisais parfois, entre l'Angleterre et l'Espagne, à l'occasion de sa première tournée européenne. Il n'y avait aucune date en France de programmée. Étant ultra-fan de Green Day à l'époque, j'ai répondu que non seulement je les hébergerais et je leur cuisinerais des pâtes, mais je les ferais jouer pour leur payer au moins l'essence pour aller en Espagne. Le concert devait se dérouler au Club 3000 à Clermont-Ferrand. J'avais demandé aux Limougeauds de Chinese Radio Kids de faire la première partie. Les affiches A2 photocopiées et concoctées par mes soins étaient tirées, les souches de ticket d'entrée imprimées, quand j'ai reçu un appel du tourneur : "Tournée annulée. Officiellement : le batteur s'est cassé une jambe..." En vérité, entre le moment où le groupe a monté la tournée et avant qu'elle ne débute, Green Day a signé chez Reprise (Warner). La major leur a intimé l'ordre d'annuler cette tournée. Seulement, ils avaient déjà atterri à Londres. La tournée a donc été officiellement annulée. Officiellement, puisque, quelques temps après, les MC4 que j'ai croisés au festival des 3 Rivières à côté de Périgueux, m'ont appris que Green Day avait maintenu ses dates anglaises en jouant sous un faux nom qui ne trompait personne évidemment, et le bouche à oreille a fait le reste. Ils ont fait une tournée anglaise dans des clubs bondés.

Quel est le projet dans lequel tu as eu l'impression de mettre le plus de toi-même ?
Dans tout ce que je fais, je m'investis totalement. Dans tout ce que je fais, il y a une partie de moi-même. Le magazine Horizon Saint-Jacques évoque mon quartier et les gens qui l'animent. J'y suis attaché. Je parle évidemment beaucoup de moi dans le livre Hache tendre & gueules de bois (Kyklos Éditions). Mais où je me dévoile probablement le plus, c'est dans le livre À nous deux, Alzheimer (Éditions Entremises), un témoignage où je raconte ma vie d'aidant pour accompagner mes deux parents, mon père et ma mère, qui souffraient tous les deux de la maladie d'Alzheimer. Un livre pour aider les aidants.

Ton coup de cœur musical du moment ?
Gentle Ben & The Shimmering Hands. Leur album Brut chez est l'album de l'année pour moi avec, pas loin derrière le dernier Peter Perrett, le Jesus Lizard et le premier album de Dead Chic. Sans oublier le nouveau Tindersticks, le premier album de Laurent Benitah, le premier album de Mike Noegraf, le premier et probablement dernier Stabbing Jabs, le Split System, le Dynamite Shakers... Stop, n'en jetez plus, y'en a trop.

Es-tu accro au web, aux réseaux sociaux ?
Un peu à Facebook, je m'en sers principalement d'outil pour communiquer sur mes livres. Sans ça, je me désinscrirais, c'est le royaume du poujadisme. Si les accrocs des zozos sociaux mettaient autant d'énergie à s'engager pour des causes qui leur semblent juste au lieu de déblatérer derrière leur écran, notre société se porterait beaucoup mieux...

À part le rock et l'écriture, tu as d'autres passions ?
Le pinard, la bonne chère, le théâtre de rue et les arts plastiques en général, j'ai un peu décroché du ciné en revanche. Je suis sensible à tous les modes d'expression qui véhiculent des idées et qui transmettent des émotions. Le monde culturel est de moins en moins engagé, si ce n'est pour défendre le statut d'intermittent ; là, il y a du monde. Je pense qu'actuellement, il se dit beaucoup plus de choses en théâtre de rue, en arts plastiques et en littérature que dans le cinéma, le rock ou le théâtre conventionnel qui, pour passer sous les fourches caudines de la bien-pensance et de la censure, sont obligés de se policer. Certes, l'indépendance est souvent synonyme de précarité, mais elle permet de s'exprimer librement et, en France, nous avons encore l'avantage de pouvoir nous exprimer assez librement sans mettre nos vies en danger... Suivez mon regard...

Tu t'imagines dans 15 ans ?
Vivant...