Angel Angel Quelle est ta formation ?
Au départ, j'ai suivi une formation en hôtellerie, ce qui n'a pas grand-chose à voir avec l'audiovisuel ! Mon intérêt pour la caméra et l'image a commencé au lycée, où j'ai rejoint un petit collectif de vidéastes. Cependant, je n'ai vraiment pris mon envol que bien plus tard.
Mon parcours professionnel est pas mal lié au Hellfest. J'ai commencé en 2007 en montant des structures comme des chapiteaux de cirque pour ce qui était à l'époque la "Terrorizer Tent" et ensuite le "Metalcorner", jusqu'en 2017. J'ai aussi contribué au montage d'un bar en forme d'ovni, notamment au Fury Fest en 2005, l'ancêtre du Hellfest. À cette époque, j'avais secrètement tourné un petit documentaire avec une caméra cachée, rien de très élaboré, mais cela a plu à Ben Barbaud et Yoann Le Nevé, qui m'ont donné la chance de réitérer l'expérience lors du Hellfest 2008, avec plus de liberté cette fois. Ces deux films ne sont pas disponibles en ligne pour des raisons de droits, mais peut-être qu'un jour je pourrai les partager !
Ensuite, j'ai fait du making-of pour des œuvres de fiction et quelques clips. Je me suis ensuite formé aux techniques de prise de vue et de montage, avant de rejoindre l'équipe de Sombrero and Co en 2017, exclusivement pour le Hellfest.

Quel est ton métier ?
A dire vrai, je multiplie les casquettes ! Je suis opérateur de prise de vue pour des concerts, des clips et des courts-métrages. J'ai aussi travaillé sur un long métrage en tant qu'assistant caméra. En plus de cela, j'occupe le rôle d'assistant réalisateur en régie télé chez Nextprod, puis technicien en régie finale pour M6 et Cognacq-Jay Image.

Quelles sont tes activités dans le monde de la musique ?
J'ai commencé en tant que guitariste dans des groupes de rock à la fin des années 90, mais ça n'a pas dépassé le stade de quelques démos et concerts.
En parallèle de mon travail de caméraman et technicien audiovisuel, j'ai capté ou réalisé plusieurs concerts et clips pour divers artistes. Mon projet le plus marquant a été la réalisation du concert "Live in Bikini" pour Psykup. Ce concert a même été projeté dans une des salles du Grand Rex à Paris avant de sortir en CD/DVD. Je continue d'accompagner Psykup de temps en temps en tournée, en réalisant des live reports de quelques minutes, que vous pouvez voir sur leur chaîne YouTube.
Et plus récemment, je me suis remis à la guitare ! Je n'exclus pas de rejouer avec d'autres musiciens, si mon emploi du temps le permet.

Quelle partie de ton job préfères-tu ?
Si je me concentre sur mon rôle de caméraman sur scène au Hellfest, ce que je préfère, c'est l'effervescence qui accompagne le premier concert du premier jour. Quand tout est en place, que la foule immense s'amasse contre les crashs barrières, impatiente, et que le groupe commence à entrer en scène, il y a un moment magique. J'entends alors dans mon intercom le réalisateur dire : "C'est parti, bon concert les gars", et à ce moment précis, un frisson parcourt toute ma colonne vertébrale. C'est une décharge d'adrénaline qui me booste pour tout le reste du festival.
Au-delà de ça, j'ai la chance de faire un métier-passion, et d'être immergé dans l'univers du Metal que j'adore. C'est sûr que ça facilite énormément les choses, et c'est probablement ce qui rend chaque instant de ce travail si gratifiant.

Tu pourrais travailler pour un groupe dont tu n'aimes pas la musique ?
Dans un cadre créatif comme celui de la réalisation d'un clip, on a tendance à penser qu'il serait difficile de travailler si l'on n'apprécie pas la musique. Mais en réalité, sortir de sa zone de confort peut rendre le processus vraiment intéressant. J'ai vécu cette expérience avec un artiste il y a quelques années, et ironiquement, c'est l'un des clips qui me ressemble le plus sur le plan visuel.
Cela dit, pour moi, le plus important reste le rapport humain. Travailler avec des personnes passionnées par ce qu'elles font est toujours exaltant, quel que soit le style musical. L'énergie, la créativité et l'engagement des artistes peuvent faire toute la différence, même si la musique n'est pas forcément dans mes goûts.

Quand tu filmes, tu arrives à profiter du concert ou tu es focus sur la captation ?
Il faut toujours rester concentré sur ce qui se passe sur scène et suivre les directives du réalisateur dans ton casque. Cela dit, quand j'apprécie la musique ou que je connais bien le groupe, j'arrive aussi à profiter du concert. Il y a une ligne à tenir entre le professionnalisme et l'excitation, surtout quand on filme des artistes qu'on admire. Par exemple, cette année au Hellfest, j'étais sur scène avec Mr Bungle et franchement c'était un rêve de gosse pour moi ! Et puis, cerise sur le gâteau, Andréas Kisser de Sepultura et Wolfgang Van Halen sont montés sur scène en tant qu'invités. Je me suis dit : "Ok, tu vis un moment incroyable, mais profites-en pour capturer les meilleures images possibles !".
Parfois, l'énergie du concert est tellement intense que tu te sens partie prenante du show. Le concert de Biohazard à la Warzone, par exemple, était si explosif que je me suis parfois senti en danger ! Le guitariste Billy Graziadei courait dans tous les sens comme un possédé, et je craignais qu'il ne me bouscule en bord de scène.
D'autres artistes sont particulièrement à l'aise avec la caméra et comprennent à quel point les images projetées ajoutent une dimension supplémentaire à leur performance. Nergal de Behemoth en est un excellent exemple : avant le concert, il est venu me parler de l'ouverture du show, et pendant la performance, il savait exactement quand me faire des regards intenses à la caméra. C'est à la fois professionnel et agréable, et j'ai l'habitude de remercier les musiciens à la fin du concert pour leur collaboration et leur implication avec la caméra.
En fin de compte, je dirais qu'un caméraman doit s'impliquer pleinement dans l'ambiance et l'énergie du concert, tout en restant suffisamment professionnel pour capturer les meilleures images sans se laisser emporter par l'émotion. Mais quand le groupe est exceptionnel, il ne faut surtout pas bouder son plaisir !

Un artiste que tu aimerais filmer ou avec qui tu aimerais bosser ?
J'en ai plein ! Pour les grands noms, intégrer l'équipe de Metallica, même pour une seule date, serait un rêve. Leur show est tellement impressionnant, avec des moyens illimités et une énergie folle. Filmer Gojira serait également une expérience quasi mystique. Leur musique a un effet hypnotique sur moi, et pouvoir capturer cela au plus près du groupe sur scène serait incroyable. Peut-être un jour sur une des mainstages ou ailleurs !
En ce qui concerne les projets plus modestes, j'adorerais travailler avec Lofofora. C'est l'un de mes groupes préférés, et on se connaît un peu, donc ça pourrait bien se concrétiser pour un clip ou un concert.
Et si on me confiait un concert de Napalm Death, je m'assurerais de créer la captation la plus sauvage de leur histoire !
Enfin, dans un registre très différent, je serais ravi de collaborer avec Zaho De Sagazan si l'opportunité se présente. Elle est extrêmement talentueuse et magnétique.
Bien sûr, cette liste n'est pas exhaustive, il y a encore plein d'artistes que j'aimerais filmer !

Ça rapporte ?
Disons que ça reste un brin confortable dans les limites de l'intermittence, mais il faut faire un nombre significatif de dates pour arriver à s'offrir une certaine stabilité !

Comment es-tu entré dans le monde du rock ?
J'ai un oncle qui me faisait découvrir des légendes du rock comme Hendrix, Kiss, Status Quo et Creedence Clearwater Revival quand j'étais petit. Plus tard au collège, j'ai acheté tout un lot de vinyles à un gars qui avait besoin d'argent pour sortir en boîte. Dans le tas il y avait du Metallica, du AC/DC et du Black Sabbath. Cette découverte a été un véritable coup de foudre, et depuis la fièvre du rock ne m'a plus jamais quitté !

Angel Fonseca Angel Fonseca Une anecdote sympa à nous raconter ?
J'en ai plein ! Par exemple, il y a eu cette fois où j'ai eu l'occasion de faire une interview avec Lemmy. J'étais un peu surpris de le voir écouter du Motörhead dans sa loge, mais il m'a expliqué que c'était pour se rafraîchir la mémoire sur les paroles de certaines chansons !
Il y a aussi cette autre fois où j'ai surpris Joël O'Keefe d'Airbourne en train de subtiliser un grand cadre photo lors d'une expo métal dans les loges du Hellfest. C'était assez inattendu !
Une autre anecdote mémorable est celle où j'ai vu un agent de sécurité refuser l'entrée à Charlie Benante de Pantera, simplement parce qu'il n'avait pas encore son pass. J'ai dû courir pour expliquer qu'il était l'une des têtes d'affiche du festival, et heureusement, ça s'est réglé sans problème. Bien sûr la sécu faisait parfaitement fait son travail, mais j'ai eu l'impression qu'on avait frôlé l'incident diplomatique.
Je me souviens aussi de la fois où j'ai regardé le concert de BodyCount depuis le côté de la scène, et j'ai découvert que le vieux monsieur en jean et chapeau de cow-boy à côté de moi n'était autre qu'Alice Cooper !
Une autre fois encore, pendant que j'essayais de me débarrasser d'une guêpe qui me tournait autour derrière une des mainstages, Corey Taylor m'observait en se marrant.
Ou alors la fois où pendant un concert de Behemoth, un effet pyrotechnique est passé vraiment pas loin de ma pomme et de ma caméra !
Un autre souvenir sympa, c'est quand Mike Muir de Suicidal Tendencies m'a fait une vidéo pour souhaiter un joyeux anniversaire à un pote qui ne pouvait pas être au Hellfest cette année-là.
Il y a aussi eu cette confusion amusante où Francis Zégut m'a pris pour l'un des guitaristes de No One Is Innocent, et nous avons discuté pendant cinq minutes avant que je ne lui explique que je n'étais pas la bonne personne !
J'ai d'autres histoires en réserve, mais je ne peux pas tout raconter ici...

Ton coup de cœur musical du moment ?
Je suis devenu accro à un groupe norvégien que j'ai eu la chance de filmer à la Valley cette année au Hellfest : Kvelertak ! Ils ont tout ce que j'aime : un gros rock hargneux avec des influences Punk et Black, des riffs explosifs qui déchirent, et une énergie scénique folle. Depuis trois mois, je ne me lasse pas de leur discographie, et il paraît que beaucoup de fans ressentent la même addiction. Jay Weiberg, batteur de Suicidal Tendencies, était présent sur le côté de la scène pendant tout le concert, chantant presque toutes les paroles malgré le fait qu'elles soient en norvégien !

Es-tu accro au web ?
Je passe effectivement un temps considérable à scroller sur Facebook et Youtube, c'est tellement chronophage au point que ça peut parfois empiéter sur mes autres obligations.
Il y a une forme d'addiction c'est certain, on en est souvent conscient, mais c'est quelque chose que l'on accepte assez facilement dans notre quotidien connecté.

À part le rock, tu as d'autres passions ?
Je suis un grand amateur de cinéma, et je voue une véritable admiration à des réalisateurs comme Scorsese, Friedkin et Kusturica. J'adore aller au cinéma, collectionner des films en support physique et les regarder sur différentes plateformes. Je lis également beaucoup de livres techniques sur le cinéma pour approfondir mes connaissances, et j'écoute souvent des musiques de films en me rendant au travail.
En ce moment, j'ai une blessure à l'épaule qui me ralentit, et ça me manque vraiment de ne pas pouvoir reprendre la musculation au poids de corps que je pratiquais depuis quelques années.
Voyager est aussi une de mes passions, et c'est un peu un classique, mais chaque année, ma femme, ma fille et moi essayons de découvrir un nouveau pays pour vraiment nous évader du quotidien. Nous avons déjà exploré l'Allemagne, la Suisse, l'Espagne, le Portugal, les Baléares, l'Île Maurice, l'Italie, l'Autriche, Saint-Pétersbourg, la Tunisie, et nous avons bientôt le Maroc sur notre liste !

Tu t'imagines dans 15 ans ?
J'espère toujours être impliqué dans le Hellfest, d'une manière ou d'une autre !
Dans 15 ans je serais probablement grand-père aussi ! En vérité, j'ai du mal à me projeter précisément. Mon parcours a souvent été marqué par de l'inattendu. En sortant de l'école hôtelière à 19 ans, je n'aurais jamais imaginé passer plus de 15 ans sur les routes, à monter des chapiteaux de cirque, réaliser des clips et captations de concerts, faire des allers-retours entre Toulouse où je réside et Paris pour des régies télé, ou encore filmer mes idoles sur les scènes du Hellfest.
J'ai eu la chance de côtoyer des gens de tous horizons et de recevoir des propositions incroyables.
Il y a des rencontres qui changent littéralement ta vie, et jusqu'à présent c'est une succession d'imprévues et d'opportunités qui rend mon parcours si riche et passionnant.
En ce moment, je me lance dans l'écriture de scénarios de fiction, et je ne sais pas encore où cela me mènera. Peut-être vers de la réalisation, ou peut-être vers quelque chose de totalement différent, comme l'hôtellerie pour boucler la boucle... Qui sait ?