De la même manière qu'aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années, il n'est jamais trop tard pour s'investir dans la scène rock. C'est la bonne attitude qu'a adoptée Laeti en se lançant dans l'aventure Smart and Confused, la quarantaine tout juste passée. Quatre ans après, période de COVID incluse, elle vient de dépasser ce même chiffre d'organisation de concerts DIY rock et consorts sur Paris. Bravo et merci, ça méritait bien un petit coup de projo.
Quelle est ta formation ?
Pas grand-chose. Un bac STT obtenu tant bien que mal en 97, quelques tentatives foirées d'études supérieures... Je voulais étudier l'Histoire mais paraît qu'y a pas de débouchés.... J'ai donc très vite intégré le monde du travail, via des petits boulots merdiques mais qui me permettaient de partir en vacances avec les copains/ines l'été.
Quel est ton métier ?
Je suis rédactrice de compte rendu de réunions en entreprises, CSE essentiellement. Ça n'a pas l'air super sexy comme ça mais d'une, le télétravail, je pratique depuis 17 ans et de deux, j'ai une vision assez exhaustive du monde du travail en France. Et j'ai des collègues vraiment chouettes.
Quelles sont tes activités dans le monde de la musique ?
J'y traîne depuis la fin du lycée, au hasard de diverses rencontres. J'ai très longtemps suivi des groupes sur leurs concerts, tenu quelques tables de merch, fait la pseudo roadie avec les potes du lycée, puis, un peu plus sérieux, avec Gameness, devenu ensuite Brume Retina. Assez passive donc, "dans l'ombre" comme tu dirais, par choix, mais présente. En 2018, j'ai enfin sauté le pas et ai créé le collectif Smart and Confused avec deux potes, assez vite remplacés, pour diverses raisons, par B. qui partage aussi ma vie. On organise des concerts régulièrement sur Paname, du punk, hardcore, rock indépendant, screamo, RABM..., en suivant quelques principes desquels on ne déroge jamais : tout DIY, entrée à prix libre - mais nécessaire pour défrayer correctement les groupes et pour la survie du collectif, des salles investies c'est-à-dire dont l'unique but n'est pas de faire fonctionner le bar, mises à disposition gratuitement et sans vigile à l'entrée, des groupes bienveillants dans leur attitude et ouverts d'esprit, catering et sleeping maison, etc. On a aussi sorti quelques disques avant de s'apercevoir qu'avec les concerts, ce n'était pas viable financièrement. B., lui, a donc fondé son propre label Yoyodyne Records. Je ne sais pas pourquoi j'ai attendu aussi longtemps pour me lancer. C'est quand même du pur bonheur !
Ça rapporte ?
À part du stress, je ne vois pas de quoi tu parles... Non, clairement, on ne fait pas ça pour gagner de l'argent. On paie les groupes et notre ingé son en priorité, et, si possible, on met un peu de côté pour notre caisse de secours. On ne se rembourse même pas la bouffe préparée pour les zicos.
Comment es-tu entrée dans le monde du rock ?
Au début des années 90. Les potes, MTV, Nulle Part Ailleurs, Rocksound, les bornes d'écoute de la Fnac et un été avec des skateurs à Valras ... fans de punk à roulettes... forcément !, ont été mes principaux vecteurs de musique. Je sortais très peu et n'ai donc pas eu la chance d'aller à des concerts, de fréquenter les bons disquaires ou encore d'accéder au monde du fanzine dès mes 13 ou 14 ans... En revanche, je suis souvent tombée sur les bonnes personnes qui m'ont bien conseillée. Grunge, punk mélo, rock indé, néo métal, folk puis punk hardcore, emocore, etc. J'écoute encore tout ça, sans suivre de mode particulière. J'ai d'ailleurs du mal avec les nouveautés : plus on en parle, moins je m'y intéresse. Premiers achats, Nevermind de Nirvana et Dookie de Green Day en K7... que j'ai paumées... snif, et premier concert sans les parents, Green Day à l'Élysée Montmartre, en 1995 il me semble.
Une anecdote sympa à nous raconter ?
Difficile question, il y en a quand même un paquet... Avoir fait un gros hug à Greg Graffin sur la scène du Punk Rock Holiday en 2019 ? Avoir vu Envy à l'espace Turenne à Reims en 2001 à leur époque screamo qui tache ? Assister à la session Nulle Part Ailleurs de Deftones en 97 ?
Ton coup de cœur musical du moment ?
Autre difficile question. Je continue de découvrir des trucs qui datent de Mathusalem... Cette année, j'ai chopé le double LP Paul de Zabriskie Point. Une tuerie. Si on parle plus contemporain, j'ai eu un énorme coup de cœur pour Nick Wheeldon et sa folk americana qui ne triche pas. Je l'ai découvert accompagné de quatre musiciens à l'Armony à Montreuil, un écrin parfait.
Es-tu accro au web, aux réseaux sociaux ?
Très moyennement. En réalité, je n'ai rien contre les réseaux sociaux, mais plutôt contre ce que certain.es en font. Ça peut vite être catastrophique, devenir un tribunal populaire, le royaume de la haine... C'est en revanche hyper utile pour se tenir informé.e des concerts, te constituer ton petit agenda. Je salue également l'effort de certain.es pour préserver des modes de communication parallèles aux RS, tels que Razibus.net et Pirate-Punk.net. Au-delà, je suis une quiche en informatique. Je n'ai pas confiance dans les machines...
À part le rock, tu as d'autres passions ?
Ouais, mon Mini-Punk ! Le seul truc que j'ai réussi à porter à son terme (rires) ! Je suis une procrastinatrice invétérée. J'ai commencé la basse il y a plus de 10 ans mais je ne sais toujours pas vraiment en jouer. Au-delà, je lis pas mal : Stephen King, la littérature de genre, la littérature punk comme Cometbus, Ratcharge, Cookie Mueller, les romans graphiques du genre Backderf. J'adore également le cinéma, surtout anglo-saxon et de genre mais je fuis comme la peste les franchises Marvel, DC Comics et les comédies romantiques... hormis "Singles" qui est un chef d'œuvre pour tout.e fan de grunge qui se respecte. Bon, si je commence à donner plus de détails, y en aura pour 3 pages !
Tu t'imagines dans 15 ans ?
Si cela ne dépendait que de moi, je me verrais bien dans une petite baraque au bord de l'Atlantique, avec des chiens. J'ai toujours vécu à Paris et ai du mal à me détacher de cette ville, même si elle s'éteint tous les ans un peu plus en raison d'un voisinage qui n'a absolument rien compris... Mais je ne suis pas riche et n'ai pas vraiment investi dans l'immobilier... Idéalement, acheter quelques murs avec de bons potes, histoire que chacun.e prenne soin des autres, et surtout des plus dépendant.es. Une forme de petite communauté bienveillante... où bien entendu on continuerait à organiser des concerts ! Faut pas déconner non plus...