Alors comme ça, on n'a pas de pseudo ?
J'ai la chance d'avoir un prénom composé qui me permet un certain anonymat. J'ai donc choisi de conserver JC Forestier. J'ai un métier aux antipodes de la musique et de la photo, si mes clients ou connaissances trouvent un JC Forestier en photo dans un pit de festival, cela ne peut pas être celui qu'ils connaissent, c'est une bonne couverture.

Tu as fait combien de Hellfest avant celui-ci ?
C'est mon deuxième Hellfest, mon plus gros client associatif a longtemps fait ses AG le même week-end. Il faut donc jongler entre passion et travail. Ce qui m'a valu cette année de traverser la France de Metz à Nantes pour une seule journée du 2e week end.

Qu'est-ce qui t'a donné la passion de la photo ?
J'ai eu la chance d'avoir un père amateur de photo. C'est un peu comme si j'avais grandi avec un Nikon constamment dans mon environnement. Je n'ai jamais été un bon musicien, c'était donc le seul moyen de rentrer en contact avec ce milieu et de monter sur scène. Mes instruments sont mes boitiers Reflex, je n'ai pas trouvé d'autres moyens de monter sur scène.

Frank Carter par JC Frank Carter par JC Quel est le groupe que tu as préféré shooter ?
Sur les deux week-ends je pense que je dirais In Other Clime ou Frank Carter. Les premiers car on se connait et qu'il y a une certaine confiance. Sans le vouloir ils te cherchent un peu ce qui donne de bonnes photos. Le fait rester pour le concert entier t'offre également plus de possibilités. Frank Carter est absolument fou et a foutu en l'air une chanson de son set en allant slammer dans le public. j'avoue que dans le loto du pit je suis tombé sur la chanson qui a duré 8 min, ce qui te laisse le temps de t'épanouir.
Pour le reste des artistes comme Shaarghot sont visuellement incroyables ou des artistes dans des grandes salles comme Nightwish sont aussi déments avec la pyro et la mise en scène. Un souvenir magique est d'avoir été sur scène en 2019 avec Will Haven. J'avais des posters dans ma chambre et ils m'ont invité car ils adorent mes photos.

Quel a été le meilleur concert selon toi ?
Si tu vas au Hellfest en tant que photographe, tu ne profites pas plus des concerts que cela. C'est beaucoup de marche pour aller d'une scène à l'autre ou de l'attente loin des scènes pour faire la queue pour le prochain concert. Pour flatter ma jeunesse passée et le fait d'avoir eu le snakepit pour nous seuls, je dirais Ugly Kid Joe. Pour l'intensité, je dirais Comeback Kid. La Warzone est folle et donne de sacrées photographies avec la grande roue de nuit.

Quelle est ta photo préférée ?
De cette édition, Frank Carter porté par le public. C'est le genre de cliché que tu rêves de faire et quand tu peux, c'est une énorme satisfaction.

Le public et les décors semblent être une source d'inspiration infinie, tu penses que tu pourrais t'en lasser ?
C'est un peu mon Euro Disney (message à mes filles je sais que l'on dit Disneyland Paris mais pas à mon époque.) avec un sentiment de "all acces" comme au Club Med. Plus que les décors, la liberté du public est quelque chose de folle. Les gens t'arrêtent pour faire des photos d'eux (big up à ceux qui doivent être mariés à l'heure qu'il est), les décors sont toujours renouvelés, c'est passionnant. La nouvelle statue de Lemmy a fait oublier la précédente en quelques minutes, ce qui semblait impossible lors de l'annonce de la destruction de la précédente.

Il y a un photographe dont tu apprécies particulièrement le travail ?
J'aime les photographes avec qui je partage le pit. Qu'ils soient inspirants ou non, ce sont mes amis et une sorte de famille. Certains photographes font rêver plus par leur "all acces" que par leurs clichés. Ils envoient du rêve car leur accès est privilégié. Si je devais retenir une personne que j'apprécie dans le travail et humainement c'est Laurent Franzi.

Tu fais aussi parfois des photos "posées" pour les groupes, entre le live et le posé, tu préfères quel exercice ?
Les groupes sont surpris quand je leur dit "faisons une photo posée pour une interview" 3 minutes après ils ressortent avec une vingtaine de clichés en me disant "c'est fini ?". Je ne vois pas la photo comme des poses d'une heure. J'aime le live, capturer l'instant, si l'instant est déjà posé, suspendu, la photo ne capte pas d'émotion. Une photo détendue vaudra 1000 photos dites "promo". Les artistes apprécient que je ne leur fasse pas perdre leur temps.

Tu travailles pour deux médias en même temps, comment fais-tu le tri dans tes photos ?
Tout d'abord j'essaie de ne pas faire des photos industrielles à la chaîne. Le but est de se renseigner sur le groupe en amont si je ne le connais pas. J'essaie de faire les photos que j'aimerais qu'un photographe fasse de moi si j'étais sur scène. Sur un festival comme le HF, tu n'as souvent qu'une seule chanson à photographier mais sur des concerts entiers tu as suffisamment de matière pour traiter deux médias (voire trois comme sur le concert de Therapy? avec une photo faite pour le Parisien). Sur www.nawakposse.com, je traite un peu de l'instantané "quelle photo résume la soirée ?" et cette question je me la pose à la sortie de la scène. Sur un média comme W-Fenec j'ai le temps de me replonger dans les photos et de voir des choses qui n'ont pas été remarquées de prime abord. Parfois j'ai des surprises si on prend le temps d'un vrai dérushage comme de découvrir que Rob Zombie avait fixé ton objectif lors du Knotfest. Assez impressionnant avec du recul. Les outils numériques permettent aussi de voir certains détails cachés. Ce sont deux méthodes différentes, une sorte de "Pola" pour Nawakposse, marquer les esprits sur un ou deux clichés et pour W-Fenec, faire un portfolio.

Tu as déjà fait une expo, c'est une chose que tu souhaites reproduire ?
J'ai fait une expo en début d'année. Les centres de la ville de Paris qui m'accueillent sont constamment à la recherche de contenu pour leurs murs. L'expo s'intitulait "A proof of disobedience" car Robert Doisneau disait que pour faire un bon photographe « il faut un peu de curiosité, l'esprit de désobéissance et l'envie de jouer avec les formes et les gens.» Pour revenir à la première question, on trouve certains de mes clichés sous "A proof of disobedience" et je compte bien refaire une exposition sous ce nom. Hors de question d'arrêter de désobéir, c'est vital à ma schizophrénie passion/travail.
Merci à W-Fenec pour l'accueil dans la rédaction et l'espace que vous me donnez ici. Le photographe est rarement dans la lumière.