Muriel Palacio est, comme elle le dit, le chef suprême du politburo du Festival What The Fest qui s'est tenu à Vendargues (près de Montpellier), les 8, 9 et 10 juin 2018. Elle se présente avec humour et franchise, et revient sur les 3 éditions de ce festival.
Muriel Palacio - organistrice What The Fest
Quelle est ta formation ?
Atypique. Trajectoire scolaire bonnes soeurs / uniformes Bac latin+littéraire / histoire. Réaction épidermique : rock'n'roll / punk / fac de langues / voyage voyage voyage/ comédienne de théâtre / retapage de vieilles maisons / licence pro gestionnaire de structures culturelles / Tourneur-manager.
Quel est ton métier ?
J'en ai plein : Administration et diffusion d'une compagnie de rue Bruitquicourt, Chef suprême du politburo What The Fest (prog, coordination, com, etc.), Catering/Traiteur. Mon métier, c'est avoir des projets et d'organiser des trucs, tout le temps. J'ai 3000 idées pourries à la minute. Mais là, je vais lever le pied pour prendre le temps de profiter.
Quelles sont tes activités dans le monde de la musique ?
Piano au conservatoire pendant 10 ans quand j'étais petite avec des couettes et des soquettes blanches, brève tentative de guitar-héroïne sur le tard rapidement arrêtée (super nulle). Grande adepte du live avec beaucoup de concerts depuis mes 15 ans. Manager en carton de Hag (un mec cagoulé avec une basse) mais ça j'ai arrêté, j'ai plus de temps pour cet énergumène, complètement fou. Et surtout donc depuis 5 ans "organisatrice" de concerts avec les Folles Soirées, un mélange hétéroclite de concerts live dans des lieux variés proches de Montpellier puis du festival What the Fest ?.
Ça rapporte ?
Ah ah ah ah ... qu'il est drôle ! Première édition avec Dimoné, Sofy Major, ZOB'. On a eu un méga orage. Bilan : - 3000 €uros. Deuxième édition : "Back in the USSR" avec Igorrr, 2rbina 2rista, Soviet Suprem, Gambeat, dimanche électro... Super bien passé et chouette fréquentation, mais on s'est fait cambrioler chez nous durant le festoche (sans doute par quelqu'un de chez nous). Du coup, bilan : - 5000 €uros vaguement rattrapé par les concerts de soutien et les dons.
Troisième édition : "Sous les pavés, la Plage" avec The young Gods, Senser, Les Tétines Noires, La Phaze. Ben là on s'est pris un vent sur la journée et soirée du samedi. Alors si tu veux, il faut plutôt que j'envoie toute ma famille soit faire les vitres aux feux rouges, soit faire le tapin sur la 113. On s'est bien mangé sur cette édition et je bosse comme une tarée pour combler le déficit de cette année. Je pense que mes enfants vont finir par me faire un procès pour dilapidation d'héritage.
Comment es-tu entrée dans le monde du rock ?
De façon un peu atypique encore. Biberonnée à l'opéra jusqu'à 13 ans (avec des parents mélomanes qui m'emmenaient aux 4 coins de l'Europe), j'ai pris dans la gueule au départ le rock progressif ou psyché avec 10 ans de retard (Pink Floyd, Yes, Jethro Tull, Zappa....) puis le début des années 80 et Paf ! la claque et l'énergie plus la sauvagerie du punk et du rock alternatif. ça grouillait bien à Montpellier à cette époque, c'était vraiment chouette et le début de quelque chose. Montpellier était une des grandes villes Rock : je suis de la génération OTH / Bérurier Noir / The Cramps / Gun Club / Dead Kennedys / The Clash / The Ramones/ Bad Brains/ Exploited.Et puis l'indus aussi, archi fan. Ministry, The young Gods, Treponem Pal à l'époque. Et enfin, je me suis ouverte au métal / hardcore et tous les trucs de type bâtard : de l'électro avec du punk ; du métal avec des instruments trad ; du hip-hop avec du hardcore et les projets zarbis aussi qu'on trouve pas mal dans le noise.. mais pas tout.
Ton coup de cœur musical du moment ?
La méga claque atomique, c'est HO9909 : c'est d'une violence et d'une énergie inouïes. Je voulais qu'ils fassent partie de la prog 2018 mais ils n'étaient pas dispos sur l'Europe à ce moment-là.
Es-tu accro au web ?
De part mes métiers, oui, malheureusement. Mais hors festival, ça va mieux tout de même, j'essaie de me soigner. Enfin c'est plus sur Facebook que le reste en fait, tu sais le réseau des vieux has-been. Mais plutôt de mon ordi, je ne suis pas du tout une android addict, je ne maîtrise pas mon téléphone.
À part le rock et le théâtre (compagnie bruitquicourt), tu as d'autres passions ?
Voyager, mon mec (mon mari même), chiner et j'ai aussi 3 enfants trop la classe : les 2 plus grands écoutent de l'électro et l'ado, de la musique bien pourrie (soupirs) mais ils connaissent les bases. J'ai pas bien fait la passation même si ils ont été biberonnés à Nina Hagen et aux Bérus pour les premiers et un peu plus au métal pour la dernière... ou ils ont fait un rejet.
Tu t'imagines dans 15 ans ?
Ahahahahah ! Attends, j'aurais alors 67 ans. Oops, ben écoute, je sais pas trop, j'espère que je serai toujours dans les fosses à sauter en concert, j'aime ça l'énergie que te donne le ressenti de la musique, les poils qui se hérissent à un timbre de voix, un son d'instru. De l'adrénaline pure. Pour l'instant j'ai pas encore besoin de déambulateur ni de drogues. J'arrive juste des concerts deProdigy et Prophets of Rage et j'ai plus de voix et plus de pieds. Mais à 67 ans, si ça se trouve, je ferai une descente d'organes en plein live. Et j'espère avoir toujours des projets pleins la tête et surtout ne pas me prendre au sérieux. Ça c'est important, rester simple. Ah si, ma prochaine étape serait d'ouvrir un EHPAD thrash parce que sinon, on va bien se faire chier à 80 ans... avec des concerts, du spectacle et des potes.
Pour toi, Montpellier et ses environs, c'est Rock, Electro ou fanfares pour fêtes votives ?
Plus du tout rock, plutôt electro et fêtes votives de piches. Mais il y a pas mal de groupes métal et noise tout de même. Et puis Montpellier, tout est bien bobo et lissé. C'est étrange, on dirait un décor.
A l'origine, tu voulais que Le what the Fest soit un festival alternatif global ou plutôt un festival de musique ?
Plutôt musique si je dois être sincère. Au départ, on était un groupe de potes et il y en avait pas mal de complètement alternatifs dans les modes de consommation, tu vois de type Pierre Rabhi a dit/coupelles menstruelles/si tu manges une tartine de Nutella, tu tues un orang-outang,... tout ça.
Moi j'ai du mal à me reconnaître dans un groupe ou une famille d'individus avec qui j'adhèrerai à tout pour une pensée unique et le manichéisme, c'est noir ou blanc / gentil ou méchant me semble ultra-simpliste. Même pour la musique, j'écoute plein de choses différentes et je peux vraiment autant vibrer sur un Bashung, que d'être happé par le martèlement d'un Ministry, que de sautiller encore sur du Béru, que d'être scotché par Igorrr. Revenons à nos moutons. On est partis sur un festival alternatif global avec un marché des initiatives citoyennes. Mais je dois avouer que quand tous nos potes un peu impliqués macrobio se sont rendus compte de l'investissement perso que cela demandait, pfuiiit ils se sont dissous dans la nature. Je me suis un peu retrouvée à gérer ça (aussi). Mais je trouve ça chouette aussi qu'il y ait ce marché des initiatives citoyennes même si du coup, tout devient mega compliqué quand tu gères des publics différents... Les gens aiment bien être dans des cases. Tu fais un festival métal avec du tatouage, tu fais un festival reggae avec des pipes à chichon, tu fais un festival de transe avec un marché éco-citoyen mais si tu mélanges tout, ils sont complètement perdus.
Une anecdote sur l''édition 2018 ?
Ce n'est pas vraiment une anecdote mais je tiens à saluer le geste de La Phaze et de Radical Prod qui nous ont proposé une méga remise sur leur tarif quand ils ont vu le peu de monde qu'il y avait le samedi sur le festival. Ils étaient vraiment désolés pour nous et pourtant ils ont tout donné en live. c'était un concert privé pour 200 personnes en gros mais ils ont joué comme si on était 10 000 !! Et ça, ça fait du bien de voir que des gens peuvent encore être humains dans ce monde de consommation de masse de la musique. Car je suis très très très pessimiste sur l'avenir des festivals de musique avec des têtes d'affiche. Déjà, tous les multi-milliardaires ont jeté leurs dévolus sur les gros festoches : Vivendi, LVMH, Bolloré.. tout est devenu super capitaliste. J'arrive des Déferlantes (Ndlr : Argelès sur Mer (66) - du 8 au 11 juillet) avec Prodigy, Prophets of Rage. L'habillage, c'est tout simplement horrible, c'est fête à la saucisse et de l'animation pour les masses, avec des écrans de pub qui défilent entre les concerts, à l'américaine quoi. Mais le pire de tout, c'est que c'est avec des groupes que tu aimes. C'est la total déprime. C'est là que tu te dis que l'argent achète vraiment tout et qu'on y contribue tous en y allant. "Rock is dead" dès qu'il atteint un niveau de notoriété.
Chaque édition a un thème bien défini. Pour 2019, tu as déjà une idée ? "
On l'avait. Normalement c'était les 50 ans de Woodstock, "vices and love'. Mais je ne pense pas qu'il y ait d'édition 4 au vu de la perte. Enfin pas sur cette forme aussi énorme en terme d'organisation et de coût. Et en plus on s'est fait tej par la Mairie de Vendargues, il faudrait qu'on trouve un autre lieu ou qu'on s'acoquine à quelqu'un d'autre. Le vendredi à 14h, pour les balances des Tétines Noires, y avait déjà la police municipale sur le site. A 14H !! ça n'avait même pas commencé ! Et des plaintes, et ça n'a pas arrêté de tout le week-end. Tu sais à Vendargues, les spectacles, c'est sosie de Michel Sardou, le frère du sosie de Claude François, de Ricounes et les Counasses. Après, ça les intéresse pas du tout ce qu'on fait, on est même à l'opposé de leurs idéaux sociétaux, c'est une mairie de droite de type catho. Le maire donne ses voix à De Villiers ou Fillon lors des élections, et ça fait 25 ans qu'il est là. Tu vois le genre du truc. Autant te dire qu'on est des ovnis au pays des taureaux.
Merci à Muriel.
Photos : Muriel
Publié dans le Mag #34