Dark Night of the Soul Alors en plein travail sur Dreamt for the light years in the belly of a mountain de Sparklehorse, Mark Linkous surprend son monde en demandant à Brian Joseph Burton aka Danger Mouse de produire ledit effort. La rencontre entre le songwriter multi-instrumentiste indie/rock halluciné et l'un des meilleurs producteurs hip-hop des quinze dernières années (Danger Doom, Gnarls Barkley, Gorillaz, The Good, The Bad and The Queen), étonne au premier abord, intrigue ensuite pour finalement fasciner et enchanter ceux qui auront eu le plaisir de poser une oreille sur l'album en question. Mais en y réfléchissant, cette collaboration n'était pas si incongrue que ça, Danger Mouse ayant à plusieurs reprises travaillé avec des personnalités rock de la trempe d'un Damon Albarn (via Gorillaz notamment) ou avec le duo The Black Keys. Fort de ce premier travail en commun, Linkous et Danger Mouse décident de poursuivre leur collaboration en réalisant un disque à quatre mains. Celui-ci sera un album signé Danger Mouse + Sparklehorse, réunira de nombreux invités de marque et permettra au duo de ne pas se limiter au simple cadre de la musique.

Désireux de créer une identité visuelle propre au projet, ils proposent alors au cinéaste/photographe/musicien/peintre David Lynch de réaliser un recueil de photographies ainsi qu'une installation artistique (que l'on peut voir à la Michael Kohn Gallery de Los Angeles) qui seraient indissociables du contenu audio de ce qui prend alors le titre de Dark night of the soul. Le projet est ambitieux, Linkous et Danger Mouse réunissent alors un casting digne d'un blockbuster pour blinder tout ça. Sont notamment conviés : James Mercer (The Shins), The Flaming Lips, Jason Lytle de Grandaddy, Julian Casablancas (The Strokes), Frank Black (Pixies), Nina Persson de The Cardigans, Suzanne Vega, Vic Chesnutt et Scott Spillane Neutral Milk Hotel, soit du cinq étoiles avec vue sur la mer, sensé assurer le succès artistique et commercial du projet. Et là, coup de théâtre, le disque ne sort pas dans le commerce. La faute à l'intransigeance d'EMI qui en bonne major qui se respecte, fait valoir un obscur problème de droits d'auteur pour empêcher l'album d'exister officiellement. Sauf que Danger Mouse n'en est pas à une provocation près (il avait déjà mis le boxon chez EMI en 2004 lorsqu'il avait sorti un "mash-up" du White album des Beatles et du Black album de Jay-Z), alors il balance l'album sur la toile et invite les internautes à le télécharger en toute (il)légalité. Avant de commercialiser le disque, sous forme d'un CD vierge accompagné du recueil de photos de Lynch, en invitant l'acheteur à télécharger l'album et à le graver directement sur la galette.

Et la musique dans tout ça ? Dark night of the soul est ce que l'on appellera un patchwork. Chaque titre semble avoir été savamment ciselé en fonction de l'interprète choisi, les mélodies se font tantôt désenchantées tantôt plus acidulées, les atmosphères brumeuses et incertaines. Le résultat est souvent assez dépressif, bluesy, d'autre fois plus lumineux et enchanteur, à l'image de leur auteur cyclothymique. En clair, l'album est mélange assez kaléidoscopique de musique au songwriting pop et à la production assez lisse, mise au service d'invités de marque qui rendent parfois justice au projet (Suzanne Vega, Julian Casablancas notamment) ou pas (que vient faire David Lynch au micro ?). Pourtant, il faut être honnête, le résultat déçoit un peu. Malgré quelques éclairs, le côté arty branché, certes passionné mais trop souvent bancal de l'album a tendance à lasser. Surtout si on cherche à écouter les morceaux dans l'ordre. Pourtant les deux maîtres d'oeuvre du projet s'était plutôt bien répartis les tâches : à Mark Linkous l'écriture, à Danger Mouse, le travail sur le son. Mais comme trop souvent, la simple addition de talents n'est pas forcément gage de chef-d'oeuvre. Certes, pris indépendamment les uns des autres, certains titres sortent du lot, à l'image de "Revenge" notamment ou de "Daddy's gone", mais ce projet appelait sans doute un peu mieux. En l'état, il reste un album de rock indé, poétique, bricolé dans son coin, avec ce qu'il faut de petits trucs "inventifs" et de gimmicks électro, une production qui se révèle paradoxalement plus "clean" que sur les album de Sparklehorse et qui possède néanmoins suffisamment de quoi attiser notre intérêt.