Dan San 1 Vous saviez qu'il y avait un groupe qui s'appelait Dan San Band ?
(les deux en même temps) Ah ouais !
Jérôme : On a découvert que c'était un groupe américain qui, je crois, fait de la country rock. On ne les a jamais rencontrés mais ce serait avec plaisir.

Le courant folk-pop est souvent représenté par de fortes personnalités qui ont monté leurs propres groupes ? Vous me confirmer que Dan San est bien un groupe ? Et si c'est le cas, est-ce une démocratie ou une oligarchie ?
Thomas : À la base, Dan San s'est construit autour d'un duo, c'est à dire nous deux. On a commencé à faire de la musique ensemble sur la même guitare et le même jour, pour être tout à fait précis. On devait avoir 14 ans par là, et on a commencé à faire nos premières chansons comme un duo à la Simon & Garfunkel, un groupe qu'on appréciait beaucoup. On a commencé à faire des harmonies de voix aussi à ce moment-là, et par la suite, on a découvert d'autres musiques qui nous ont menés vers d'autres envies. On avait le désir de faire de la musique plus orchestrée, donc jouer en groupe, et c'est à partir de ce moment-là que d'autres personnes sont venues se greffer au projet : un percussionniste, un bassiste, une pianiste, un violoniste, un batteur et tout ça à des moments différents de l'aventure du groupe. À chaque fois qu'une personne arrivait, elle s'intégrait dans le processus créatif. Le côté duo se retrouve beaucoup moins dans Dan San aujourd'hui, même si les bases des chansons sont amenées à 90% par Jérôme et moi-même. Bien sûr, chaque membre exprime ses envies donc on peut vraiment parler de groupe maintenant.

Comment se passe la tournée depuis la sortie de votre dernier disque, Shelter ?
Jérôme : Super bien, on s'amuse comme des dingues. On a l'opportunité en plus, par rapport à la tournée du disque précèdent, de pas mal voyager. On est notamment allé au Canada deux fois cette année, on va certainement y retourner. C'est assez agréable de confronter notre musique à de nouveaux publics mais aussi à des gens qui nous ont vu avant. C'est plaisant... mais crevant (rires). Mais ça fait partie de la vie d'un groupe !
Thomas : C'est un projet qui se développe pas mal par le live. Depuis le début de la tournée, on n'a pas fait de hits en radio, on fait vraiment voyager notre musique en l'emportant avec nous et en la jouant partout. C'est la manière dont on développe ce disque et ça nous permet de rencontrer en direct notre public. Ça nous met dans des situations assez folles. Rien qu'hier on a passé une superbe soirée avec des gens qu'on n'avait jamais rencontré avant. Ils nous ont fait à manger, ils nous ont laissé entrer dans leur intimité en très peu de temps. En fin de soirée, c'était presque devenu des potes de longues dates. Et quand tu les quittes, tu te dis que tu les reverras peut-être plus jamais. Rencontre éphémère mais intense.

Je vous ai vu en juillet dernier à Dour, vous reveniez du Québec.
Thomas : Dis-le ! Dis-nous qu'on était crevé ! Tu peux ! (rires)
Non, ça ne se voyait pas tant que ça en fait, le show était super bon. Je voulais vous dire que j'ai appris que vous étiez retourné au Québec en septembre, vous allez finir par y habiter ?
Thomas : Non, on est quand même bien là où on est. On habite Liège, on n'y est assez attaché. Mais le Québec, c'est aussi une région vraiment attachante qu'on adore et on signe dès demain si on nous appelle pour y rejouer.
Jérôme : Y habiter, je ne sais pas. Mais y retourner, ça c'est sûr.

Alors, racontez moi un peu votre tournée là-bas. Comment tout ça s'est-il organisé ?
Jérôme : En fait, on a signé sur un label canadien qui s'appelle Simone Records (Ariane Moffatt, Karkwa, Dany Placard) lors de la préparation de la sortie de Shelter. On a fait une vraie rencontre humaine avec ces gens-là, des gens qui maintenant comptent beaucoup pour nous dans le projet Dan San. Ils ont sorti l'album au Québec et assez rapidement ont senti qu'il y avait un vrai potentiel à aller le défendre là-bas. Donc on est parti pour 4-5 dates en juillet, il y a eu de supers retours et tout, et assez rapidement ils nous ont demandé de revenir pour une autre tournée en septembre.
Thomas : Ils nous ont fait jouer à leur festival, le FME.
Jérôme : Ouais, c'est incroyable ce Festival de Musique Émergente, un lieu où tous les professionnels d'Amérique du Nord se rejoignent pour aller découvrir des nouveaux projets. Et c'est très très loin des grandes villes comme Montréal ou Québec, c'est 8h ou 9h de route pour s'y rendre, c'est à Rouyn-Noranda dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. L'expérience est assez magique, à commencer par le trajet où tu vois ces espèces de grands espaces.
Thomas : On dormait la nuit dans un petit chalet en face d'un lac, et pour arriver à ce petit chalet on croisait des bêtes sauvages comme des orignaux ou des ratons laveurs.
Jérôme : Ouais, c'était un peu dingue. On a fait des rencontres vraiment chouettes dont des Français qui étaient aussi invités à ce festival comme La Colonie de Vacances avec les mecs d'Electric Electric notamment. Leur show était incroyable. On est aussi devenu super pote avec des Canadiens qui font des vidéos, bref, c'était une tournée assez folle, très intense et marquée par de fortes rencontres.

Vous n'êtes jamais passé par un crowdfunding pour financer vos différents projets avec Dan San ?
Thomas : Non, jamais. Je ne juge pas cette démarche qui peut être appropriée pour certains projets, mais nous, on a une manière de fonctionner qui fait que les revenus d'une tournée sont mis de côté pour financer le prochain disque. Et puis, en Belgique, on a des aides sous forme de subventions donc on n'a jamais pensé au crowdfunding car on s'est toujours organisé en amont pour pouvoir être auto-suffisant, on va dire ça comme ça.
Jérôme : En fait, on s'est retrouvé auto-suffisant avant que le crowdfunding existe. Et c'est simplement pour ça qu'on n'a jamais fait appel à ce genre d'aide. Si ça se trouve, à l'époque on l'aurait fait. Mon avis là-dessus, c'est que tout ce qui encourage la culture, c'est bien.
Thomas : Fédérer son réseau autour de sa musique et de voir des gens qui ont envie de prendre part activement à la culture et aux projets des groupes qu'ils ont envie de défendre, ça c'est très bien. On l'a jamais fait mais pourquoi pas un jour.

Passons maintenant à ce nouvel album : Je trouve que Shelter sonne plus pop et moins folk que Domino. Ça reste certes du Dan San de haute qualité mais de votre point de vue, quelles différences importantes entre les deux sont à souligner ?
Jérôme : Pour Domino, on a commencé à composer avec des guitares et du chant par-dessus, on a enregistré ce qu'on avait répété et puis on a décidé d'aller dans une direction qui était la surenchère de pistes. On a enregistré énormément de choses, les unes sur les autres, on a beaucoup édité car on pensait que c'était ça qu'il fallait pour notre musique à l'époque. On a essayé d'amener notre musique vers quelque chose qui semblait être parfait à nos oreilles, quelque chose de très orchestré. Voilà, pour moi, Domino c'est ça. Avec Shelter, il y a une énorme différence. D'abord, on est allé chercher un producteur parisien qui s'appelle Yann Arnaud (Air, Syd Matters, Phoenix). Cette personne a énormément fait le tri dans notre manière d'aborder l'enregistrement. Quand on s'est retrouvé avec lui en studio, il avait envie qu'on sache jouer les morceaux en live, donc il a enregistré la base des morceaux en live, c'est à dire guitare, basse, batterie et piano, les voix se sont faites à côté car c'est un peu plus compliqué à gérer. C'est une approche complètement nouvelle pour nous et Yann laisse certains défauts qu'on aurait tenté d'effacer auparavant. Pour lui, ce sont aussi des défauts qui font un morceau. Pour répondre à ta question, la différence entre Domino et Shelter, c'est la capture de l'émotion plutôt que tendre vers un truc parfait qui est propre au studio. Il y a moins de contrôle sur ce disque et puis on peut remarquer aussi la présence plus importante de synthés et de guitares électriques. Ouais, c'est moins folk, peut-être un peu plus pop, j'en sais rien. En tout cas, c'est plus mature.
Thomas : C'est moins déconstruit je dirais. Il y a des titres sur Domino qui correspondait à 150 pistes les unes au dessus des autres avec énormément de violons. On avait l'impression que la qualité d'une chanson se mesurait en nombre de pistes enregistrées et en complexité de structure. On aimait bien faire des chansons alambiquées, un peu folk-progressif à certain moment, on essayait de mettre toutes les idées qui nous passaient par la tête dans une seule et même chanson. Résultat : on avait une chanson de 5 minutes qui partait dans tous les sens et dans laquelle on ne répétait pas deux fois les mêmes parties. Ça, c'est la signature de Domino. Quand on a fait écouter nos nouveaux morceaux qui étaient déjà un peu moins complexes et orientés pop, parce qu'on arrivait à une période de nos vies où effectivement on écoutait plus de musique pop, plus de musique simple que compliquée, Yann Arnaud nous a encore fait simplifier notre démarche de création. Là ou certaines chansons faisaient un peu montagnes russes, il nous disait de les jouer en ligne droite sans trop de changement de rythme. On s'est rendu compte grâce à lui qu'on prenait trop de détours et que rendre une chanson plus simple allait automatiquement la rendre plus lisible pour l'auditeur. On lui a fait confiance et on est parti dans cette direction.

Dan San - Shelter Choisir Yann Arnaud comme producteur, c'était pour vous une manière de passer encore un nouveau palier dans votre évolution, ou c'est juste une situation normale d'appeler quelqu'un de compétent pour faire un album ?
Jérôme : C'était la première fois qu'on faisait appel à un producteur, on faisait tout nous-mêmes avant. À la fin de la tournée précédente qui représentait plus de 100 concerts, on s'est imposé quelques mois de pause car on était constamment les uns sur les autres, on avait besoin de respirer un peu. Quand on a repris ensemble, on n'avait pas composé depuis un bail, et on s'est rendu compte que nos exigences avaient réellement augmenté depuis le dernier album, tant sur la qualité du son que sur ce qu'on voulait faire en terme de compositions. Si tu as six personnes dans une pièce qui savent exactement dans quelle direction elles veulent aller, quel son de clavier ou ampli de guitare elles veulent utiliser, quelle manière d'amener le couplet, le refrain ou le pont, etc... Bref, au bout d'un moment, ça devenait impossible d'avancer ! Il fallait qu'on choisisse un capitaine pour tenir la barre de ce bordel, qui ait du recul sur les choses. C'était évident qu'il nous fallait un producteur. Assez rapidement, on est allé sonner à la porte de Yann car c'est une personne qu'on retrouve dans les crédits d'une bonne partie des disques qu'on adore...
Thomas : Et qu'on a tous en commun ! Parce que les membres de Dan San ont chacun des goûts musicaux très différents. Mais on s'accorde tous sur le fait qu'on adore Syd Matters, Air et Phoenix, ces trois groupes sont un carrefour génial pour nous.
Jérôme : On l'a rencontré une première fois, ça s'est super bien passé. Et l'enregistrement nous l'a confirmé, c'était la bonne personne pour faire ce disque. Humainement, il est rassurant. C'est un peu un sociologue, il a su cerner les qualités et les personnalités de chacun pour les utiliser au mieux dans ce projet, tout en essayant d'éviter de créer des conflits.

Quand vous êtes entré en studio, les morceaux étaient-ils figés prêts à mettre en boite ?
Thomas : Ça dépend lesquels. Certains morceaux étaient assez définis, on savait où on voulait aller, il n'y avait plus de doute, le producteur et nous-même les ayant validés. Et puis d'autres sur lesquels on avait encore pas mal d'interrogations, on s'est dit qu'on allait laisser la magie de l'instant opérer. Je pense à une chanson comme "The call", on n'avait pas de refrain le jour où on l'a enregistrée, on est donc allé la finir dans un coin du studio avec nos guitares et on l'a enregistrée dans la foulée. La veille, on ne savait pas à quoi elle allait ressembler, mais on la voulait absolument sur le disque car elle est pleine de fraîcheur, elle est plus spontanée et moins réfléchie que les autres titres du disque. Concernant "Somewhere", la dernière plage de Shelter, on s'était mis d'accord pour la virer mais Max, le bassiste, nous a convaincu qu'il y avait quelque chose à faire avec. Yann nous a alors tous séparé dans des pièces différentes, on avait chacun un casque pour entendre ses consignes en direct. Il nous totalement dirigé en direct sur ce morceau tel un chef d'orchestre : "joue au doigt, enlève le timbre de ta caisse claire, baisse le rythme de tant de BPM...". On l'a suivi aveuglément et au final, la chanson a été transformée, c'est devenu une ballade qui fait partie des chansons qui nous touchent le plus sur ce disque. C'est drôle parce que cette chanson vient de nous, ce sont nos accords et tout, mais en définitive elle n'est pas totalement de nous.
Jérôme : C'est ça ! C'était bizarre parce que pour l'enregistrement de "Somewhere", on ne pouvait pas communiquer entre nous, entre chaque pièce. Au moins, il n'y avait pas de conflit possible. Seul Yann parlait et savait exactement où nous mener. L'exercice s'est très bien passé et c'est devenu l'une de mes chansons préférées de Shelter.

Le travail sur vos voix me fait penser notamment à celle de Fleet Foxes, je crois savoir que vous êtes fans des Américains. Qui vous a influencé pour ce travail sur les voix ?
Jérôme : Le travail des voix est historique dans Dan San. Comme disait Thomas tout à l'heure, on a dès le départ chanté à deux et il ne nous est jamais passé à l'esprit de chanter à l'unisson ou la même ligne de chant. On avait envie d'harmoniser tout ça assez rapidement. C'est dû notamment à ce qu'on écoutait petit, à ce que nos parents écoutaient, c'est à dire des groupes comme Crosby, Stills, Nash & Young, Simon & Garfunkel et puis tous les monstres du rock comme Queen. Il s'agit de notre culture musicale. Et puis quand on a rajouté des membres au projet, on s'est vite rendu compte qu'ils chantaient tous bien donc on a recherché un moyen de mettre ça en place tous ensemble. Avec le temps, tu as des formations comme Fleet Foxes ou Grizzly Bear qui ont développé ça et, assez logiquement, on s'y est intéressé car on s'est rendu compte qu'au final on avait plus ou moins les mêmes influences qu'eux et un attrait commun pour les harmonies de voix.
Thomas : On essaye d'élargir ça le plus possible en live tous les six. Par exemple, Laetitia notre claviériste n'avait ni chanté sur le précèdent disque, ni sur la tournée qui avait suivie, alors que maintenant c'est le contraire. Elle fait autant des incursions que des chants principaux sur les nouveaux titres, et son implication donne au projet une valeur plus importante. Ça donne un éclairage nouveau sur les personnalités du projet car tout le monde peut s'exprimer, c'est vraiment chouette.

Que conseilleriez-vous comme groupes à découvrir ou redécouvrir à ceux qui aiment Shelter ?
Jérôme : Syd Matters, ça c'est certain, parce qu'on a travaillé avec le même producteur et qu'un de leurs membres, Olivier Marguerit, a joué sur Shelter. D'ailleurs, son super projet solo nommé O est à découvrir. Il doit bien y avoir aussi quelques groupes belges...
Thomas : Oui, que ce soit en Wallonie ou en Flandres, il y a de supers groupes belges.
C'est justement l'objet d'une des prochaines questions...
Thomas : Ok, je t'en parlerai à ce moment-là.

Est-ce que dans la douce mélancolie que vous diffusez à travers votre musique, se cache une certaine forme de rage ou de violence ?
Thomas : Oh oui, c'est sûr ! C'est marrant parce qu'hier je posais la question suivante à Olivier, notre batteur : "Est-ce que tu passes la plus grande partie de ta vie à être heureux, ou à être malheureux, te poser plein de questions et de torturer l'esprit ?", il m'a répondu : " Ben clairement, me torturer l'esprit". Dans une situation un peu parallèle, j'observe qu'on a tous dans le groupe une part sombre dans notre personnalité. Il y a une certaine noirceur dans nos textes, une mélancolie dans notre musique qui est omniprésente. Shelter est un disque qui parle de mort, de suicide, de peurs, de questionnements. On a tous une part de rage ou de violence en nous, mais c'est pas ça qui prédomine chez nous.

Le clip de "Dreams" se passe au Québec, mais le clip d'"America", il se déroule où ?
Jérôme : Il a été tourné en Europe, c'est un long road-trip qui débute en Belgique et qui parcourt la France et l'Allemagne et qui s'achève en Suisse. On avait envie d'illustrer cette chanson qui parle de voyage, que ça soit intérieur ou de voyage physique, de l'envie de tout quitter mais aussi de revenir. Je pense que tout être humain passe par cet état d'esprit-là au moins une fois dans sa vie. On avait envie d'un clip qui exprime ça mais qui ne soit pas situable. J'ai pas l'impression, quand on regarde le clip, qu'on puisse situer précisément l'endroit ou le pays dans lequel se trouve le personnage, on pourrait même croire que c'est aux États-Unis. Donc on a voulu mettre en scène une personne qui s'enfuit qu'on ne verrait jamais de face.
Thomas : C'est le collectif liégeois Sauvage Sauvage qui a réalisé le clip, ils sont parti une semaine pour tourner les images. On a eu plusieurs réunions avec eux et ils nous ont proposé cette idée de mec sur sa mobylette, un truc un peu bancal mais assez poétique je trouve.
Jérôme : C'est fragile mais en même temps puissant par l'image.

On a beaucoup parlé de la scène rock belge ces deux dernières décennies avec dEUS, Ghinzu, Girls in Hawai, mais est-ce qu'il y a une scène indie-folk belge ?
Jérôme : Une scène indie-folk, ça je ne sais pas du tout. En revanche, une scène indie-rock, c'est certain.
Thomas : Moi, j'ai toujours du mal à me dire qu'il y a une scène musicale qui se démarque de Belgique. Je pense que les artistes belges prennent tout ce qu'il y a de bons autour d'eux, que ca soit en Angleterre, en France ou en Allemagne, elle va te faire une espèce de melting-pot qui au final va devenir une musique très personnelle. Mais peut-on rattacher des groupes entre eux et dire qu'ils font partie de la même scène ? Franchement, je ne sais pas. Il y a un groupe super en ce moment à Bruxelles qui s'appelle Robbing Millions, je retrouve dans leur musique autant des sonorités venant de la pop danoise que de la musique américaine un peu folle à la MGMT. En indie-rock, t'as les BRNS aussi, mais à Bruxelles il y a plein de formations qui sont issues de la même scène parce qu'il se connaissent tous. D'une manière ou d'une autre, on finit tous par devenir copains parce que j'imagine qu'on fait une musique qui a la même couleur.
Jérôme : On a tellement le nez dedans qu'on ne saurait donner un avis sur la question.

Mais vous ne vous êtes jamais retrouvé en Belgique sur un plateau qui accueillait un groupe dans la même veine musicale que vous ?
Jérôme : Il y une semaine, on s'est retrouvé à jouer le même soir avec BRNS, ils ne font pas la même musique que nous. Pourtant, je pense que si on a joué ensemble, c'est qu'il doit y avoir des liens entre nos deux styles. À vrai dire, l'histoire des scènes musicales en Belgique, on s'en fout.
Thomas : Tu trouves qu'il y a un son belge reconnaissable ?

Absolument pas ! Par cette question, je veux signifier que comme la scène belge est foisonnante en terme de nombre de groupes rock indé et tout ce qui s'y assimile, je me demandais si dans la sphère folk, c'était la même chose. Et puis, surtout ajouter dans le même temps qu'il y a une certaine consanguinité dans les groupes belges, on retrouve toujours un membre du groupe X dans Y ou Z
Thomas : Ah, ça c'est vrai. On est concerné par ça aussi, je pourrais te citer une dizaine voir une quinzaine de groupes dont les membres jouent ou ont joué dans Dan San. Dans notre formation actuelle, tu as des membres de Sharko, de Pale Grey, de Yew, de The Feather, de Gaëtan Streel, de Dalton Telegramme, de Mademoiselle Nineteen, et je pourrais encore continuer longtemps. Et ce qui est bien en Belgique, c'est que comme c'est un petit pays, je dirais que c'est surtout humainement qu'il y a un lien. On a partagé la scène avec Balthazar, Warhaus et j'en passe, et il y a fatalement des liens qui se créer plus avec certains groupes que d'autres. Ils te remettent à chaque fois que tu les recroises sur une scène, donc voilà, il y a des affinités entre musiciens et je trouve que, d'un point de vue personnel, on est pas confronté en Belgique, que ce soit du côté Flamand ou Wallon, à une certaine forme de compétition.
Jérôme : Aucun groupe belge n'est en compétition, c'est ça qui fait la différence aussi. Tous ceux que j'ai rencontré depuis que je joue de la musique sont dans un mode d'entraide, genre : "T'as besoin d'un musicien, d'une guitare ? Pas de soucis ! Oh, félicitations pour votre dernier album !". Personne ne va rentrer dans le délire : "Putain, il m'a piqué ma place dans ce label !".
Thomas : Voilà, il y a pas de jalousie. Si un groupe marche, on est super content pour eux. C'est stimulant de se motiver entre Belges.

Est-ce que Liège est un lieu plein d'inspiration dont vous vous servez dans vos compositions ou pour l'écriture des textes ?
Jérôme : Liège, c'est une histoire d'amour. Quand on est loin de notre ville, elle nous manque assez rapidement. Inévitablement, elle nous inspire mais je ne saurais dire dans quel domaine. Faut savoir que Liège est une petite ville, beaucoup de gens se connaissent donc c'est très facile de rentrer dans un cercle, c'est une ville d'amitié très forte. Benoit Poelvoorde disait une phrase sur Liège que j'adore : "Y a même pas besoin d'aller en boîte de nuit à Liège... La ville est une boîte de nuit. Tu laisses ta voiture à la sortie d'autoroute. Tu descends à pied, t'es déjà en train de faire la fête !". Cette vision de Liège est totalement vraie, et il ajoute : "Tu t'assois cinq minutes à une terrasse d'un café et, en cinq minutes, même si t'es tout seul, t'as dix copains ! Bon, après, faut avoir un bon foie."
Thomas : Ce sont les gens qui font la renommée de cette ville et pas son côté architectural ou touristique. Il faut juste connaître le petit café au milieu de rien du tout où tu vas passer une magnifique soirée juste parce que les gens sont cools. C'est une ville très ouverte qui encourage la culture par des initiatives prises par des gens motivés. Tu as des coopératives qui se mettent en place, des associations sans but lucratif qui valorisent le participatif et l'humain. Bref, ça bouge pas mal et de plus en plus. Je ne sais pas si je suis inspiré par la Meuse ou les buildings de Liège mais je sais que j'ai juste besoin de me sentir bien pour pouvoir écrire. Et comme je me sens bien dans cette ville...

Dan San 2 Votre musique est très cinégénique, est-ce comme Syd Matters vous avez déjà réalisé des bandes son de film ?
Jérôme : Avec Dan San, non. Séparément, Thomas et moi avons déjà bossé sur des musiques de film.
Thomas : Ouais, court métrage et théâtre. Personne n'a encore sollicité Dan San pour ce genre de travail. Je pense que peu importe le projet, si on nous le demandait, on le ferait et ce serait une occasion de bosser la musique différemment tout en s'éclatant. Une belle expérience à faire.

Dernière question : l'avenir proche ou lointain de Dan San, ça va ressembler à quoi ?
Jérôme : On va continuer à tourner un petit peu, car il y a des dates de prévues en Suisse, en Belgique et en France.
Et au Québec...
Jérôme : Peut-être bien, ouais ! Pour l'instant, c'est l'Europe. La suite, on verra si on fait une pause ou pas, y a aucune raison de décider maintenant.
Thomas : C'est clair, pour le moment on se focalise sur les chansons à défendre sur scène. On verra bien, on a tous des envies différentes et puis chacun a ses autres projets à côté. D'ailleurs, des albums sont actuellement en cours de travail, et ça prend du temps pour les défendre.
Jérôme : En même temps, on fonctionne comme ça depuis le début. Et le fait d'avoir des groupes ou des projets solo à côté permet de faire mieux avancer Dan San car on évite de se répéter.

Mais vos projets à côté, ce sont des styles similaires ?
Thomas : Ça reste grosso-modo de l'indie-rock chanté en anglais, parfois c'est teinté d'électro, parfois c'est plus pop avec un gros travail sur les mélodies. Ce sont des groupes avec des approches différentes mais la volonté reste toujours de tendre vers la musique indépendante.

Vous pouvez me rappeler les groupes dans lesquels vous jouez en dehors de Dan San?
Thomas : Je joue dans The Feather.
Jérôme : Et moi dans Yew, qui fait plus grand chose pour le moment, je joue aussi avec Gaëtan Streel et je fais partie de la chorale de Piano Club.
Thomas : Max, notre bassiste, joue dans Pale Grey, un groupe électro-rock qui vient de finir son album chez Yann Arnaud, et qui sortira courant 2017. Laetitia, notre claviériste, a un projet solo dont le nom n'a pas encore été divulgué, mais elle est en train de faire un disque. Notre batteur joue dans Sharko, Dalton Telegramme, Mademoiselle Nineteen, pis des trucs qu'on a oublié. Donc, tu vois, faut trouver de la place pour caser tous ces projets là aussi. Mais Dan San reste le projet principal au centre de tout ça !