Monkey - Journey to the west Il fallait le faire, en avoir l'envie, l'ambition même, le talent (accessoirement) et l'ego plutôt surdimensionné qui va avec. Il l'a fait. "Il", c'est Damon Albarn, musicien prodige, homme de base de Blur, moitié de Gorillaz, architecte de l'arnaque The Good, The Bad and The Queen et instigateur et/ou collaborateur précieux (ou pas) de tout un tas d'autres trucs. En clair, un vrai génie, capable de casser la baraque comme de se planter en beauté. L'objet du délit : Monkey : Journey to the west, un opéra contemporain adaptant un grand classique de la littérature chinois, "Le voyage en occident", roman-fleuve signé de la plume d'un certain Wu Cheng'en. L'histoire : le périple fantastique entre le Chine et l'Inde d'un bonze chinois, Xuanzang, notamment accompagné par un singe répondant au nom de Sun Wukong. De ce matériau littéraire, Albarn, accompagné de son acolyte de Gorillaz (Jamie Hewlett), ont écrit et mis en scène un opéra (notamment joué à Paris il y a quelques mois) et compilé une bande-son de quarante cing minutes et quelques vingt-deux plages couchées sur le disque présentement chroniqué.
Mélange assez curieux d'électro post-moderne, de musiques traditionnelles chinoises et de petites bizarreries égocentriques mais (parfois) délirantes, l'album est à écouter de préférence d'une seule traite (pour ceux qui tiendraient jusqu'au bout) à moins de perdre le fil après trois titres. Car problème (et d'importance) : si le "Monkey's world" inaugural se veut immersif en étant une intéressante introduction à l'oeuvre des deux petits génies anglais, ce qui suit ressemble dangereusement à une vague bouillie sonique dans laquelle Albarn a mixé vélléités pop, bidouillages électroniques ("Confessions of a pig"), chants traditionnels orientaux ("The living sea" / "Iron rod", "Whisper" / "Sandy the river demon") et musique classique ou contemporaine ("Battle in Heaven", "Disappearing volcano"). Le résultat aurait pu être brillant, là, l'album est à quelques rares exceptions près ("Heavenly peach banquet") proche de l'inaudible, pris dans son entièreté ou en fragmentant l'écoute. Alors certes, Monkey : Journey to the west est peut-être à voir sur scène comme un spectacle vivant, ce qu'il est à l'origine... mais sur CD, malgré une poignée de jolies mélodies ("I love Buddha"), c'est un grand n'importe quoi emballé par deux artistes qui ont presque commis un hold-up parfait. Presque on a dit. Parce que là, alors qu'on attendait un "truc", une explication, un "twist" final qui remettrait tout dans le bon ordre, on a surtout l'impression d'avoir écouté le caprice discographique d'un musicien certes doué (et de son acolyte tout aussi brillant), mais ici emballés dans des délires mégalomaniaques insaisissables.