Dale Cooper Quartet & The Dictaphones Dale Cooper Quartet & The Dictaphones est une entité évoluant dans la mouvance la plus indépendante de la scène musicale actuelle, soit dans des contrées ambient/dark/doom jazz bruitistes, organiques et minimalistes qui en général, intéressent quelques dizaines de personnes... dans le meilleur des cas. Et pourtant, Paroles de Navarre, le premier album du projet, sorti à l'origine en 2007 et réédité il y a peu par Denovali Records (à qui l'on doit notamment les découvertes de Mouse on the Keys ou The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble) alors qu'un second disque est actuellement dans les cartons du groupe, ne manque certainement pas d'intérêt.

Errance doom/jazz sombre et noctambule à travers un film noir imaginaire comme sorti tout droit de l'esprit du cinéaste David Lynch (Lost Highway, Mulholland Drive, Inland Empire...) quand celui-ci ne fait pas n'importe quoi avec ses instruments, des titres malmenant la grammaire française en même temps qu'ils instillent le trouble chez l'auditeur ("Ta grenier", "Une cellier", "La boudoir"), le groupe développe ici une musique aux ambiances troubles et hypnotiques, insaisissables et envoûtantes. Un zeste de Twin peaks (Lynch toujours) en plus pour l'atmosphère énigmatique qui se dégage des morceaux et une constante, on l'a évoqué précédemment, à savoir les ombres "lynchiennes" (encore oui...) qui planent sur ce projet, jusqu'à son patronyme du reste (Dale Cooper était l'enquêteur devant élucider le meurtre de Laura Palmer dans Twin Peaks).

Les morceaux se suivent, se ressemblent assez, ou du moins suffisamment pour former un tout cohérent au sein duquel chaque pièce s'imbrique parfaitement et devient de fait indispensable au bon fonctionnement de la mécanique jazzy du groupe. Laquelle, basée sur un minimalisme fondamental de façade ("Ma dressing") n'en demeure pas loin en perpétuelle évolution, comme dirigée par un fil invisible capable de s'immiscer dans l'esprit de l'auditeur, l'envoûter littéralement, pour l'emmener vers des contrées rarement explorées ("Aucun cave", "Ma couloir"). On l'a compris, derrière ces titres aux "genres" incertains, le Dale Cooper Quartet & The Dictaphones développe une musique à l'architecture à la fois simple et complexe, une oeuvre où les pièces la composant se disposent de différentes manières, se déplaçant sur un échiquier doom/jazz/ambient comme des cloisons coulissantes ("Sa vestibule", "Mon bibliothèque" fleuve et labyrinthique) avant de conclure sur le diptyque "Elle corridor" / "Lui hall". Intrigant mais fascinant.

PS : Paroles de Navarre se digère aussi même si on n'a pas tout compris à Mulholland Drive (voire rien compris du tout).