La vie de The Craftmen Club n'est pas un long fleuve tranquille, le groupe est en effet repassé à quatre en 2015 quand Mikael Gaudé a décidé d'investir plus de temps dans son projet solo Rotor Jambreks. Les Guingampais sortaient d'une année faste, celle de la sortie de l'excellent album Eternal life, de nombreux concerts et même d'une victoire en coupe de France pour les Rouge et Noir qui faisait d'un morceau des Craftmen un des hymnes du club. Fin 2017, leur retour prend le nom de Colores mais se fait en noir et blanc... avec un joli dégradé de gris.
L'éventail des couleurs proposé par les Bretons n'est en effet pas aussi binaire qu'il n'y paraît, d'une pop doucereuse blanc-rose au rock granuleux noirâtre, ce nouvel album scintille de diverses teintes et brille par ses rythmes, qu'ils soient appuyés ou chaloupés, on finit toujours par se faire accrocher... Et si les ambiances, les saturations et les rythmes ne diversifiaient pas assez les sensibilités, le quatuor switche la langue, passant avec facilité de Molière à Shakespeare sans sourciller et réussissant à écrire des tubes plaisant(s) d'un côté comme de l'autre de la Manche (j'ai un petit faible pour "La route" en français mais difficile de la confronter/comparer à "Love"). Peut-être plus posés, profonds et écrits quand ils sont dans leur langue natale ("Nos enfants rois"), les morceaux gagnent en légèreté et en dynamisme quand ils prennent l'accent des Pulp, des Blur voire des Bloc Party ("Last Trip").
Fidèles à leur identité pop rock, fidèles à la qualité exigible pour sortir un LP, fidèles à leur label Upton Park (Im Takt, Svinkels, Matmatah...), The Craftmen Club ne déçoit personne avec Colores. Un bel album, homogène, adulte, à la fois sombre et sexy, l'adjectif idoine si j'étais une demoiselle enamourée serait "ténébreux", histoire de remplacer le trio charmeur, mystérieux et irrésistible.
Publié dans le Mag #31