Constants - Pasiflora Après deux albums de post-rock hautement émotionnel aux vibrations rarement égalées à ce niveau, Constants fait des allers-retours entre labels. Passant ainsi de The Mylene Sheath à Make My Day Records (ADAI, Caspian qui était auparavant chez TMS) avant de revenir pour Pasiflora chez... The Mylene Sheath. Et là surprise, si l'on s'attendait à du post-rock classieux et élégant dans la veine de ce que le groupe avait su distiller sur ses deux précédents opus, on comprend rapidement la tonalité un peu girly du visuel. Car Constants, s'il ne délaisse pas complètement les territoires musicaux dans lesquels il a largement fait sa réputation, opte ici pour une orientation résolument dream-pop/shoegaze indie des plus ravissantes.

Dès les deux premiers titres, les Bostoniens mettent leur auditeur sur orbite. On a l'impression d'être chez un My Bloody Valentine du nouveau millénaire. La révolution musicale en moins certes, mais la dynamique très soutenue en plus. Rythmiquement, Constants ne s'en laisse pas compter et en profite pour donner du corps à des mélodies délicieusement embrumées ("Sunrise", "Hourglass"). La où le groupe excelle, c'est dans la capacité qu'il a à insuffler une densité étourdissante à ses compos, les laissant se développer par elles-mêmes avant de reprendre la main et de les emmener très haut, très loin dans la stratosphère, héritage de post-rockeurs émérites oblige ("Passenger"). Un voyage à travers des paysages rêvés, fantasmés même, entre pop scintillante et shoegaze obsédant, une vraie couleur old-school nappé d'une patine plus moderne ("Mourning").

Pop/Shoegaze peut-être mais cela n'empêche pas pour autant les américains d'y aller gaiement dans la frappe de batterie sur un "Beautiful" contrebalancé par un chant velouté et habité par les ombres d'une ambiances 80's/90's parfaitement étudiée. Pourtant, loin d'être has-been dans son approche créative, Constants pousse son concept jusqu'à ses extrémités, quitte à les dépasser quelque peu et à aller un peu loin en de rares instants ("Pressure") avant de se remettre à tutoyer les cieux avec un interlude ("Sunset") ouvrant la voix à un "Austere" aussi pénétrant qu'envoûtant. Surprenant mais réussi, Pasiflora est de ces albums qui bouclent la boucle, quitte à prendre tous les risques pour suivre et assumer jusqu'à son terme leur ligne de conduite. De fait, si cela ne fonctionne pas toujours merveilleusement bien (un "1985" à la production qui sonne trop light), le dernier-né des prolifiques Constants (3 albums long-format en quatre ans quand même) est également le théâtre de très beaux moments de musique aussi explosive que raffinée, pudique que démonstrative.

Un enivrement quasi. constant (facile) qui, s'il n'efface quelques errements ou affiche un peu trop clairement les limites d'un concept casse-gueule, offre également au groupe le terrain d'expression idéale pour dynamiter sa créativité, se mettre en danger et tenter de se renouveler encore et encore. En cela, l'intention est plus que louable ; le résultat, à l'image du "Crosses" final régulièrement très classe.