Ethereal Riffian - Legends Ce n'est pas parce que nous ne sommes si peu de choses dans cette histoire que l'on doit faire comme si de rien n'était. Loin de nous l'idée de prendre ouvertement position dans ce conflit qui oppose la Russie et l'Ukraine (c'est un métier aussi d'être expert géopolitique et on vient à peine de terminer d'être infectiologue, laissez-nous respirer deux-minutes), mais il convient de rappeler que si la folie de quelques-uns - les fameux excités du gros bouton rouge - ne pourra jamais détruire un peuple tout entier, elle ne pourra encore moins annihiler sa culture, notamment musicale en ce qui nous concerne (on parle bien entendu ici de musique alternative et indépendante, pas des trucs ignobles qui vont finir à l'Eurovision et qui mériteraient à eux seuls d'être traduit en justice pour crimes comme l'humanité).

Mais surtout, quand ladite scène musicale alternative est aussi méconnue que particulièrement excitante (au-delà des Drudkh et autres Jinger évidemment), on se dit qu'un petit panorama des pépites récemment dénichées par nos services s'imposait donc entre deux frappes russes pas du tout chirurgicales. Et puis cela permet de rendre hommage au courage de ces artistes qui tiennent sous les bombes, préfèrent lutter sur place plutôt que partir et qui même pour certains, vont avec leur testicules et leur couteau sur le terrain, non pas pour tripoter des femmes comme certains groupes français en coulisses (voilà ça c'est fait) mais plutôt de gros Spetsnaz en treillis. Là forcément, il faut toute de suite un peu plus de burnes.

Que l'on apprécie tout particulièrement dénicher de petites douceurs perlées à la manière d'un Krobak et de son cocktail - pas molotov du tout- mais post-rock/progressif qui ravira autant les purs inconditionnels de musique "post - tout ce que tu veux" (les Godspeed You ! Black Emperor, Mono & co) que les proggeux les plus classieux (King Crimson, Porcupine Tree etc...) et aventureux (The Mars Volta...), sans se départir d'un certain amour pour les compositeurs de musiques de films (coucou Hans Zimmer) ; ou du gros hard qui tâche et martyrise les amplis comme pas deux : rien à redire sur la fond comme la forme, on trouve entre Kiev, Lviv, Donestsk et Odessa un peu tout ce que l'on veut pour peu que l'on aime la torpille sonore bien fuselée.

Difficile de passer sous silence - derrière l'évidence White Ward (post-black-metal x dark-prog-jazz(core) qui navigue au confluent des genres entre Deafheaven, Bohren & Der Club Of Gore et Imperial Triumphant), les pointures calibrées pour faire mal que sont - pour ne citer qu'elles - Septa (alt-rock/hardcore/mathcore/prog' qui envoie méchamment) et The Nietzsche ; démontrent qu'ils n'y a pas que les ricains qui peuvent boxer dans une catégorie dominée d'ordinaire par les iconiques Botch, Converge, Every Time I Die, Faith No More, Norma Jean et autres The Dillinger Escape Plan ou The Chariot (Tool aussi au passage). Oui, dès lors qu'il faut envoyer les décibels concasser des tympans et autres minasses anti-personnelles régler des problèmes de frustration et d'ego de dictateurs en puissance, les mecs savent clairement faire.

Et l'émotion pure dans tout cela ? Faut demander Elephant Opinions (emo/dark-screamo/post-hardcore-punk) qui sait faire jaillir celle-ci dans la douleur, toute en tension à couper au couteau et énergie brute de décoffrage ; quand dans un esprit un peu différent, Bluesbreaker nous renvoie à nos émois musicaux adolescent, lorsque l'on découvrait Cave In, Helmet, Quicksand, Rival Schools... et qu'on se disait qu'il serait difficile de faire sinon mieux au moins aussi bien. Bah erreur, eux y arrivent.

Septa - Bitten by the Serpent of the Kingdom of the Spirit Parce que si la scène nord-américaine est forcément pourvoyeuse de références en tout genre dès lors qu'il s'agit d'évoquer les musiques alternatives et amplifiées, nombre de groupe ukrainiens font bien mieux que recycler des poncifs éculés ; même lorsqu'il est question de stoner/doom/rock/psyché qui voit les Stoned Jesus et Somali Yacht Club trôner en bonne place aux côtés des références européennes (les Colour Haze, Elephant Tree, My Sleeping Karma et autres Samsara Blues Experiment) quand avec une vibe chère aux amateurs de bonne dose de gras fumante et ruisselante, Ethereal Riffian sait cogner dur quelque part entre Acid Bath, Down et EYEHATEGOD.

Si les aficionados de - plus ou moins - gros son ne sont toujours pas rassasiés par le menu et savoureuses friandises sonores proposés ci-dessus, il reste toujours les produits de niche. De ces petites bizarreries qui rappellent que causer de jazzcore avant-gardiste ukranien en société, cela fait toujours son petit effet, surtout que cela permet de parler de l'œuvre d'HP Lovecraft et que du même coup, on peut raccrocher proprement les wagons avec Cthulhu Rise qui fusionne Mr Bungle, John Zorn, Miles Davis et Dillinger Escape Plan. Tout un programme !

Et comme il y en avait un peu plus et qu'on l'a mis quand même, on peut finir la dégustation de produits locaux avec du hard qui bucheronne, bombarde de riffs et pilonne en règle ; soit +\- (plus\minus), Doomeye, Mortebound et Focusrights. Autant de projets qui devront secouer les écoutilles des habitués de Converge, DEP (encore oui), Every Time I Die, Shoemaker Levy 9 Psyopus ou encore The Tony Danza Tapdance Extravaganza.

Notons que ce dernier projet compte également des musiciens russes, parce qu'à la fin, eux non plus n'ont rien demandé dans ce bordel et ne méritent certainement pas d'être mis au ban de la scène, des concerts et festivals, juste parce qu'un Adolf en puissance a piqué sa crise d'expansionnisme impérialiste aigüe.

Puis bon, n'oublions jamais qu'à la fin, on pourra toujours balancer des cargaisons entières d'albums de Muse si on en est réduit à cette extrémité pour vaincre Vladounet et sa clique.