Son précédent album s'appelait Cunts mais le groupe a eu la bonne idée de se renommer CNTS. Je ne le connaissais ni d'Eve, ni de Satan, ni de je-ne-sais-qui avant et j'aurais très bien pu passer à côté de ce disque, tout comme vous d'ailleurs. Pas parce qu'on n'en aurait pas parlé sur le W-Fenec, non, parce que Thoughts & prayers n'a failli pas voir le jour. Matt Cronk le chanteur (aussi dans Qui) a eu les cordes vocales bousillées après un accident de voiture et les médecins n'étaient pas certains qu'il puisse reparler à nouveau. Et cela aurait été fort dommage. Je n'ai pas beaucoup de disques en provenance d'Ipecac Recordings, voire même pas du tout, car ce label fondé par Mike Patton (Faith No More, Mr. Bungle, Fantômas...) sort des trucs souvent bien bien barrés. Dans le mail promo il était question de "noisy punk" et de membres d'autres groupes de Los Angeles (Retox, Dead Cross), cela a attisé ma curiosité, j'ai lancé un lien streaming et goûtant fort à ce qui sortait de mes enceintes, j'ai répondu direct pour demander le CD, avant que l'un de mes camarades renardeaux le fasse. Et j'ai bien fait de les coiffer au poteau car depuis, il a à moult reprises squatté ma chaîne et mon autoradio.
38 minutes pour 10 mandales dans la tronche, et on en redemande en plus car CNTS arrive à varier les plaisirs, les tempos, les ambiances, même si c'est bel et bien le noisy-punk complètement malsain qui prédomine, à l'image de l'artwork. Le gang californien débute les hostilités avec un "I won't work for you" très punk hxc, tout à fond, puis relâche un peu la pédale de l'accélérateur sur le titre éponyme "Thoughts & prayers", avec ses riffs bien gras terminant en larsens et si cela ralentit encore davantage sur l'excellent "Smart mouth", c'est en actionnant par surprise le frein à main, à deux doigts de nous envoyer dans le décor sur la fin. Et cela repart de plus belle avec "Dear sir", à la rythmique ultra prenante, vicieuse, morceau au cours duquel je n'oserais m'aventurer au milieu d'un quelconque mosh pit. Puis voilà que déboule "For a good time (don't call her)", chanson anti-amour, expérimentale avec quelques samples electro et "Alone" derrière, limite grind. On n'est pas chez Ipecac pour rien mais l'ensemble garde une certaine cohésion avec ce chant criard de Matt et les guitares monstrueusement malsaines, dissonantes et revigorantes de Michael Crain, également producteur du disque, qui a fait du bon boulot. On pense parfois aux premiers Refused pour ce qui est des riffs, de Snapcase aussi, par moments pour l'aspect envoûtant, prenant. La fin de Thoughts & prayers est peut-être légèrement moins intéressante mais jusqu'à "Eating you live", plage 7 et ma préférée, véritable quintessence de ce qui a été énoncé précédemment, CNTS défonce absolument tout sur son passage.
En journaliste consciencieux je suis allé écouter l'album précédent mais il n'est vraiment pas au niveau de celui-ci, que l'on parle du son ou de la qualité, l'efficacité des chansons, notamment d'un point de vue cathartique. Si tu as de la rage à exprimer, jette-toi sur ce disque.
Publié dans le Mag #60