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Chocolat Billy / Chronique LP > Le feu au lac

Chocolat Billy - Le feu au lac L'air de rien, les Bordelais de Chocolat Billy fêtent cette année leurs vingt ans, en même temps que la sortie de leur septième album, Le feu au lac. On retrouve à travers ce disque tout ce qu'on adore chez le quatuor : une pop joyeuse, cette folie légère provoquant de nombreux sourires et une palette sonore large pour éviter la monotonie. Aux premières écoutes, on vit avec cette sensation de doutes : "Bon sang, est-il bon ou mauvais ?". Assurément, moins immédiat et rock que Délicat déni, Le feu au lac est comme un bon thé, il doit être chauffé à bonne température et doit se laisser diffuser selon un temps précis, sinon son apport n'est pas optimal. Après plusieurs écoutes, l'avis devient plus définitif : c'est une réussite.

Chocolat Billy, c'est quand même un joyeux bordel très expressif. Dansant à souhait, ce nouvel album fout le feu sans embraser le dancefloor. Plutôt construit pour un voyage intérieur, Le feu au lac nous emmène vers des contrées mélodiques empruntant autant à l'indie-pop ("Où vas-tu Zolatale") au post-punk ("Watch out"), à la musique caribéenne ou africaine ("Jacques revient de la pêche", "Cinecitta"), au slam ("Je danse dans le noir") ou encore à la soul-world psychédélique ("Contre toute attente"). Contrairement aux apparences, cette formule hybride à doses expérimentales n'est pas indigeste, bien au contraire. Elle séduit parce que non seulement cette œuvre est bien écrite, maîtrisée et soignée, mais surtout parce que les membres de Chocolat Billy ont assez d'expérience pour savoir rendre ses morceaux concis (excepté "Devant derrière Californie", aucun titre ne dépasse 4 minutes), les aérer et les équilibrer, éviter les redites, trouver les bonnes sonorités pour les graver dans le cerveau de l'auditeur sans le gaver, comme ce clavier lead qui joue un peu le rôle de fil rouge dans ce Le feu au lac.

Publié dans le Mag #52

Chocolat Billy / Chronique LP > Délicat déni

Chocolat Billy - Délicat déni Les Bordelais de Chocolat Billy ne sont pas nés de la dernière pluie. Depuis leur formation au début des années 2000 (le premier album Mon père est ma mère a été enregistré en 2003-2004), le quatuor a pondu cinq œuvres en comprenant la dernière, intitulée Délicat déni, sortie cette année grâce aux labels Les Potagers Natures (avec qui ils travaillent depuis la sortie de Jacques & ses diverses compagnes en 2012 et qui a réédité le premier disque du groupe) et Kythibong Records (Papaye, Fordamage, Deerhoof...). Ceci étant dit, il nous aura quand même fallu attendre 15 ans pour découvrir cette formation très bien implantée dans les sphères indé du rock multicolore francophone, même si la concurrence fait rage en la matière. Conséquence : on s'en mord un peu les doigts au regard de la qualité de ce disque (déjà) indispensable et marqué d'une patte artistique singulière.

Chocolat Billy trace une ligne musicale portée par la mélodie, c'est sa force première et l'une des raisons pour lesquelles nous adorons Délicat déni. Les Bordelais s'en donnent à cœur joie pour varier les plaisirs avec des instruments clairement chantant aux accentuations puisant tous azimuts, prenant même des chemins aux destinations opposées (on ne peut comparer le (kraut)rock 70's d'"Elyséens" à l'aspect sibyllin de "Malade"). Cet album peut sonner très pop lumineuse, comme "Chanterelles", puis délivrer un hymne tribal/transe de la trempe de l'excellente "Le monstre", point culminant du disque bien suivi par l'épique "Petit idée du matin", véritable brûlot de math-rock progressif. Car Délicat déni est une croisière dans les méandres du son, une expérience sur les capacités infinies de la musicalité qui, tout en progressant, nous donne une leçon de composition.

Car la mélodie ne suffit pas pour faire un bon album, il faut savoir aussi trouver le bon mixage, le bon montage des éléments pour que la sauce prenne et que l'ensemble en devienne presque naturel. C'est là où Chocolat Billy excelle également. À aucun moment on frôle cette malheureuse ambition d'une certaine forme d'élitisme, rien n'est gratuit, et les chansons coulent de façon propre et évidente au fur et à mesure de leurs découvertes. Un joyeux bordel soigné et organisé, qui nous fait autant flipper que danser. Une réussite à saluer.

Publié dans le Mag #35