L'air de rien, les Bordelais de Chocolat Billy fêtent cette année leurs vingt ans, en même temps que la sortie de leur septième album, Le feu au lac. On retrouve à travers ce disque tout ce qu'on adore chez le quatuor : une pop joyeuse, cette folie légère provoquant de nombreux sourires et une palette sonore large pour éviter la monotonie. Aux premières écoutes, on vit avec cette sensation de doutes : "Bon sang, est-il bon ou mauvais ?". Assurément, moins immédiat et rock que Délicat déni, Le feu au lac est comme un bon thé, il doit être chauffé à bonne température et doit se laisser diffuser selon un temps précis, sinon son apport n'est pas optimal. Après plusieurs écoutes, l'avis devient plus définitif : c'est une réussite.
Chocolat Billy, c'est quand même un joyeux bordel très expressif. Dansant à souhait, ce nouvel album fout le feu sans embraser le dancefloor. Plutôt construit pour un voyage intérieur, Le feu au lac nous emmène vers des contrées mélodiques empruntant autant à l'indie-pop ("Où vas-tu Zolatale") au post-punk ("Watch out"), à la musique caribéenne ou africaine ("Jacques revient de la pêche", "Cinecitta"), au slam ("Je danse dans le noir") ou encore à la soul-world psychédélique ("Contre toute attente"). Contrairement aux apparences, cette formule hybride à doses expérimentales n'est pas indigeste, bien au contraire. Elle séduit parce que non seulement cette œuvre est bien écrite, maîtrisée et soignée, mais surtout parce que les membres de Chocolat Billy ont assez d'expérience pour savoir rendre ses morceaux concis (excepté "Devant derrière Californie", aucun titre ne dépasse 4 minutes), les aérer et les équilibrer, éviter les redites, trouver les bonnes sonorités pour les graver dans le cerveau de l'auditeur sans le gaver, comme ce clavier lead qui joue un peu le rôle de fil rouge dans ce Le feu au lac.
Publié dans le Mag #52