Chevreuil

Biographie > Terrine

Chevreuil fait partie de ces groupes que l'on a tendance à appeler "hors-norme". Et pour cause, ce duo frenchy emmené par Tony C (guitare/ synthé) et Julien F (batterie) voit le jour en 1998 et dès ses débuts, affiche son originalité en branchant la guitare sur pas moins de quatre amplis et décide de jouer en concert au beau milieu du public. Une volonté farouche de se mettre en marge de tout ce que l'on peut voir et écouter ailleurs. Ce besoin quasi viscéral de développer des compositions uniques dans leur approche musicale mais toujours d'une maîtrise effrayante valent à Chevreuil de devenir l'un des disciples de l'incontournable Steve Albini (Shellac, Pixies, PJ Harvey, Godspeed You! Black Emperor, Slint, Elysian Fields, Electrelane... on va s'arrêter là tant la liste de ses collaborations et productions est longue).
Quelques sorties aux noms les plus décalés plus tard (Ulan Bator, Sport, Ghetto Blaster, Chateauvallon) et l'art-rock de Chevreuil a su se faire une jolie petite place de choix chez les inconditionnels de musique indépendante et sortant un peu de l'ordinaire. Après avoir joué aussi bien en Europe qu'aux USA (notamment avec Oxes), Chevreuil part à la conquête du reste du monde (la France, où ils ne sont pas encore complètement prophète en leur pays, mais également le Japon...) via deux nouvelles sorties : l'EP Science, uniquement distribué au pays du soleil levant et l'album Capoeira, disponible un peu partout et notamment dans l'hexagone via Ruminance Records et PIAS.

Chevreuil / Chronique EP > Science

chevreuil_science.jpg Exclusivement distribué au Japon via le label StiffSlack Records ou en import pour les plus curieux, Science est un EP étroitement lié à Capoëira, le quatrième album du groupe. Un objet rare donc et pourtant qui apparaît comme le prolongement parfait de l'album. Des structures plus alambiquées et difficiles à cerner, des compositions sophistiquées et fourmillant de détails, toujours cette impression de ne se fixer aucune limite en repoussant un concept déjà tordu, Chevreuil ne se réinvente pas complètement, mais va encore plus loin que sur l'album. La clef de l'évolution de du groupe, c'est sans doute (comme sur Capoeïra) cette guitare censée être le croisement hybride entre un synthétiseur et une guitare... De quoi laisser entrevoir quelques performances live qui vaudront le détour, assurément. Superposant ses instrumentations syncopées à ses ébauches de mélodies intransigeantes, le Chevreuil continue sa mutation, explorant par là même de nouveaux horizons sonores pour évoluer encore et encore. Agressive, tranchante, sans concession, la musique délivrée par nos deux compatriotes tend à s'affranchir de toute appartenance à un quelconque courant musical précis. On pourra la décrire comme du math-rock expérimental, on ne sera pas très loin de la réalité, mais il manquera encore quelque chose, ce petit "truc" indéfinissable mais aisément reconnaissable dans les travaux du groupe et qui fait le style Chevreuil. Assez éloigné d'un Hella (duo math-rock virtuose de référence) par exemple, le duo nantais cultive sagement sa différence, se laisse parfois influencer par l'impressionant héritage d'un Shellac, pour mieux s'en détacher l'instant d'après. Objet musical difficilement indentifiable, Chevreuil est de ces rares groupes, qui parviennent encore à surprendre, à apporter un peu de sang neuf même au mélomane les plus blasés que le chroniqueur "rock" est bien trop souvent.... A l'heure du formatage massif des groupes tendance ou des singles emballés en moins de 3 minutes pour exploser les audiences radio, les deux nantais se sont imposés dans la durée (quatre albums déjà + deux EP), démontrant avec force et un certain sens de l'exigeance artistique qu'il y a encore de très intéressantes alternatives au tout marketé. Et pas forcément de la masturbation intello surfant sur une branchitude préfabriquée par des médias cherchant à se faire mousser...

Chevreuil / Chronique LP > Capoëira

chevreuil_capoeira.jpg Capoëira... comprendre le rapport entre titre du quatrième opus de Chevreuil et son contenu relève de la gajeure. Mais vu le passif du groupe en la matière, au final ce n'est pas vraiment une surprise. Plus original, ">>>+/-<<<" et les quelques mots de Steve Albini en personne présentant le disque, comme quoi, on n'est jamais à l'abri de rien avec le duo français. Après ce bref discours introductif, la mécanique rythmique infernale se met en place, Chevreuil livre avec "Cannibal lover" un brillant exercice de style math-rock, anti-mélodique, d'une maîtrise technique bluffante et que d'aucun trouveront sans doute un peu stérile. Les autres seront déjà sur les rotules... Parce que dès les deuxième et troisième titre de Capoëira, on a compris le truc, niveau accessibilité, ce disque est à réserver de préférence aux initiés. "Gendarme" par exemple, ou "Concorde" et ses instrumentations synthétiques, ses lignes de guitares samplées, toujours cette rythmique implacable et ces compositions bâties sur une éternelle répétition. Hypnotique, mais assez difficile à cerner, il faut le reconnaître. Des compositions telles que ""Afronegro" ou "Breakdance" sont à ce titre des modèles du genre : développant plusieurs couches successives, la guitare se fait quasi chirurgicale. Associée à une batterie métronomique, elle se veut expérimentale, mais également très rock et parvient à captiver l'auditeur comme rarement. Véritable laboratoire de recherche et expérimentations math-rock, Capoëira est un album fait de détails nécessitant maintes et maintes écoutes, chacun d'entre elle permettant d'en découvrir une nouvelle strate musicale. Hybride entre rock bruitiste et éléctro par ses textures synthétiques, cet opus est une oeuvre qui brille par sa radicalisme autant que par son étonnante fluidité, le tout pour une résultat hors-norme et qui trouve notamment sa conclusion dans le surprenant "Solier supérieur". Un morceau où Jamie Stewart (Xiu Xiu), vient jouer les guest en posant des vocaux étouffés sur un dernier titre complètement dans la veine des précédents, le chant en plus. Recherchant toujours à développer une musique quasiment jamais entendue ailleurs, à exploiter de nouvelles trouvailles sonores et pousser plus loin son concept assez casse-gueule, Chevreuil livre là un disque techniquement brillant, artistiquement maîtrisé et au magnétisme évident.