C'est toujours une délicieuse sensation de renouer avec les aventures de Seb Normal et Lily Chansard, duo de Delacave qui opèrent également dans une formation à quatre dans un style disons cold-post-punk et appelée Le Chemin de la Honte. Celles et ceux qui suivent notre magazine se souviendront sûrement de la soirée Sale et Sauvage #5 à Mains d'œuvres au sein de laquelle avait pris part le quatuor, sans pour autant nous convaincre réellement à l'époque. Contexte en cause ? Toujours est-il qu'à l'écoute de leur deuxième album, Un château perpétuel, la donne a véritablement changé : nos sentiments et émotions s'emballent. Ce nouveau disque a subi un parcours de réalisation relativement long, 3-4 ans entre la composition et la sortie, qui a été retardée d'une année due notamment à la recherche d'un diffuseur/label. Peine perdue car cet album autoproduit est finalement disponible en version numérique. En attendant la possibilité de le voir un jour sous format physique - ce qui serait vraiment cool, d'autant plus que le disque est mis en valeur par une peinture démoniaque de David De Mille intitulée. "Un château perpétuel" - ses sept titres peuvent être écoutés et appréciés en streaming via le Bandcamp du groupe (ou en lâchant 7 euros minimum pour recevoir les fichiers).
D'un ton froid et cru, la musique du Chemin de la Honte est vallonnée. Entre colères et réflexions, ce nouvel album est jalonné de plages obsédantes alternant les accalmies et agitations de manière souvent répétées (on pense instinctivement à l'excellente "Les bribes du devant"). On surfe donc sur des terrains pas commodes tout en étant guidé par la voix hypnotisante et scandée de Lily (notamment sur "Espions" où elle est doublée), telle une prêtresse faisant vibrer les corps d'une foule accrochée aux vagues sonores tempétueuses et insoupçonnables du groupe. Si ce Un château perpétuel est une réussite, il la doit aussi en grande partie par le travail d'écriture bluffant des cordes et particulièrement des guitares qui passent par tous les états possibles (criante, rugissante, cristalline.). Ce voyage en langue française nous transporte à travers chacune de ses plages, comme un livre avec ses chapitres, il se dévoile au fur et à mesure dans des atmosphères propres (par exemple, progressive pour "Les pas de courses", cyclique pour "Le traffic des cours"), tout en gardant cette unité artistique cohérente qui caractérise les bons albums, généralement une palette sonore et/ou une thématique qui se distingue. Et Le Chemin de la Honte se distingue.
Publié dans le Mag #49