Chapelier Fou - Deltas Art et mathématiques sont deux domaines qui s'adorent et si les matheux ne sont pas forcément de grands artistes, nombreux sont les artistes à avoir jouer avec les mathématiques. Si la peinture s'est allègrement amusée avec les nombres (d'or ou pas), en musique, il est moins évident de faire la corrélation, même en écoutant du math-rock... Le Chapelier Fou joue fatalement avec les chiffres depuis toujours mais cette fois-ci, il a noirci le trait en invitant des références à se mêler dans ses titres.

Dès l'artwork, c'est évident, la géométrie est belle et bien là, même si elle reste assez floue et surtout colorée, Chapelier Fou est tout sauf binaire et si ses compositions sont ciselées, elles sont également libres et n'apprécient guère les cadres classiques et la rigueur... mathématique. Le titre de l'album est une autre pièce à verser au dossier : Deltas, point de géographie fluviale ici mais davantage le symbole du changement, au pluriel, ils seraient donc plusieurs même s'ils ne sont pas si évidents que ça, tant ce nouvel opus s'inscrit dans la lignée des précédents, avec peut-être un peu moins de violon ? Ensuite, c'est dans les noms de piste que Louis place des références évidentes qui viennent en percuter d'autres : "La guerre des nombres" (ou comment remixer H. G. Wells), "Triads for two", "Pentogan 3.14" (ou comment un changement de lettre vous déforme un mot, à noter que Pi n'est présent que là alors que si "Grand Arctica" et son rythme marqué avait duré 5 secondes de moins...) ou moins évidentes... Comme ce "Pluisme" que je vois comme la contraction poétique de "prisme" et "pluie" ou ce "i_o" qui peut être interprété comme le passeur de 0 et de 1 d'un appareil à l'autre. Comme toujours, Chapelier Fou apporte plein de choses, son imagination n'est pas forcément la même que la nôtre, sans texte, cette interprétation reste personnelle et chacun pourra se construire la sienne. Musicalement, c'est pareil, on peut chercher à découvrir des symboles, des messages mais je préfère me laisser porter par les mélodies, les samples, les rasades de violon, c'est tellement plus simple et plus agréable... A cette enseigne, dénotent le tip top "Tea tea tea" dansant, la douceur de "Carlotta Valdes" qui procurera quelques Sueurs froides aux plus timorés mais aussi "Tickling time" où Gérald Kurdian vient (de nouveau) poser sa voix. Depuis Invisible, les deux artistes ne se quittent plus : après avoir apporté son instrument sur un titre ("Celebration") de l'album de son comparse (La solidité des choses (The strength of things)), le Messin et le Parisien travaillent encore ensemble pour ce morceau très doux où les parasites s'éclatent avec des notes très pures.

Jamais facile à appréhender, la musique de Chapelier Fou est à vivre comme une expérience, alors certes, chez soi, ça demande de l'attention et soit de l'abandon soit de la concentration mais en live, c'est un immense plaisir et quand on l'a connu une fois, il est bien plus aisé de s'y replonger. Si tu n'es pas convaincu par ces titres, va à la rencontre du Chapelier Fou, tu y reviendras forcément. C'est aussi sûr que deux et deux font quatre.