Visiblement en pleine créativité, Chafouin ne s'arrête plus ces derniers temps. Alors qu'un nouvel album est sorti le 1er avril, les Brestois nous avaient délivré deux disques en 2024, dont ce Trucs. La dernière fois qu'on vous en avait parlé, c'était pour Trois, quatre, album livré en mai 2023. Ça fait donc 4 disques en 2 ans, une belle prouesse. Mais alors que vaut ce Trucs ? Eh bien, on va dire que si tu connais un peu les garnements, tu ne seras pas vraiment surpris du résultat. Chafouin reste dans les fondements de la musique minimaliste (pas étonnant qu'ils aient proposé leur version d'In C de Terry Riley l'année dernière), mais en mode rock expérimental. Une musique avec pas mal de bases répétitives donc, ce qui peut devenir assez vite chiant à la longue quand on n'est pas habitué. Et puis, presque par surprise, le groupe parvient à présenter des chansons beaucoup plus faciles d'accès comme "Batav" et sa sensibilité pop. J'ai un petit faible aussi pour les airs mélancoliques (non sans excentricité) que diffuse "Cinq point un". Trucs, que je trouve personnellement moins abouti que Trois, quatre, est plus centré sur l'expérimentation aboutissant parfois à quelques dingueries comme "Max la menace", ou à des compositions superbement travaillées comme sur l'hypnotisant "AZAG". En bref, un album qui retourne le cerveau.
Chez les musiciens, il y a deux écoles pour lancer un morceau binaire : le fameux "1, 2, 3, 4" qu'adore nous rappeler Gui de Champi dans ses chroniques pour signifier que le morceau va envoyer de la sauvagerie punk, et le "3, 4", une manière de gagner du temps qu'utiliserait, d'après le titre de son dernier album, les Brestois de Chafouin. En vérité, je n'en sais rien, et on s'en fout un peu. Je cherchais juste un moyen de bien débuter cet article, je suis un peu déçu de moi là. Puis, entre temps, mon cerveau vient de buguer sur l'article défini "les" que je viens d'utiliser pour qualifier Chafouin. La première fois que j'ai entendu parlé/vu ce groupe, il s'agissait d'une sorte d'homme-orchestre derrière une batterie qui grattouillait sa guitare et s'amusait à faire des boucles avec ses machines. C'était à La Ferme Électrique, en 2017, et je me souviens que le type était un peu une attraction ce jour-là. La question c'est : s'agit-il du même projet ? Ce type, en a-t'il eu marre de se faire comparer à Rémy Bricka, bien qu'il n'ait pas le même costume ? Alors, pour W-Fenec Magazine, j'ai mené mon enquête sur le terrain lors d'une soirée En Veux-Tu ? En V'là ! à Paris. Il y a de sacrés spécialistes en matière de groupes chelous dans ce terrier. Mais j'étais circonspect à l'idée de trouver rapidement ma réponse, puisque c'était un évènement un peu metal déglingo avec Ni et Odd Fiction, mais une personne bien attentionnée qui attendait pour pisser m'a répondu ceci, tout en se retenant : "Les Brestois ? Oui, c'est bien le même groupe. De rien".
Incroyable, cette manière de duper le monde. Même le clip d'"Ex choco" - au passage, excellent titre de ce Trois, quatre - est une escroquerie. Je vous raconte ça fissa : les gars ont utilisé un live de Rage Against The Machine en l'intitulant "Chafouin - Cover by Rage Against The Machine". Du pur génie ! Attendez, vous en voulez une autre ? OK, les gars martèlent "C'est déjà, c'est déjà la fin, c'est déjà la fin... du monde" alors qu'on est seulement au quatrième morceau... Vous ne pouvez pas attendre logiquement l'épilogue de votre œuvre avant de nous balancer ça à la tronche ? Et s'il n'y avait que ça. Bref, je vais leur pardonner et reprendre un peu mon sérieux, car en tout honnêteté, ce Trois, quatre est tout bonnement une réussite, que dis-je, une tuerie ! Tu l'auras compris, Chafouin est... chafouin. Quand tu tombes sur ce genre d'énergumènes, il ne faut pas s'attendre à une musique aux contours soigneusement délimités. Le rock des Brestois nous emmène aux quatre coins de la carte des styles : noise, math-rock, pop, post-hardcore, minimalisme, progressif, post-rock, krautrock, electro... C'est simple, ils prennent tout ce qu'ils peuvent en matière d'influences pour en faire une décoction unique qui balance le chaud et le froid, agite les sens en permanence, inspire la joie et la tristesse à la fois. Mais toujours avec un humour débordant comme ce "Pitch de rêve" sur lequel une voix pitchée en aigu, façon ballon d'hélium, chante sur une mélodie qui pourrait être un générique d'un dessin animé du Club Dorothée. Ou cette ligne de basse répétitive sur "Ligne de basse". Je ne vous en dirai pas plus pour aujourd'hui, car Trois, quatre doit être écouté pour vivre pleinement l'univers passionnant, dément et culotté de ces Brestois vraiment pas comme les autres.
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