Cecilia::Eyes - Here dead we lie cover Au début, on se dit que cet Here dead we lie commence pianissimo, tout en douceur apaisée et que pour l'intensité, on repassera. "Like wolves" joue alors la carte d'un classicisme épuré, un peu trop policé et dans l'ombre des évidentes références (Explosions in the Sky, Mono...), pour complètement nous faire adhérer au propos. Puis vient le moment de faire entrer "For the fallen", sur lequel Cecilia::Eyes déploie des trésors d'élégance mélodiques, habilement entrelacés autour d'arrangements post-rock panoramique et scintillants. Et là, ça change tout.
Progressivement, l'album dévoile ses secrets et son intrigue, l'entité belge ayant voulu, au travers d'un disque au titre déjà éloquent, évoquer les traumatismes consécutifs aux conflits mondiaux qui balaient depuis des temps immémoriaux le quotidien de l'Humanité. C'est dans cet état d'esprit empreint de tonalités plus sombres qu'à l'ordinaire que cet Here dead we lie verse dans l'étrangeté et l'abstraction sensorielle sur un "Anthems for doom youth" au titre déjà lourd de sens, avant de s'abandonner à la mélancolie avec "Four lost soldiers". Sans fausse pudeur, le groupe y délivre alors une musique qui n'a rien d'artificielle et affronte les tourments de l'âme, sans haine ni violence, juste avec ce sens inné de la justesse narrative et émotionnelle qui fait que l'on s'immerge dans l'oeuvre des Cecilia::Eyes sans même sans rendre compte.
Un oeuvre qui justement trouve une forme de paroxysme délicat dans "The departure", porté par un piano dont la moindre des finesses est mise au diapason des autres instruments présents sur l'album par une production des plus limpides. Il y a ici de la poésie dans la trame mélodique initiée par le groupe, qu'elle soit lancinante ("Fifty years under the tent") ou plus immédiate ("No prayers, no bells, no homeland") et de fait, Here dead we lie est plus que simplement le troisième effort discographique du groupe. Entre les lignes, on lit clairement chez le groupe le besoin de créer une musique qui puisse être vue comme du post-rock "simplement" classieux, mais également comme quelque chose d'un peu plus intelligent. Et pour convaincre, il n'hésite pas à hausser le ton sur le final de "No prayers" avant de conclure sur un "Death for treason" propice au recueillement introspectif, qui, sans sombrer dans le lacrymal pesant, parvient à faire naître chez l'auditeur une émotion incroyablement pure.

[NB : une petite note pour l'objet, parce que de nos jours, le contenant tient autant de place que le contenu dans l'esprit du collectionneur (en clair celui qui achète encore des CD et/ou vinyles). On s'attendait à un digisleeve/digipak classe, on a carrément droit à un album livré dans un petit coffret cartonné, avec des visuels en forme de cartes postales histoire de justifier un peu plus l'acquisition de l'album...]