Depuis leur formation en 1995, les Cave In n'ont eu de cesse de brouiller les pistes au point qu'on ne sait plus dans quelle case les glisser. Après le hardcore brut de pomme de leurs premiers enregistrements, les Bostoniens ont évolué vers un métal progressif des plus perturbés sur Jupiter (2000) avant de revenir sur le dernier Antenna (2003) à des compositions plus rock et plus concises, mais toujours inspirées. Un virage musical qui coïncide avec leur signature sur la major RCA et leur venue en France pour défendre leur album tout frais pondu : l'occasion rêvée de laisser les deux gratteux Stephen Brodsky et Adam McGrath éclaircir notre lanterne autours d'un café qui on l'espère réchauffera l'ambiance un peu glaciale du hall d'hôtel... z'aiment pas la presse les ricains !
Cave In : Live in paris 2003
Alors messieurs, comment se passe cette seconde tournée, pas trop froid ?
Stephen : On avait tellement peur d'avoir froid qu'avant même de partir, on anticipait d'éventuelles maladies sur la route... mais finalement il fait plus froid à Boston !
Adam : C'est la deuxième fois qu'on vient en France, la première tournée ne s'est pas très bien passée (!), alors on a peu l'impression de découvrir le public français sur celle-ci.
Ca va encore être un peu spécial, étant donné la sortie tardive (en mars) de votre album... ça ne vous ennuie pas de faire tant de concerts sans qu'il soit encore dans les bacs ?
A : La sortie d'Antenna a pris pas mal de temps, entre la nouvelle signature sur RCA et le travail en studio pour lequel il fallait réunir tout le monde. La maison de disque voulait nous faire tourner dès maintenant, mais on pense revenir sur des festivals cet été pour mieux défendre l'album.
S : Ca ne nous gêne pas que le public ne connaisse pas encore l'album... il y aura sûrement moins de monde mais ceux qui nous connaissent déjà viendront par curiosité, pour voir si on a suivi la même direction que sur notre dernier maxi.
En même temps vous aller jouer dans des petites salles, ça vous plaît ?
S : Le mieux sur les grosses dates, c'est évidemment d'avoir un gros son... mais on aime bien jouer dans les petites salles aussi, plus familiales... on s'en fout en fait.
Il y a 5 ans, on vous rapprochait plus de Converge et Neurosis, et maintenant ? Vous sonnez presque comme A Perfect Circle sur "Seafrost"...
CaveIn :live in paris 2003
A : APC ? Wouah, je vois pas... je dirais plutôt un petit côté Pink Floyd, qui nous a pas mal inspiré ces derniers temps ! Mais il ne me semble pas qu'on sonne comme aucun autre groupe actuel...
Et vous écoutez Pink Floyd sur la route ? Who Inspires You ?
A : Bof... peut-être Quicksand et Fugazi...
Les Foo Fighers ? On dit que ce sont vos plus grands fans...
(ricanements)
A : Oui, les journalistes aiment bien parler de ça, surtout des trucs dont on est pas au courant.
Beaucoup de changements dans Cave In depuis 5 ans, je vous connaissais très hardcore et vous voilà qualifié d' "alternative métal", alors que je pencherais plutôt pour une étiquette emo...
A : J'emmerde les étiquettes. Alternative Métal ? Quelle connerie... nous sommes un groupe indé signé sur une major et qui jouons du rock, point !
Cave In : live in Paris 2003
S : On commence à nous rapprocher de la scène emo alors que c'est quelque chose qu'on ne connaît pas du tout et que l'on écoute pas. Le terme emo-core semble utilisé par les gens qui n'arrivent pas à définir ce qu'ils ressentent...mais il y a de l'émotion dans chaque forme de musique, à ce compte là nous faisons tous de l'emo-core !
Alors que penses-tu de la scène rock telle qu'elle se présente aujourd'hui ?
S : Le monde a été rempli de toutes ces trucs néo, maintenant être à la mode c'est faire du garage... je ne crois pas que ça puisse durer.
Quel que soit l'adjectif qui vous corresponde le mieux, le fait est que vous avez énormément évolué... c'est un signe de maturité, vous avez vieilli et perdu l'envie du bruit pour le bruit ?
S : Ben je pense quand même qu'on a grandi dans nos têtes, on voulait faire évoluer notre musique vers quelque chose de plus adulte. Et il faut dire que j'ai eu des problèmes de voix à force de brailler tout le temps, je ne le sentais plus.
A (décidément remonté) : Mais on fait toujours du bruit ! Music is Noise, Noise is Music !
Ca amène tout de même une nouvelle façon de composer...
S : Bien sûr, on n'écrit pas de la même manière, c'est peut-être plus complexe, ça demande une application supplémentaire. On avait commencé à évoluer dans notre travail sur Jupiter, en bossant les ambiances et en prenant le temps de construire les morceaux pas à pas. Je pense qu'Antenna est dans la continuité logique de cela...
A : A l'époque ça devenait trop mécanique d'enchaîner les compos hardcore. Mais en parlant de continuité, on est quand même revenu ici à des formats plus courts, en essayant d'être plus concis... finalement on écrit aussi vite qu'avant mais de manière totalement différente qu'à nos débuts. Ca vient plus facilement maintenant, on est plus accessible...
Votre musique devient effectivement plus accessible, vous avez eu peur de perdre des fans dans la foulée, ou au contraire vous pensez qu'ils vous ont suivis dans votre mutation ?
S : On a du en perdre quelques-uns uns, mais dans la majorité j'espère que les gens nous ont compris. Tu le disais avant l'interview, nos fans savent que notre son a évolué naturellement, de façon honnête et logique. Si toi tu l'as ressenti comme ça, tous peuvent le comprendre ainsi.
A : C'est plus commercial, et alors ? On s'en branle des critiques... vendre des disques ne nous dérange pas, on veut faire de la musique que tout le monde peut écouter.
La signature sur la major RCA vous a permis de vous concentrer sur votre musique...
Cave In : live in Paris 2003
S : On a pu abandonner tout les petits boulots qu'on était obligés de faire. On a pu progresser musicalement au lieu de ne répéter que le week-end après une semaine difficile.
Et vous y avez trouvé des gens qui s'occupent de vous ?
A : Des gens qui s'occupent de nous ? Pour le business, oui. Humainement, que dalle ! On se démerde encore tout seul pour plein de trucs...
Malgré les critiques, vous semblez plus du genre à renter dans le système pour mieux contrôler le système...
S : Tu peux répéter la question ?
S'ensuit un second chambrage de la part des deux autres musiciens... "dis oui, c'est tout". Sympa, les ricains...
En fait, ça n'a pas l'air de vous ennuyer que certaines personnes vous détestent à cause de cette signature, car vous savez où vous en êtes par rapport à tout ça...
S : Disons qu'on fait partie de ce système bien sûr, mais c'est inévitable si tu veux toucher plus de gens. Ce n'est pas une honte de vivre de sa musique et d'être sur une major, on a gardé un esprit très Do It Yourself à côté de ça.
Vous semblez proche de vos fans, par le biais d'Internet notamment ?
A : On essaie en tout cas... c'est pas facile en tournée, entre les répéts et la presse !
Désolé...
S : Non c'est cool, ça fait partie de notre travail, c'est bon pour le groupe alors on s'y plie même si on a pas trop envie.
Alors pour finir de vous embêter, une dernière question : dans le film Almost Famous, une groupie dit au héros "Honey, you're too sweet for the rock'n'roll"... ça vous parle ?
S : Dans ce sens là, on est pas très rock'n'roll...on a pas de groupies, pas de drogues, pas de nuits de beuverie : on joue et on va se coucher parce qu'on est crevé...
A : Honey, we're too sweet for the rock'n'roll !
Et pourtant le set du soir même fut plus hardcore qu'il n'y paraît au premier abord... s'ils n'aiment pas les interviews, ces gars là aiment en tout cas leur métier et le prouvent sur scène en se donnant complètement. Leurs concerts se sont assagis, mais ils jouent toujours avec autant de sincérité et d'énergie, et ont ce soir là déployés leurs antennes d'une fort belle manière !
Merci aux Cave In et à Sabine @ BMG.
Re: Cave In / Cave interview
I love so mute!!!