Cannibales & Vahinés - Songs for a free body En 2005, la ville rose voit naître une formation rock expérimentale dans ses murs. En réalité, Marc Démereau, Fabien Dusccombs et Nicolas Lafourest représente rapidement un trio où le champ des possibles est étendu et fourré de perturbations faisant la richesse de leur musique. Par dessus tout, Cannibales & Vahinés ne négligent aucune piste pour faire vibrer la poésie. Après avoir enregistré William S. Tell (2007), ils se mettent à la recherche d'une voix d'expérience, d'un chanteur charismatique. En ouvrant le carnet d'adresse, ils vont tomber sur un certain G.W.Sok qui a pendant plus de trente années été membre fondateur de The Ex. Pilier du post punk expérimental et engagé dans la lutte contre toutes idéologies fascistes, le groupe aura travaillé aux côtés de Sonic Youth et Fugazi. Voilà de quoi donner le ton. Quoi qu'il en soit le chanteur poète accepte et rejoint la formation en 2010 avec la ferme intention de scander sa rage sur le pupitre du monde. S'en suivent deux albums avec pour dernier enregistrement Songs for a free body (2015) sorti sur le label du groupe.

Ce qui frappe immédiatement sur cette galette, c'est d'abord l'omniprésence de cuivres apportant des effluves du free jazz. Marc Fémereau armé de son saxophone prend un plaisir malin en déstructurant les morceaux notes après notes. Proche de l'improvisation qui doit trouver sa place en live, les mélodies sont un véritable tremplin pour se laisser transporter. La sensibilité mise à nue, les portes de l'imaginaire sont ouvertes pour qui veux bien fermer les yeux et voyager en terre inconnue.
De sa guitare, Nicolas Lafourest apporte un jeu répétitif structurant et hypnotique. A fil d'un "Whatever", l'étendu de son jeu lui permet de passer de l'ombre à la lumière. Toute sa force réside dans l'impression qu'il donne de se fondre dans le décors en étant sans conteste une pièce maîtresse. Car il brille dans la dissonance comme dans la mélodie calme. "Goghsuckers" montre à la perfection comment les musiciens se complètent entre eux par l'exploration et la justesse. La régularité impeccable du guitariste, les envolées du saxo, la richesse des percussions et le chant désinvolte sont un tout manié habilement. Terrain propice à la transe, "Old oak tree", me conquit définitivement. Et pour mon plus grand plaisir, il reste encore une moitié d'album. Aussi, Cannibales & Vahinés peut encore m'envoyer dans d'autres ascenseurs émotionnels. Peu importe, la baraque ne bougera pas, elle est tenue par le batteur. La tension et l'urgence peuvent bien se bousculer tour à tour dans "Mirror man" et dans "Zavod". Fabien Duscombs saura remettre de l'ordre avec tout ce qui lui passe sous la main.

L'âme poète, G.W.Sok, vient poser les mots comme un artiste rêveur et rebelle dans "Murder poetes". Morceau dans lequel - comme sur l'album précédent - il empreinte quelques vers à Léo Férré l'anarchiste. Disposé à nous rendre nos corps dans le calme, la formation termine par "A free body". Après être passé dans le rouleau de l'océan, la zénitude du bord pointe le bout de son nez. Les vagues se retirent, les bateaux craquent et les baigneurs flottent. J'ai déjà le mal de terre...